Ecrit le 2 juin 2010
La Cour des Comptes critique l’Ecole
La Cour des Comptes critique l’Ecole. Si elle avait critiqué les enseignants, on en aurait davantage entendu parler
Dans son rapport de mai 2010, la Cour des Comptes signale les succès indéniables de l’école en France au cours des dernières décennies, « ainsi qu’en témoigne la progression remarquable du niveau de formation de la population française » . La France a atteint « un niveau d’éducation analogue à ceux qui sont constatés dans les pays comparables ». Sauf que
Sauf que la Cour souligne « un échec persistant du système scolaire à conduire à la réussite tous les élèves qui lui sont confiés ». Alors que, selon les objectifs fixés par la loi, l’enseignement scolaire vise à donner à tous les élèves un « socle commun de connaissances et de compétences » à l’issue de la scolarité obligatoire, à leur assurer « une qualification reconnue », et à « contribuer à l’égalité des chances », « aucun de ces objectifs n’est atteint aujourd’hui ».
Une proportion considérable d’élèves - de l’ordre de 20% - ne maîtrise pas les compétences de base en lecture au terme de la scolarité obligatoire.
De nombreux jeunes quittent le système scolaire sans diplôme : en 2007, 18% des jeunes âgés de 20 à 24 ans n’avaient ni baccalauréat, ni brevet d’études professionnelles, ni certificat d’aptitude professionnelle.
Enfin, de fortes inégalités sociales subsistent dans le système éducatif : 18% des élèves issus d’un milieu social défavorisé obtiennent un baccalauréat général contre 78% pour les élèves de familles favorisées.
Ainsi l’école en France a su relever le défi de la « massification », mais n’est pas parvenue à surmonter celui de la démocratisation.
Certes, plusieurs facteurs de la réussite et de l’échec des élèves échappent dans une large mesure à l’institution scolaire : origine socioprofessionnelle des familles, rôle éducatif des parents, environnement géographique, social et culturel, ou encore problèmes individuels de toute nature qui peuvent affecter les élèves.
d’autres facteurs, en revanche, dépendent directement des politiques éducatives. Le ministère de l’éducation nationale dispose de leviers d’action essentiels : il répartit les moyens d’enseignement entre académies et établissements ; il recrute les enseignants, organise leur formation et fixe leurs missions et leurs services ; il affecte les élèves dans les établissements et les oriente dans les différentes filières ; il définit les rythmes scolaires et les modalités de prise en charge des élèves en difficulté.
d’autres décisions, relevant des établissements d’enseignement, peuvent être tout aussi essentielles pour l’échec ou la réussite des élèves : il en va ainsi de la composition des classes, de la désignation des enseignants qui leur sont affectés, ou de l’élaboration des emplois du temps.
Quatre parties
Le rapport de la Cour des Comptes comporte quatre parties qui examinent successivement :
– les résultats et les coûts de l’enseignement scolaire ;
– la gestion budgétaire de l’enseignement scolaire ;
– les procédures d’affectation et la gestion du service des enseignants ;
– l’élève dans l’organisation de l’enseignement scolaire.
En voici quelques éléments
La peur des sanctions
Selon les tests internationaux « PISA » de l’OCDE, la France se positionne au-dessus de la moyenne internationale pour les compétences « s’informer » (qui renvoie à la capacité des élèves à « prélever des informations dans un texte ») et « interpréter » (qui apprécie leur capacité à « dégager du sens et à établir des inférences à partir de l’écrit »).
En revanche, les élèves français obtiennent un score inférieur à la moyenne pour la compétence « réagir » (qui mesure leur capacité à « mettre le texte en relation avec leurs connaissances, leurs idées et leurs expériences »). La France obtient ainsi des résultats satisfaisants pour les deux compétences qui sont le plus travaillées dans l’enseignement de la lecture et qui sont traditionnellement soumises aux évaluations nationales.
En revanche, la compétence « réagir » est peu présente dans les pratiques françaises, à la différence de nombre de pays anglo-saxons.
Une autre particularité révélée par les enquêtes PISA est que les élèves français sont réticents à prendre le risque d’une réponse fausse et préfèrent donc parfois ne pas répondre, à la différence des élèves d’autres pays. Les chercheurs expliquent ce comportement par la crainte des élèves français que leurs erreurs appellent une sanction, ce qui constituerait une caractéristique de notre système scolaire.
L’inefficacité du redoublement
Les méthodes de gestion de l’échec scolaire reposent toujours en France de façon prédominante sur le redoublement. Il a une double signification : il est un des signes de la perception par l’institution scolaire de l’échec scolaire, mais il est aussi un des moyens avec lequel elle tente de répondre à cet échec. Le redoublement est vécu par l’élève et sa famille comme une sanction, mais il est présenté par le système scolaire comme un outil de remédiation. Avec quelle efficacité ?
De façon générale, la pratique du redoublement en France constitue un des facteurs explicatifs des résultats moyens obtenus par les élèves français aux enquêtes PISA. Lors de l’enquête PISA 2003, près de 40 % des élèves français âgés de 15 ans avaient déjà redoublé une fois ou plus au cours de leur scolarité :
– les élèves français qui n’avaient aucun retard dans leur scolarité obtenaient d’excellents résultats, supérieurs aux performances moyennes des pays placés en tête (Finlande, Corée du Sud, Pays-Bas, Japon) ;
- -Ã l’inverse, les élèves ayant un an de retard se situaient juste devant les résultats moyens de la Grèce,
- -et les élèves ayant deux ans de retard étaient au niveau moyen du Mexique, pays qui obtenait les moins bons résultats.
l’aggravation des inégalités
Tout se passe comme si, dans nos écoles, il y avait aggravation des résultats des élèves en difficulté, or on sait qu’il existe un lien très fort entre l’absence de diplôme et les difficultés d’insertion professionnelle. En effet, si, il y a quarante ans, les jeunes sortaient de l’école sans diplôme ni qualification dans des proportions nettement plus importantes qu’aujourd’hui, ils trouvaient en règle générale du travail : le taux de chômage des jeunes sans diplôme n’était que de 5% en 1971. Tel n’est plus le cas de nos jours : le diplôme est, une condition nécessaire (mais pas suffisante) pour l’insertion professionnelle. Ainsi en 2007, parmi les jeunes âgés de 15 à 24 ans « actifs » - c’est-Ã -dire recherchant ou occupant un emploi -, le taux de chômage des jeunes sans diplôme atteignait 45%, alors qu’il était de 12% pour les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur.
Selon les comparaisons internationales, la France se situe dans une position moyenne, tant sur le plan des résultats que des coûts de son système scolaire, mais elle ne peut pas laisser perdurer « une situation qui entraîne inévitablement une plus faible aptitude à produire des qualifications et à délivrer des diplômes, sans compter le coût social induit par l’échec scolaire, qui pèse lourdement sur la société française tout entière ». Le modèle d’enseignement ne permet pas d’atteindre les objectifs de réussite fixés par la Nation, et génère de l’insatisfaction pour tous : élèves, enseignants, parents. Il tend, en effet, à privilégier les élèves sans difficultés particulières, c’est-Ã -dire ceux qui seront bacheliers à la sortie du système scolaire et poursuivront des études supérieures, soit seulement un peu plus de la moitié de chaque classe d’âge.
Le Cour des Comptes fait alors 13 propositions tournant autour de quatre idées
- -Transformer la gestion du système éducatif
- -Adapter l’organisation scolaire aux besoins des élèves
- -Accorder le service des enseignants du second degré à la diversité de leurs missions
- -Accroître la responsabilité des établissements d’enseignement
- -Engager un effort exceptionnel en faveur des établissements confrontés à la plus grande difficulté scolaire