Ecrit le 16 octobre 2013
C’est un polytechnicien nantais, M. André chérot, qui le dit :
attention, lire jusqu’au bout !
« Ces populations, étrangères à notre département, chez lesquelles la malpropreté la plus repoussante est une seconde nature et dont la dégradation morale est descendue à un niveau effrayant, viennent périodiquement encombrer nos quartiers. » (...). « Chacun de leurs séjours est une véritable infection. (. . .) C’est un véritable fléau. () Parmi les nombreux faits qui ont affecté profondément la commission, quelques-uns suffiraient pour justifier une pareille appréciation. Ainsi. un hangar sans fenêtre. dont le sol et les murs étaient pour ainsi dire putréfiés. était occupé par deux jeunes filles. deux soeurs, toutes deux mères. ne comprenant pas un mot de français et n’ayant d’autres moyens d’existence, pour elles deux et trois enfants. que la plus abjecte et la plus misérable prostitution. Dans d’autres taudis non moins hideux, nous trouvons père, mère, enfants. ( ...) sans autre ressource que la mendicité. Puis, quand ils ont obtenu quelques monnaies de la charité privée, le père et souvent la mère se hâtent de se plonger dans une affreuse ivresse et scandalisent ensuite le voisinage par des luttes féroces et des actes d’immoralité révoltante. (...) Les archives judiciaires révéleraient qu’ils entrent pour les trois quarts dans la population qui alimente les bancs des tribunaux de police. En général, ces ménages sont encombrés d’enfants dont l’aspect est navrant ».
Ces hordes nomades, à raison des conditions hygiéniques où elles vivent. sont une charge pesante pour les hôpitaux. « Elles entretiennent dans nos murs le fléau de la mendicité et rendent stériles les efforts et les sacrifices de l’administration pour le faire disparaître ; ou bien, elles font une concurrence désastreuse à notre population ouvrière dans la recherche du travail. Elles démoralisent cette population par l’incessant spectacle de la dégradation la plus infâme. (...) C’est la misère qu’ils fuient en abandonnant leur campagne pour se jeter dans nos villes ; mais ils ne font que changer de misère et aggraver leur triste condition ».
La charité publique ne leur est pas accessible, parce qu’elle n’est acquise qu’Ã certaines conditions de domicile. Leur seule ressource est la charité privée, c’est-Ã -dire son exploitation par la mendicité. « Enfin. elles ont, outre la tentation, toute facilité, dans une grande ville. de s’abandonner à tous les vices auxquels les laisse en pâture l’absence du sens moral. à peu près étouffé chez eux. Si jamais il y a été développé. »
André chérot a des paroles très dures : « Les quartiers misérables, dont nous poursuivons l’assainissement (sont) régulièrement infectés, le mot n’est pas trop fort, par ces invasions de mendiants ».
Après un tel constat, « que faire ? » s’interroge le polytechnicien . Il redit, [quelques bonnes paroles ne font jamais de mal], que ces populations « ont, comme tous les citoyens, droit à la liberté de choisir leur résidence sur le pays ». il ajoute aussitôt que : « il importe que cette facilité de quitter les campagnes pour croupir dans la misère d’une grande cité comme la nôtre, soit refusée à ces populations. »
En clair, M. chérot propose le maintien forcé des populations sur leurs terres d’origine.
Bas ... bretons
Ah, un détail : involontairement influencés par tout ce que répètent les médias, voire certains hommes politiques, à qui avez-vous pensé en lisant le texte ci-dessus : aux Roms ? Eh bien vous n’y êtes pas du tout !
Il s’agit d’un rapport de M. André chérot, à destination du maire de Nantes, daté du 25 avril 1851. Intitulé « Rapport sur les immigrations bretonnes dans la ville de Nantes », il concerne les « bas-bretons ». Les « populations nomades » qui sont ainsi décrites et qui ont pour vocation de repartir chez elles sont les Bretons (vos ancêtres peut-être) qui quittent massivement les campagnes où règne la misère en ce milieu du XIXe siècle ... et qui ont bien du mal à s’intégrer dans les villes d’autant plus que « la plupart ne comprennent ou ne parlent que leur patois breton » - et que « il est presque impossible aux agents de l’autorité de s’en faire comprendre ».
L’expérience a montré que ces populations ont réussi à s’intégrer pour peu qu’on en prenne les moyens en matière de logement décent et d’éducation.
(1) Source Didier Guyvarc’h, cité par l’Humanité Dimanche du 3 octobre 2013.
Ecrit le 16 octobre 2013
Les pyromanes du discours politique
par Thomas Guénolé, Politologue, maître de conférence à Sciences Po.
Lorsque le socialiste Manuel Valls déclare, péremptoire, que seule une minorité de Roms veut s’intégrer, il ne s’agit pas d’un dérapage isolé. Plutôt d’un nouvel exemple de l’hystérisation du débat public. L’autorégulation de la classe politique, en termes de décence, de moralité et de rationalité, tend à disparaître.
Ainsi, le sénateur UMP Eric Doligié peut il faire part de son « instinct meurtrier » envers François Hollande. Ainsi, le président du CNI, Gilles Bourdouleix, peut-il déclarer sur les Roms que « Hitler n’en a pas tué assez », Ainsi la députée UMP Chantal Brunel pouvait-elle parler de « remettre dans les bateaux » les immigrés « qui viennent de la méditerranée ».
Voilà dix ans, tenir de tels propos : sauf à émaner d’extrémistes qui font commerce de l’outrance verbale pour récupérer les votes anti-système : conduisait un homme politique à être banni des médias. Aujourd’hui, en revanche, quiconque fait assaut de propos haineux, insultants, violents : bref, hystériques : est admis sur les plateaux, drapé dans la toge de la « libre expression » face aux tabous du « politiquement correct ». De tels propos méritent pourtant le mépris et le blâme, car irresponsables, irréfléchis et démagogues. C’est une défaite républicaine que d’être devenue la foire d’empoigne de ces apprentis pyromanes.
A cette défaite, plusieurs explications. D’abord, la multiplication des chaînes d’information continue et l’atomisation du paysage médiatique. L’audience étant une affaire de survie, elle a favorisé une course au sensationnalisme qui accorde de plus en plus de place aux provocations les plus nauséabondes. Jean-Marie Le Pen et Bernard Tapie furent les pionniers de cette transgression. Nicolas Sarkozy a banalisé l’exercice à force de le pratiquer.
Par ailleurs, comme dans les années 1930, la crise socio-économique favorise une parole publique qui insulte et stigmatise, chaque camp offrant à la vindicte son bouc émissaire favori. Le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale s’étant estompé, il n’y a plus de tabou érigé contre tout propos hystériquement haineux, au contraire des années 1950 et 1960.
Enfin, les politiciens les plus médiocres trouvent dans le bris de tabous moraux une façon commode d’attirer l’attention malgré leur foncière nullité. Or, la nature de ces tabous indique quelles sont les grandes valeurs d’une société. Celui qui les brise fait acte de violence envers les valeurs de la cité. Ni courageux, ni admirable. Il ne s’agit, dans le meilleur des cas, que d’un pyromane carriériste qui se soucie comme d’une gigne du vivre ensemble.
L’hystérisation du débat est une défaite de la citoyenneté. Le triomphe des pyromanes du discours public est une défaite de la moralité. L’anti-intellectualisme ambiant est une défaite de la pensée.
Dans ce contexte, il revient aux médias : l’étymologie rappelle leur rôle d’intermédiaires : de reprendre leur mission de régulation du débat public.
[Paru dans Ouest-France du 28 septembre 2013]