Ecrit le 10 février 2016
Sous l’impulsion des sénateurs de droite, le sénat a supprimé l’article 14 de la proposition de loi relative à la sûreté dans les transports publics de voyageurs. Cet article 14 prévoyait plusieurs mesures de lutte et de prévention contre les atteintes et harcèlements sexistes dans les transports, dont sont en majorité victimes les femmes. Pour Marie Le Vern, députée socialiste à l’origine de cet article, « ces harcèlements sont difficiles à consacrer juridiquement : ils ne sont pas des délits pénalement punis contrairement aux atteintes physiques, aux injures, aux menaces... Difficiles à définir, difficiles à détecter, ils échappent aux grilles classiques de la lutte contre la délinquance ». « Faut-il pour autant renoncer à agir ? » s’interroge-t-elle.
« Cette suppression est bien malheureuse et c’est peu de le dire ! Car cet article était utile et parfaitement justifié » dit la sénatrice Michelle Meunier. « Qui peut affirmer qu’il n’y a pas nécessité à lutter contre les violences faites aux femmes dans les transports ? »
« Les faits nous les connaissons : toutes les femmes ont été un jour victimes d’actes de harcèlement sexiste, actes s’inscrivant dans un » continuum « de violences envers les femmes, et allant du sifflement à l’injure en passant par les frottements et l’agression sexuelle. Toutes les utilisatrices des transports (c’est à dire 2/3 de l’ensemble des utilisateurs des transports en commun) ont donc un jour eu à subir ces agissements, même si elles ont préféré ne pas réagir. A commencer par les jeunes femmes. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’avis du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, publié en avril 2015 ».
Cette pression permanente entrave les droits et la liberté des femmes, qui en viennent à modifier leur quotidien pour éviter leurs agresseurs :
- - changement de trajets,
- - changement de modes de transport,
- - changement d’horaires,
- - ou même de tenue vestimentaire.
« Sans parler de la peur, du stress, du sentiment d’impuissance ou de colère. Non les femmes ne sont pas responsables de cette situation ! Oui elles en sont les victimes ! Et oui il faut agir, par la loi, pour renforcer leur protection, pour former les professionnels, pour mieux prévenir et mieux appréhender ces phénomènes. La prise de conscience existe, c’est vrai. Les bons sentiments aussi. Mais ca ne suffit pas ! »
Il faut accompagner, soutenir et généraliser les initiatives des pouvoirs publics, des collectivités locales, des associations, des structures privées... Mais il faut aussi envoyer un message fort et montrer notre mobilisation sur le sujet.
Il appartiendra maintenant aux député-e-s de réintroduire cette question dans la loi pour en faire un texte utile, efficace et complet.
(communiqué de Michelle Meunier,
sénatrice socialiste)
Selon le site antisexisme.net, la psychanalyste allemande Karen Horney remarquait, dans les années 1930, que tous les hommes possédaient un « droit socialement sanctionné [] de sexualiser toutes les femmes, indépendamment de leur âge ou de leur statut ». Ce droit s’exprime quand des hommes inspectent et jugent le corps des femmes, avec souvent des commentaires évaluateurs ou sexuels.. Le fait d’examiner et de commenter à haute voix le corps des femmes a été considéré comme étant du harcèlement sexuel par plusieurs auteures. Le harcèlement au travail et sur la voie publique (le « harcèlement de rue ») ont été les plus étudiés par les universitaires, mais ce type de violence peut avoir lieu dans d’autres contextes, par exemple dans les bars et lieux de fête,, dans le cadre scolaire, ou encore à la piscine.
Une étude qualitative de 2002 consistant en 43 entretiens approfondis avec des hommes et des femmes, a permis de mieux comprendre ce que signifie ce ’’regard mâle ’’. Il est apparu que les femmes considéraient que ce comportement relevait du harcèlement sexuel, tandis que les hommes estimaient qu’il s’agissait d’un passe-temps inoffensif. Les interviews révélaient que l’inspection du corps des femmes par les hommes est une tactique pour démontrer leur pouvoir. Les entretiens démontraient également que cette activité est une forme de jeu entre hommes un jeu où ils jouent avec des objets : le corps des femmes. c’est aussi un moyen d’affirmer sa masculinité et de créer un lien entre hommes, puisque l’évaluation des femmes est souvent faite en groupe. Les interviews des hommes montraient qu’ils ne considéraient pas le ressenti des femmes comme ayant de l’importance dans ce jeu, ce qui dénotait un manque d’empathie certain.
Tout ce qui attire l’attention sur l’apparence physique, y compris les compliments, surtout s’ils font plaisir à la personne à qui ils sont adressés, peut avoir des conséquences négatives sur l’image corporelle. En effet, les commentaires : positifs ou négatifs : qui sont faits aux femmes à propos de leur apparence physique servent à leur rappeler que leur corps est soumis constamment à évaluation. Ils renforcent chez elles leur sentiment de honte par rapport à leur corps et leur perception d’être un objet sexuel.
Alors voile ou pas voile ? Masquer ou dénuder ? Comme le remarquait Samira Bellil (auteure du livre ’’Dans l’enfer des tournantes’’), « l’obsession des uns de nous voiler n’a d’égale que l’obsession des autres de nous dénuder. Ces deux obsessions ne sont que deux formes symétriques de la même négation des femmes : l’une veut que les femmes attisent le désir des hommes tout le temps, tandis que l’autre leur interdit de le provoquer. Mais dans les deux cas le référent par rapport auquel les femmes doivent penser et agir pour leur corps reste le désir des hommes ».