Ecrit le 15 octobre 2011 (pour parution le 19 octobre)
Une (mauvaise) solution
Le dossier Focast touche à sa fin, du moins provisoirement. Une solution (la moins pire !) a été trouvée. Reprenons le fil des derniers événements.
La Fonderie Focast est en dépôt de bilan ; Un repreneur, un seul, s’est présenté : le groupe OGEPAR, déjà actionnaire à 51 %. mais, pour ne pas apparaître directement, il a mis en scène « ABC » c’est-Ã -dire ANGLO BELGIAN CORPORATION qui produit des moteurs diesel ou dual gaz quatre-temps à régime semi-rapide.
ABC devait présenter son offre de reprise d’ici le 26 octobre. Elle l’a fait et l’a retirée pour faire pression sur la Com’Com’ du Castelbriantais. Elle exige, en effet, de pouvoir racheter le terrain et les bâtiments pour 400 000 €.
Dans un premier temps la Com’Com’ a dit non, en rappelant tous les investissements publics déjà réalisés, et en expliquant que l’emprunt qu’elle a dû contracter dépasse largement les 400 000 €, peut-être jusqu’Ã un million d’euros (nous n’en avons pas le montant exact).
Rendez-nous 565 000 €
Mais Daniel Alleaume, PDG de Pebeco, rappelle que, lorsqu’il a acheté la FOCAST, le propriétaire précédent (le groupe Valfond) a versé 500 000 € à la Com’Com’, pour solde de tout compte. Sur cette somme, 30 000 € étaient destinés à la cellule de conversion des 103 salariés licenciées et 470 000 € étaient mis en réserve. Au point que, lorsqu’elle a fait des travaux pour Focast, la Com’Com’ a préféré emprunter que de toucher à cette somme.
Alors, maintenant, Daniel Alleaume s’appuie sur ces 470 000 e (qu’il n’a pas versés !) en disant « ces 470 000 € ont rapporté des intérêts, j’estime que le montant atteint maintenant 565 000 €. Rendez-nous cette somme et nous vous versons 400 000 € pour racheter terrain et bâtiments ».
Notons que c’est un drôle de calcul ! Habituellement un repreneur consacre des financements à la modernisation de l’entreprise, à la recherche de productivité et pas à l’achat de terrain + bâtiments !
Conseil le 24 octobre
Une réunion des maires de la Com’Com’ a eu lieu à huis-clos le 13 octobre, à l’issue de laquelle les représentants syndicaux ont été reçus. Une « solution » a été trouvée
– la Com’Com’ accepte de vendre terrain+bâtiments pour 400 000 €
– elle prend une garantie : en cas de nouvelle défaillance de l’entreprise, ou de cession totale ou partielle d’éléments d’actif immobilier, le repreneur devra rétrocéder terrain+bâtiments au prix de 400 000 €
Ceci est fait pour éviter que le repreneur ne liquide l’entreprise en faisant une opération immobilière sur ses terrains, bien situés en centre-ville.
Les délégués syndicaux CGT, Gilles Rivaud et Yann BInet respirent ... un peu, mais n’oublient pas que le repreneur prévoit 25 licenciements sur les 97 salariés actuels de Focast. « Il nous faut encore obtenir des garanties de reclassement et d’accompagnement financier des personnes licenciées ».
Un conseil communautaire exceptionnel se réunira le lundi 24 octobre pour entériner la proposition de la Com’Com’, soit deux jours avant la réunion du Tribunal de commerce (26 octobre à Laval).
La moins pire
Une « solution » est donc trouvée. Elle n’est pas bonne, elle est seulement la moins pire car, une fois de plus, une entreprise industrielle fait un chantage (réussi !) sur une collectivité, en utilisant les fonds des contribuables. Nous ne sommes pas étonnés. déjà en juin 2010 la Mée rappelait que OGEPAR avait promis d’apporter « aux côtés des pouvoirs publics, les moyens de financement nécessaires à la modernisation du groupe Focast ». Et nous interrogions : Ça veut dire quoi « aux côtés des pouvoirs publics » ? Le groupe OGEPAR va-t-il demander l’aide financière des collectivités locales ? Par exemple sous forme d’un non-paiement de ses loyers à la Com’ Com’ ? On parie ?
Eh bien voilà , nous y sommes !
En France, quand les entreprises vont mal, ce sont les contribuables qui renflouent ! Et quand les entreprises vont bien, elles rechignent à payer des impôts et trouvent que les collectivités locales, trop endettées, devraient réduire ... les services publics (c’est-Ã -dire les services accordés à tous). Les entreprises accordent alors des dividendes à leurs actionnaires et des clopinettes (voire pas de clopinettes du tout) à leurs salariés qui, de ce fait, sont « punis » deux fois, comme salariés et comme contribuables.
Des commandes
Les syndicalistes CGT rappellent que Focast a connu une longue période de chômage : « en novembre 2009 nous avons travaillé 6 jours dans le mois, en décembre : 6 jours aussi. Actuellement on chôme un jour par semaine alors qu’en juillet 2009 nous avions encore des intérimaires. La crise économique a touché la FMGC avant nous. Cette entreprise se redresse, mais c’est à notre tour de plonger. Le marché des moteurs est en crise ».
D’après M. Kaminski, directeur local de Focast, l’entreprise a actuellement un carnet de commandes de 5,5 millions d’euros.
« Mais il fut 12 millions d’euros par an pour occuper le personnel ». La situation est donc grave.
L’entreprise est spécialisée dans les grosses pièces de haute technicité. Elle a encore un mini-secteur de petites pièces. « Nous faisons ici le noyautage, l’ébarbage et la peinture, mais le reste de la pièce est réalisé à la fonderie Pebeco de Port-Brillet en Mayenne ». Mais la fonderie de Port-Brillet a fermé le 12 octobre 2011 ...
Le cas de Focast est un nouvel exemple de la désindustrialisation de la France. Il y a des décennies on nous avait dit que, en échange, la France développerait les activités demandant de l’intelligence. C’était supposer que les habitants des Pays de l’Est, d’Inde, de Chine, manquaient d’intelligence ... Maintenant ils ont tout : l’intelligence et le travail (et aussi de mauvaises conditions de travail !)
Et nous, en France, que nous reste-t-il ?