Ecrit le 28 janvier 2009
1929-2009, d’une crise à l’autre
La crise économique s’étend dans le monde entier. Les instances européennes prédisent une chute du PIB dans la zone euro, le chômage augmenterait de l’ordre de 3 points.
Certains se souviennent des années 30 et de la crise économique venue d’Amérique. A cette époque le monde rural et les cultivateurs ont vécu un réel désastre. Leurs produits ont subi une baisse de prix générale. Par exemple le blé, coté 200 frs le quintal en 1926, ne se vendait plus que 74 frs en 1935.
Dans de nombreuses fermes le pouvoir d’achat s’avérait nul et même plus que nul s’il est possible. Artisans et commerçants se plaignaient : eux aussi vivaient difficilement.
40 ans plus tard
Quelques quarante ans plus tard, un paysan illustrait cette situation, en racontant à ses enfants :
« Lorsque nous avons pris la ferme en 1932, nous avons emprunté pour acheter un peu de matériel et une jument. Nos parents nous avaient fourni 4 vaches, 2 génisses et une paire de bœufs de travail. En 1936, la crise s’éternisait, nous ne pouvions plus rembourser le prêt accordé par la Caisse Rurale et l’argent consenti sous forme de matériel par des artisans. La Caisse Rurale a accepté de nous faire un nouveau prêt pour rembourser le premier. Et les artisans ont attendu, nous évitant ainsi de mettre la clé sous la porte, comme beaucoup d’autres : le capital que nous possédions n’aurait même pas suffi à payer les dettes. Il a fallu attendre 1942, et la vente d’un poulain, pour voir notre situation s’améliorer : les chevaux man- quaient, sans doute à cause des réquisitions ; les poulains se vendaient cher »
La Bretagne connaît alors un nouvel exode vers Paris et sa région. A Derval la population, estimée à 3245 habitants en 1931, chute à 2712 en 1936.
La fin des années 30 est également marquée par des événements dont les paysans se seraient bien passés : une épidémie de fièvre aphteuse touche tout l’élevage de la région : production et ventes, notamment de beurre, s’amenuisent. En 1938 le climat froid et sec de l’hiver réduit presque à néant les récoltes de fourrage et de céréales. Pour pallier la crise du blé « L’Etat de 1936 » apporte aux syndicats-coopératives des aides financières pour construire des silos et ainsi étaler la vente des blés - le port de Nantes regorgeait alors de blés américains.
Dans la dernière partie du XIXe l’agriculture a connu un développement sans précédent. Au début du XXe siècle la situation des campagnes est bien meilleure que celle du début des années 30, mais l’agriculture n’est pratiquement plus enseignée. L’Ecole nationale de Nozay (Grandjouan) est partie à Rennes et, à Derval, la séparation de l’Eglise et de l’Etat et la spoliation du pensionnat, obligent l’école St Joseph à ralentir ses activités. De plus la guerre de 14-18 contraint les enfants à travailler dès l’âge de 11-12 ans, et par là même restreint leur formation.
Dans les années 30, le vicaire de Derval, conscient du marasme dans lequel se trouve la paysannerie, devient moniteur agricole pour les quelques ruraux inscrits au CERCA (Centre d’Etudes Rurales par Correspondance d’Angers). Cela modifie mentalités et comportements (1). Il faut attendre l’après-guerre pour en ressentir les effets : avec l’application « sur le terrain » des techniques nouvelles des CETA (centres d’Etudes Techniques Agricoles) et des groupements de vulgarisation se profile un nouveau type d’agriculture et d’agriculteurs.
En 1926, un chatelain arrive à la Garrelaye. Il hérite de douze fermes en métayage et, par la même occasion, il constate la situation. Il se trouve démuni. Militaire de carrière , il se rend à Angers pour suivre une formation accélérée d’ingénieur agronome. En 1927, deux mutuelles sont fondées, l’une contre les accidents et l’autre contre l’incendie : il en devient le président, le vicaire est secrétaire. Puis, avec un groupe de cultivateurs il fonde la CAN (Coopérative Agricole de Nantes) dont le magasin, lui appartenant, servait jadis de prison (2). En 1936 le magasin de stockage des blés est construit à la gare de Derval (3).
Comment vit-on ?
En campagne la nourriture de base est composée des produits de la ferme : pain, galettes, patates, choux, beurre. Il n’est pas rare de trouver, dans une petite ferme, 8 à 10 bouches à nourrir. Une grande partie du blé produit est stockée pour faire le pain. Le cidre aidant, pain, galettes, pommes de terre « calent » l’estomac. Les choux sont consommés au repas du soir et parfois (le reste) à la soupe du matin, de la fin de l’été au printemps. Monotone mais très sain, aux dires des médecins. Quant au beurre, quel délice ! Trop souvent il faut le « ménaigeu » (économiser) tant il se fait rare surtout l’hiver. Il faut en garder un peu pour payer les quelques achats d’épicerie de la semaine. Alors la tartine est souvent « embeurrée » de graisse de porc. La viande : outre le lard salé on consomme volaille ou lapin : il faut être très économe. Frigo ni congélateur n’existant pas encore, il est impossible de tuer ne serait-ce qu’un petit veau.
L’été, patates et babeurre sont le plus souvent au menu : ni entrée ni dessert. c’est dire si l’orange, une des rares gâteries de l’année, est appréciée comme cadeau de Noë l. Pourtant, si on vit chichement, si petits et grands n’ont pas de « lard » à perdre, le cherche-pain de passage trouve toujours un morceau de pain ou une galette et la bolée de cidre.
Aujourd’hui nous entrons dans une nouvelle crise dont il est bien difficile de mesurer toutes les retombées. Elles ont toutes un point commun : engendrer la misère.
La crise des années 30 a eu, dans les campagnes, des répercussions sur le prix des denrées. La crise actuelle provoquée par les magouilleurs et tricheurs de la haute finance (dont le dieu « argent » est au zénith) démontre aussi, s’il en était besoin, combien la société de consommation a ses limites. Les stocks s’accumulent, le chômage touche déjà nombre d’entreprises avec ses conséquences pour les travailleurs et les familles.
Pour certains la récession sera dure.
Regardons aussi ce qui se passe « Ã côté » de chez nous, dans les nombreux pays où il ne s’agit même plus de survie. Nous sommes peut-être à la fin d’un monde. Saurons-nous retrouver les vraies valeurs et, parmi elles, celles de la solidarité ?
La crise financière actuelle fait plus de bruit qu’une autre crise, pourtant plus grave, la crise alimentaire qui affecte les pays du Sud depuis un an. Rappelez-vous, à la télévision, ces images d’émeutes de la faim dans une quinzaine de pays : elles ont été réprimées par la force armée. Au Tchad, du 22 au 25 janvier 2009, la population a fait un « tintamarre » de casseroles de 15 minutes quotidiennes contre la vie chère. Nul écho dans le monde ...
Ecrit le 4 novembre 2009
Le président se répépète