Ecrit le 19 février 2014
Le bruit de fond devient assourdissant.
d’un éditorial à l’autre, d’une radio à l’autre, d’une émission de télévision à l’autre, on entend dire qu’il faut un électro-choc en France et ne pas exiger de contreparties du Medef contre l’abaissement des cotisations sociales. Une « révolution », « un choc révolutionnaire » ! Eh oui, dixit Barbier, Dessertine, Bouzou, Pedder sur le plateau de C dans l’air le 10 février 2014. Une quasi-révolution nationale au sens de 1940, c’est-à -dire en finir avec le droit du travail, « faire sauter toutes nos pesanteurs », car « il y a trop de protection », « sur-protection de l’emploi », « deux fois et demie trop d’inspecteurs du travail », « trop de précaution », haro sur le principe de précaution, « basculons vers l’autre monde », « vers le marché de l’immortalité » ! Vivement une Thatcher en France ! Il faut soit contraindre les syndicats, comme l’avait fait cette dernière, soit les convaincre, comme Schröder.
Car, disent-ils, on doit trouver 50 ou 70 milliards d’ici 2017. Et on ne peut pas les trouver en restant sur un matelas alors qu’il faudrait sauter sur un trampoline.
Bon, eh bien, voici où se trouve le matelas douillet sur lequel sont couchés les actionnaires (Tableau publié par l’économiste Jean-Marie Harribey, dans " Alternatives Economiques).
- | 1972 | 1982 | 1992 | 2002 | 2012 |
Masse Salariale | 71,20 % | 75 % | 66,5 % | 66 % | 67,7 % |
Dividendes Bruts | 4,40 % | 5,2 % | 8,6 % | 16,5 % | 22,6 % |
Dividendes Nets | 3,65 % | 3,63 % | 4,12 % | 6,45 % | 8,27 % |
(en pourcentage de la Valeur Ajoutée Brute)
Les calculs ont été faits à partir des TEE (Tableaux Economiques d’Ensemble) établis par l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques, concernant les sociétés non financières. (1)
Sur ce tableau on constate la baisse de la masse salariale. Et la hausse très importante des dividendes. En 1972 les dividendes nets représentaient 5,1 % de la masse salariale. Ils représentent 12,2 % en 2012. Autrement dit, les salariés travaillent 6 semaines par an pour payer les actionnaires en 2012 (au lieu de 2,5 semaines en 1972).
On peut dire que la baisse des salaires a servi à augmenter la rentabilité des entreprises pour leurs actionnaires, mais n’a pas provoqué les investissements qui auraient été nécessaires pour moderniser les entreprises et ... créer de l’emploi.
Dans une analyse datant de 2010, Michel Husson explique que « la baisse de la part des salaires apparaît rétrospectivement comme l’un des déséquilibres majeurs qui a conduit à la crise actuelle : c’est elle en effet qui a alimenté les bulles financières en gonflant les profits non investis et en incitant à un surendettement destiné à compenser le recul salarial. c’est pourquoi le rétablissement de la part des salaires à un niveau adéquat est l’une des conditions essentielles d’une véritable sortie de crise ».
Et il cite cette formule du milliardaire Warren Buffett : « Il y a une guerre des classes [class warfare], c’est vrai, mais c’est ma classe : celle des riches : qui mène cette guerre, et c’est nous qui la gagnons »
(1) Source du tableau : Voir le site insee.fr
Salaires et dividendes, le partage de la valeur ajoutée en Europe