Ecrit le 28 novembre 2012
Il a tenu parole. Mais quelle parole ?
Yves Daniel avait promis de parler de Notre-Dame des Landes à l’assemblée nationale : il a tenu parole, le 21 novembre, mais pas dans le sens demandé par ses « visiteurs » du 5 novembre dernier. Le texte de son discours (qui avait été approuvé, avant, au sein du groupe socialiste), est disponible ici
Relevons quelques phrases :
- « La manifestation qui s’est déroulée samedi dernier [Ndlr : 17 novembre] dans ma circonscription a mobilisé près de 13 500 personnes »
Commentaire : en ne reprenant que le chiffre de la police, Yves Daniel et le Parti Socialiste se déconsidèrent ! On voit bien là des gens peu habitués aux manifestations syndicales !
– « Parmi ceux-ci [ndlr : les manifestants], certains se laissent aller à une radicalité violente n’hésitant pas à rouer de coups un agent de sécurité et à brûler sa voiture, ce qui illustre bien l’idée qu’ils se font du débat démocratique ! ».
Commentaire : Yves Daniel et le Parti Socialiste accusent les manifestants alors que ceux-ci ont globalement été pacifistes (sauf peut-être le 24 novembre). Yves Daniel et le Parti Socialiste préfèrent caresser les flics dans le sens du poil, en ignorant que des provocateurs-mercenaires existent du côté de « l’ordre ».
– « d’autres, avec lesquels nous avons toujours dialogué [Tiens, une caresse aux écologistes qui sont au gouvernement ? ], souhaitent remettre en cause tout modèle de développement au nom de la décroissance. » dit-il. Dans la vidéo, on voit Jean-Marc Ayrault boire du petit lait
Enfin Yves Daniel et le Parti Socialiste interrogent le gouvernement sur : « les compensations environnementales nécessaires au projet, la préservation des terres agricoles, enfin les moyens mis en œuvre pour assurer la sécurité des habitants, retrouver un climat serein au quotidien à Notre-Dame-des-Landes et permettre une activité économique et agricole normale pendant la construction de cet aéroport ».
Le ministre ne répondra que sur le premier point parlant de discussions « avec la chambre d’agriculture pour permettre aux trois quarts des quarante exploitants de bénéficier d’une reconstitution foncière ». [La Chambre d’agriculture est favorable à l’aéroport]. et ne dit rien sur les deux autres points.
Vendredi 23 novembre, au petit matin et sous une pluie battante, les flics ont commencé le saccage des cabanes reconstruites le 17 novembre sur le site. Il y a eu des accrochages avec les squatteurs, ce qui était à prévoir.
Prises de position
Europe-Ecologie-Les-Verts : « s’indigne de cette scandaleuse répression à la suite de la manifestation pourtant populaire et pacifique du 17 novembre qui aurait dû inviter le gouvernement à reconsidérer ce projet inutile, dispendieux des deniers publics et non respectueux du droit.(...). L’Etat, dans son entêtement sur ce dossier, crée une situation irréversible ».
Breizhistance déclare : « Yves Daniel est loin d’être Bernard Lambert, et le PS d’être socialiste. Les déclarations de fermeté stéréotypées du gouvernement fonçant tête baissée ne font que renforcer la détermination du mouvement historique de résistance qui se répand partout en Bretagne et au-delà face au grand projet inutile d’Aéroport à N-D-des-Landes. »
Parti Communiste : Le secrétaire national Pierre Laurent a, enfin, pris position le 23 novembre, jugeant que la situation sur le site de Notre-Dame-des-Landes, était « désolante » : « La concertation est toujours préférable à la méthode policière, j’espère que le dialogue reviendra », a déclaré M. Laurent sur France Info. « Nous sommes favorables à cet équipement », a-t-il rappelé, estimant toutefois qu’il « aurait dû être mis en œuvre dans d’autres conditions », car selon lui « les grands équipements de cette nature devraient être 100% publics » et non pas réalisés par un partenariat public/privé, comme c’est le cas avec cet aéroport.
Benoit Rubin, conseiller municipal d’Héric, a adressé une lettre ouverte aux présidents de la Région et du département, disant : " Concernant le projet d’aéroport, trois manquements démocratiques expliquent cette situation :
- - l’absence de véritable débat contradictoire : les questions posées par les opposants sont bien souvent restées sans réponse.
- - l’absence de contre-expertise sur l’utilité, les gains, les coûts, alors que des moyens colossaux et des ressources publiques ont été consacrés (collectivités, Etat...) à la production d’études partiales.
- - le détournement des procédures de consultation de la population et le non respect de la loi et des règlements. Les dossiers zones humides déposés cet été et le rapport des commissaires enquêteurs illustrent cette situation (doute sur le sérieux des mesures de compensation et besoin d’expertise).
Les élus regroupés au sein du céDpa vous ont très souvent souligné ces manquements. Dans vos propos publics, vous ne relayez d’ailleurs jamais cette contestation du projet par plus de 1 000 élus de toutes tendances politiques. La Communauté de Communes Erdre et Gesvres a exprimé par vote quasi unanime son désaccord. LÃ aussi vous considérez que seul votre point de vue doit être entendu. Les documents produits (avec des fonds publics) par les collectivités que vous présidez relèvent de la « communication publicitaire » et non pas d’une « information citoyenne ». Les élus du céDpa, avec de très faibles moyens financiers, cherchent à organiser un débat contradictoire et construit. Vous refusez ce débat ".
Pour le Front de gauche : « elle est loin l’utopie socialiste dont vous vous revendiquez, reléguée au rang de curiosité culturelle historique. Loin aussi votre base de » petits élus « , de militants et d’électeurs, de ceux qui pensent encore que l’on peut impulser une dynamique sociale et économique respectueuse de l’environnement avec les outils publics et républicains ».
« Vous parlez d’avenir, déconnectés du Peuple, assis sur les bancs confortables du blabla politique. Vous envisagez ainsi vos responsabilités et l’avenir des institutions, protégés des réalités par la pratique d’une démocratie minimaliste, en collaborant avec des investisseurs qui n’ont rien à voir avec le socialisme dans des »Partenariats Public-Privé« qui engagent durablement les contribuables, leurs enfants et petits-enfants à fournir des bénéfices élevés et garantis à des actionnaires dont le métier n’est pas de se soucier de l’intérêt public ».
« Vous parlez de créer des milliers d’emplois, mais le chiffre impressionnant de 4 500 000 heures liées au chantier ne représente que 2700 emplois ponctuels sur un an dont tous ne seront pas des emplois locaux, alors que l’expulsion des exploitants agricoles représente 700 emplois pérennes. Car il ne s’agit en fait que du transfert de 2000 emplois du sud vers le nord qui s’effectueront dans la douleur et accentueront le déséquilibre territorial déjà patent. »
Pour les Alternatifs : « Revendiquée au plus haut sommet de l’Etat par le Premier Ministre lui-même, mise en œuvre par le ministre de l’intérieur qui a détaché sur place son propre porte-parole Pierre-Henri Bardet (nommé en son temps à ce poste par l’UMP Claude Guéant), cette opération militaire [des 23-24 novembre] n’est qu’une nouvelle crapulerie du gouvernement PS en riposte à l’immense et pacifique manifestation de samedi dernier ».
A Châteaubriant des manifestations ont eu lieu aussi. La Sous-préfecture a été tagguée. Des tracteurs ont bloqué la place de la mairie le 23 novembre. A Nantes, une manifestation que la police a chiffré à 3500 personnes, de tous âges, de toutes conditions, a eu lieu le 24 novembre, montrant que la contestation de l’aéroport est plus populaire, plus déterminée que le gouvernement le croyait.
Et, enfin, Jean-Marc Ayrault, 1er ministre, a annoncé une « commission de dialogue ».
Dernières minutes
L’aéroport de Notre-Dame des Landes bouleverse beaucoup de choses. C’est ainsi qu’on a pu entendre François Grosvalet (président du Conseil Général), reprocher aux opposants le fait d’avoir bloqué le pont de Saint-Nazaire et les bacs de Loire, le 24 novembre, en réaction à l’attaque des gendarmes sur le site de Notre-Dame des Landes.
En réponse, « les paysans en colère » [Ndlr : qui ne sont pas des extrémistes venus d’ailleurs !] tiennent à préciser que « dès le milieu de l’après-midi, ils laissaient passer au ralenti la circulation. Le Conseil Général, gestionnaire des bacs et du Pont de St-Nazaire et l’Etat, gestionnaire du périphérique nantais, ont préféré bloquer totalement le trafic, sans doute pour exaspérer la population et tenter de discréditer l’action menée. décidément, les méthodes utilisées par le pouvoir ne le grandissent pas ! ».
Les organisations agricoles du collectif COPAIN (Confédération Paysanne, Groupement des agriculteurs biologistes, Civam 44, Terroirs 44, Accueil Paysan) défendant l’économie locale sur le secteur de Notre Dame des Landes ont appelé la population à être présente à Notre Dame le 24 novembre. Ce fut un succès. Et la foule a crié « Ayrault, démission ! »
C’est sans doute pour cela que JM Ayrult a annoncé une « commission de dialogue » - mais sans provoquer un mouvement de confiance en sa parole.
C’est pourquoi le collectif d’élus céDpa (Collectif d’Elus Doutant de la pertinence du Projet d’Aéroport) a demandé un rendez-vous au préfet pour obtenir l’arrêt complet des opérations policières sur le terrain, « préalable nécessaire à toute ouverture de dialogue ». A cette fin, 70 élus se sont enchaînés aux grilles de la préfecture, le 25 novembre.
La mobilisation continue
Jean-Marc Ayrault peut être content d’avoir réussi à provoquer une cassure au sein de la gauche, qui n’est pas idéologique ou générationnelle, mais d’abord morale et profondément politique (au sens non partisan du mot « politique »). Il a sans doute mésestimé la détermination des opposants au projet d’aéroport.
L’association ACIPA appelle à mobilisation lundi 26 novembre sur le site de la Châtaigneraie dès 5h du matin et au plus tard avant 9h pour protéger les cabanes ré-occupées et les 40 tracteurs arrivés sur les lieux et enchaînés autour. Ces opposants ne sont pas des irréductibles venus d’ailleurs, ce sont des gens du coin !
Une « commission de dialogue »
Une vidéo pour comprendre les enjeux