écrit le 30 octobre 2002
dépôt de bilan : PEGU (pas en) FORM
Un dépôt de bilan affecte une entreprise bien connue chez nous : PEGUFORM France, qui a une usine à Pouancé (qui s’appelait autrefois Manducher) et qui dépend de PEGUFORM Allemagne, laquelle est détenue par le groupe américain VENTURE. Le principal client de PEGUFORM Allemagne est le constructeur automobile Volkswagen qui désire se débarrasser de l’actionnaire Venture.
Mais comment faire ? Tout simple : Volkswagen tarde à payer son fournisseur Peguform Allemagne, au point d’assécher la trésorerie de ce dernier et de le mettre en cessation de paiement et en dépôt de bilan. Par voie de conséquence Peguform France se retrouve aussi en cessation de paiement.
En Allemagne, un administrateur judiciaire a été nommé, il cherche soit une solution de continuité, soit une solution de reprise.
La solution de continuité est celle-ci : le groupe Venture accepte de remettre des fonds dans Peguform Allemagne. Seulement il exige des garanties qui ne peuvent venir que du principal client Volkswagen. Oui mais ... celui-ci ne veut pas puisque, justement, le but de sa manœuvre est de se débarrasser du groupe américain Venture.
Alors l’administrateur judiciaire va devoir se tourner vers une autre solution, c’est-Ã -dire chercher d’autres actionnaires. Il y a alors un risque d’éclatement de Peguform, la branche Allemagne étant reprise d’un côté et la branche France étant reprise d’un autre côté.
Qu’est-ce que ça change à court terme ? Rien pour les salariés. C’est à long terme que cela peut changer car tout actionnaire nouveau procède habituellement à des réaménagements qui ne sont jamais en faveur des salariés. Affaire à suivre .
(écrit le 6 novembre 2002) :
Le site de Pouancé
vendu d’ici quelques mois
La lettre économique de l’API, en date du 2 novembre 2002, a publié des informations intéressantes sur PEGUFORM.
A l’origine (1901), la société a été créée par Elie Grasset pour fabriquer des peignes, des boucles, des boutons en buis, en celluloïd et en acétate de cellulose. A la mort du fondateur, elle a été reprise en 1920 par son neveu Ernest MANDUCHER qui a su profiter de l’essor des plastiques, notamment à Oyonnax, pour donner à l’entreprise une dimension internationale puisqu’elle a des usines en Allemagne (7) en France (5), en Pologne et République Tchèque (4), en Espagne (4), en Angleterre (1), au Mexique (1) et au Brésil (1). L’entreprise fabrique des pare-chocs, des cockpits et pièces intérieures, des pièces de carrosserie et des ouvrants.
Le nom de Manducher a été abandonné en 1990, la société s’est alors appelée Eurotec, puis Peguform en 1996, et elle est entrée dans le groupe américain Venture en 1999.
Les 5 usines françaises sont situées à Noeux les Mines (62), Theillay (41), Burnhaupt-le-Haut (68), St Marcel (27) et Pouancé (49). Le siège social est à Vernon.
Lâchée ...
C’est depuis le mois de mai 2002 que la branche Peguform Allemagne, 5520 salariés, connaît des difficultés, et a même été lâchée par son assurance crédit fournisseur et par l’une de ses sociétés d’affacturage (1). L’actionnaire américain Venture n’a pas réagi, on peut dire qu’il a « laissé tomber » Peguform Allemagne qui, de son côté, ne s’est pas souciée de Peguform France.
Selon la lettre de l’API, « L’actionnaire américain Venture ne s’est manifesté qu’en septembre 2002, en proposant un vaste plan de réorganisation du groupe à l’échelle mondiale, doté d’une ligne de crédits de 250 M€.. Un plan qui n’a pas reçu l’aval de tous ses donneurs d’ordres dont Volkswagen »
Peguform travaille en effet pour tous les constructeurs automobiles, les trois principaux étant Volkswagen (20 % d’un chiffre d’affaires qui atteint 1,7 milliards d’euros), Audi (17 % du chiffre d’affaires), et Peugeot-Citroë n (11 %).
Le principal client Volkswagen, devait donner sa réponse pour le 30 septembre 2002. Il ne s’est pas manifesté, ce qui équivalait à un refus. Du coup, dès le lendemain, Peguform Allemagne déposait son bilan, entraînant dans sa chute Peguform France qui aurait 8 à 9 M€ de créances qu’elle ne peut recouvrer, et qui se trouve en butte à la méfiance de certains de ses fournisseurs qui, au lieu d’attendre 90 voire 120 jours pour être payés, ont exigé d’être payés cash.
Par ailleurs PEGUFORM France a été victime d’un effet de ciseau, car, d’un côté, elle a connu une baisse de commandes (donc de recettes) en 2002, et d’un autre côté, elle doit faire face à des investissements nécessaires pour assurer les commandes satisfaisantes qu’elle a déjà pour 2003-2004. Par exemple un investissement d’environ 1 M€ est prévu sur le site de Pouancé pour la fabrication de nouveaux produits comme les « éléments d’absorption de chocs » pour la C2 de PSA-Citroë n.
Le fait d’être en dépôt de bilan permet l’arrêt de toutes les poursuites, les fournisseurs ne pouvant plus rien réclamer pendant longtemps.
« Nous n’avons aucune crainte pour l’avenir : nos perspectives de croissance sont excellentes » indique Jean-François Loyau, président de la société, à la Lettre de l’API. Il faut simplement s’attendre à ce que le site de Pouancé soit vendu d’ici quelques mois..
Avenir incertain
« Reste que la pérennité de cette usine n’est pas assurée dans le temps : des cinq sites français, il est le plus éloigné des grands bassins de l’automobile. Son client le plus proche, Citroë n à Rennes, apparaît bien isolé comparé aux 10 000 véhicules/jour fabriqués en région parisienne, surtout après la décision du groupe Heuliez (79) de ne pas poursuivre avec Peguform le projet d’une nouvelle » voiture de niche « (série limitée) qui aurait soulagé le site de Pouancé. » commente la lettre de l’API.
écrit le 19 février 2003
Peguform : Deux repreneurs ?
L’usine nouvelle du 13 février 2003 révèle les noms de deux repreneurs potentiels de l’usine PEGUFORM (Pouancé) et des trois autres usines du groupe situées à Vernon, Burnhaupt et Noeux les Mines.
On se souvient que PEGUFORM a déposé son bilan le 24 octobre 2002 (revoir la Mée du 30-10-2002) et a été mis en redressement judiciaire sur une période de 6 mois (qui expire au 24 avril 2003). La cause de cette déconfiture : le dépôt de bilan de sa maison-mère Peguform-Allemagne, suite à un « jeu » pervers : le constructeur allemand Volkswagen, qui désirait se débarrasser de son actionnaire américain Venture, a tardé à payer son fournisseur Peguform Allemagne, au point d’assécher sa trésorerie et de le conduire au dépôt de bilan. Ce qui, par réaction en chaîne, a conduit au dépôt de bilan de péguform-France.
Cela n’aurait pas dû se produire car la société péguform-France « tournait » correctement : elle a réalisé un chiffre d’affaires de 160 millions d’euros en 2002 et espère « une croissance à deux chiffres des ventes en 2003-2004 » si l’on écoute son directeur J.F Loyau
Actuellement deux repreneurs sont sur les rangs pour la branche France :
– DECOMA, société canadienne, premier producteur de pare-chocs du monde (50 unités de production dans le monde)
– PLASTAL GROUP, groupe européen en construction depuis 1999, par rachats d’entreprises et qui compte actuellement 2200 employés
Sauver tout
Ces deux groupes sont intéressés par Peguform-France (en-Manducher) parce qu’il offre une porte d’entrée chez les constructeurs français où il détient une position-clé dans les pare-chocs.
Avantage : les deux groupes cherchent une implantation en France. Peguform serait donc pour eux une possibilité intéressante (L’Usine Nouvelle parle de « la convoitise » des deux repreneurs). De ce fait on peut raisonnablement espérer que TOUT sera conservé : effectif, structures, sites de production, ce qui serait une excellente nouvelle pour la région. On peut même penser que les deux repreneurs sont intéressés par tout le groupe Peguform (France, Allemagne, Espagne)
Le rapport de l’administrateur judiciaire devrait être remis au Tribunal de Commerce d’Evreux le 24 février 2003, pour une prise de décision probable à la mi-mars 2003.
Écrit le 12 mars 2003 :
Un seul repreneur ?
Le 4 mars 2003, PEGUFORM-(ex-Manducher) à Pouancé a diffusé un communiqué à l’ensemble du personnel pour faire le point sur l’avancement de la procédure de redressement judiciaire :
" Au 31/01/03, nos administrateurs judiciaires avaient reçu deux propositions de sociétés industrielles se portant acquéreurs pour l’ensemble de PEGUFORM France. A cette occasion, l’une d’elles, la société DECOMA, avait communiqué largement sur la démarche qu’elle avait engagée et avait même précisé le montant de sa proposition, la deuxième société dont le nom est PLASTAL (société suédoise) ayant été très discrète sur sa proposition.
Le 28/02/03 à 14 h 00, DECOMA a officiellement annoncé sa décision de se retirer du processus de rachat de PEGUFORM France. Aucune explication écrite n’a été donnée à ce retrait. Cette société avait bénéficié, comme PLASTAL, du temps et de toutes les informations nécessaires...
La procédure de redressement judiciaire suit son cours et le planning que le Tribunal de Commerce d’Evreux s’est fixé pour notre sortie de la « période d’observation » est inchangé :
Le Comité central d’entreprise consacré à l’information et la consultation sur le projet de reprise se tiendra le 12 mars 2003.
Le Tribunal de Commerce d’Evreux statuera sur la solution de sortie de redressement judiciaire pour PEGUFORM France le 13 mars 2003.
Le transfert de propriété de PEGUFORM France au nouveau propriétaire est fixé au 1er avril 2003.
Notre priorité absolue est de sortir au 1er avril 2003 de la procédure de redressement judiciaire et de tourner une page de notre histoire. "
Signé : Le Directoire
Quelques commentaires
La société DECOMA se retire en raison, semble-t-il, d’une trop faible rentabilité de l’entreprise. Ce qui est d’ailleurs en euphémisme puisque, sur les deux premiers mois de l’année 2003, et il en sera de même pour mars, la rentabilité de l’entreprise est NEGATIVE.
Avec la reprise au 1er avril 2003, et les marchés attendus d’ici le mois de juin, la situation devrait se rétablir pour l’année 2003. Les créanciers d’avant avril 2003 n’en bénéficieront pas. « Ils ont le tort d’être nos créanciers » dit un salarié. D’ailleurs, actuellement, les créanciers se méfient, ils ne livrent que lorsqu’ils ont le paiement de leurs marchandises.
La société PLASTAL, est en réalité un « fonds de pension » néerlandais dont l’objectif est d’être coté en Bourse dans très peu de temps, donc de retirer de l’argent pour ceux qui ont investi dans Plastal.
Le repreneur, c’est dans le contrat, s’engage à conserver les actifs industriels et les salariés pendant 2 ans (juste les années 2003-2004 qui vraisemblablement vont être très difficiles), mais au bout des deux ans, il aura les mains libres et essaiera de « retrouver ses billes » et une rentabilité intéressante. Il est donc à craindre des cessions d’actifs à ce moment-là , avec licenciements à la clé.
Le jeu industriel est toujours le même. Comme dans toute partie d’échec, des pions sont éjectés ....