Ecrit en septembre 2000 :
L’embellie de l’emploi profite surtout aux jeunes diplômés
L’emploi salarié dans les secteurs privé et semi public a augmenté de 0,7 % (+106 300 postes) au deuxième trimestre, par rapport au trimestre précédent, et de 3,2 % (+444 400) sur un an, soit un nouveau record de progression annuelle depuis 30 ans, selon les chiffres définitifs du ministère de l’Emploi publiés vendredi 15 septembre 2000.
Selon les chiffres de l’Unedic (régime d’assurance chômage), également publiés vendredi et dont le champ d’études est différent, la progression est de 0,9 % (+133 800 postes) au deuxième trimestre et de 4,4 % (+647 200) sur un an, représentant aussi un record de progression annuelle.
Cette hausse est la quinzième augmentation trimestrielle consécutive depuis la fin 1996.
La progression au deuxième trimestre marque toutefois un ralentissement par rapport au bon chiffre du premier trimestre (+1,1 %, soit 152 800 nouveaux emplois selon les chiffres du ministère). Le premier trimestre avait, en effet, bénéficié d’un surcroît d’activité dû aux réparations des dommages causés par la tempête de fin décembre 1999.
Cette augmentation trimestrielle porte à 14 481 800 le nombre de salariés employés dans l’ensemble des secteurs concurrentiels (hors agriculture, administration, éducation, santé et action sociale), au 30 juin 2000, précise le ministère.
Sur le trimestre, l’emploi a augmenté dans tous les secteurs, enregistrant une hausse de 0,9 % dans le tertiaire (84 800 postes supplémentaires) et la construction (+10 300 postes), et de 0,3 % dans l’industrie (+11 200 postes), ajoute le ministère.
De juin 1999 à juin 2000, les créations d’emplois restent majoritaires dans le tertiaire (+360 000 emplois). L’industrie et la construction sont à égalité (respec-tivement 42 600 et 41 800 postes). L’Unedic souligne que les problèmes de recrutement se manifestent avec de plus en plus d’acuité dans ces deux derniers secteurs.
Enfin, toutes les régions de France présentent une croissance de l’emploi salarié, tant au deuxième trimestre qu’en un an, à l’exception de la Corse qui a enregistré un très fort recul (-9,3%) que l’Unedic ne s’explique pas pour le moment
Surtout les jeunes qualifiés
Le nombre de chômeurs de moins de 25 ans a chuté de 20,2 % en un an. Mais la reprise économique ne modifie pas en profondeur les comportements hérités de la crise. Elle bénéficie pleinement aux diplômés des grandes écoles, mais les « sans qualification » n’en perçoivent guère les effets.
Même si certains d’entre eux ont du mal à s’en convaincre, les jeunes sont les premiers à bénéficier de la reprise. D’après les chiffres du ministère de l’emploi, publiés fin août, le nombre de chômeurs chez les moins de 25 ans a chuté de 20,2 % en un an, contre 15,6 % pour l’ensemble de la population. Sur trois ans, la baisse est de 35 %.
Les jeunes accueillent cette embellie spectaculaire par un regain d’optimisme prudent. Selon un sondage CSA-Le Parisien, paru en mai, 52 % des 16-24 ans se déclarent confiants à propos de leur entrée sur le marché du travail. La sinistrose des années de crise ne semble plus d’actualité, mais l’heure n’est pas à l’euphorie pour autant. Marqués par les difficultés d’accès au marché du travail des années 80 et 90, toujours confrontés à la précarité, les jeunes de la génération start-up se méfient des promesses de la reprise.
Inciter les plus jeunes à faire des études sérieuses
Prudents, les jeunes prolongent les comportements hérités des années de crise. Pour l’instant, le retour de la croissance ne semble pas avoir remis en cause l’allongement des études et de la cohabitation avec les parents.
Certes, de plus en plus de jeunes quittent le lycée professionnel avant d’avoir obtenu leur diplôme, séduits par la possibilité de gagner rapidement de l’argent, débauchés par les entreprises au cours de leurs stages dans les secteurs d’activité victimes d’une pénurie de main d’œuvre, comme le bâtiment et l’hôtellerie.
A l’Université, en revanche, beaucoup continuent de se faire plaisir et choisissent des filières aux débouchés immédiats incertains, comme en témoigne l’afflux d’inscriptions dans les universités spécialisées en art, communication, ou psychologie. Les filières professionnalisées, elles, se portent bien, sans connaître de ruée (+ 2,5 %, cette année, pour les inscriptions en IUT, institut universitaire de technologie)
Laissés pour compte
De toute façon, la reprise ne va pas profiter à tous les jeunes. Pour ceux, notamment, qui ont quitté le système éducatif, il faut mettre l’accent sur un droit à la formation tout au long de la vie.
Si la croissance profite en effet à plein aux jeunes diplômés, les jeunes les plus en difficulté ont souvent l’impression d’être les laissés-pour-compte de la reprise.
Souvent sans diplôme et sans qualification, ils n’arrivent pas à s’insérer malgré la conjoncture favorable, ce qui renforce leur sentiment d’exclusion et le regard désapprobateur porté sur eux.
« Pour ces jeunes, la reprise aggrave les choses. Le discours ambiant veut que ceux qui ne trouvent pas du boulot sont vraiment des nuls. Les plus destructurés ont alors tendance à s’enfermer dans un système de repli encore plus violent », déplore bénédicte Madelin, directrice de « Profession banlieue », un centre de ressources de Seine-Saint-Denis.
Raison de plus pour inciter les jeunes à faire des études avec sérieux