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Ecrit en juillet 2003
43 milliards d’euros
Le projet de réforme des retraites du gouvernement repose sur l’allongement de la durée de cotisation et la baisse des pensions pour "sauver", dit-on, le système de retraite par répartition. Ainsi on actionne deux leviers parmi les trois susceptibles de contribuer à un rééquilibrage sur le long terme. On joue sur - la durée de cotisation- le montant des pensions, - mais pas sur les cotisations. En réalité, c’est sur le montant des pensions que le gouvernement veut jouer : tant qu’il existera un volant de chômage important, les salariés âgés ne parviendront pas à allonger leur durée de travail, [les employeurs préfèrent embaucher un jeune salarié fraîchement sorti de l’école, payé aux conditions du marché (sous la pression du chômage), plutôt que maintenir en poste un salarié âgé bénéficiant d’une rémunération améliorée par l’ancienneté.]Le montant effectif des pensions versées dérivera au gré des années de cotisations manquantes, des décotes envisagées, et de la désindexation des pensions par rapport au rythme d’évolution des salaires.C’est dans cette perspective d’une baisse sensible des pensions que le projet de loi, dans son titre V, prévoit le développement des formules de capitalisation. sans qu’on se demande par quel miracle les salariés et les entreprises parviendraient à verser à ces fonds de pension les cotisations supplémentaires qu’ils sont censés ne pas pouvoir supporter lorsqu’il s’agit de financer le système par répartition !Si l’on souhaite bénéficier de l’allongement de la durée de vie sous forme de temps libéré, il faudrait au contraire programmer une augmentation des prélèvements destinés à financer les pensions. Mais c’est précisément une solution que le gouvernement ne veut pas envisager .
déficit ?
« Le déficit, nous dit-on, va atteindre 15 milliards d’euros en 2020. Pour les trois fonctions publiques, qui représentent 20% des actifs, les besoins supplémentaires se chiffrent à 28 milliards d’euros en 2020 ». Diantre ! 43 milliards d’euros en tout, chaque année !Or, c’est quoi, 43 milliards d’euros par an ? C’est grosso modo 3% de la richesse produite par l’ensemble des travailleurs résidant en France durant l’année 2001. C’est aussi un peu plus de 2 % des bénéfices faits par la société TOTAL en 2002.
43 milliards c’est encore (et presque exactement) le montant des dividendes perçus par les ménages fortunés durant l’année 2001, soit : 46,1 milliards d’euros.
Pour s’en faire une autre idée, 43 milliards d’euros c’est également les deux tiers du déplacement dans le partage de la valeur ajoutée : les détenteurs du capital prélèvent chaque année aux salariés 61 milliards d’euros ce qui permet au MEDEF de se tourner vers les salariés pour leur dire en substance : "ben maintenant, comment allez-vous faire pour financer vos retraites ?".
43 milliards d’euros, c’est encore à peu de choses près le montant des intérêts payés en 2001 sur la dette des administrations publiques, soit : 46,7 milliards d’euros. Le message gouvernemental est clair en la matière : il y a gabegie des dépenses publiques. Mais la chose peut être interprétée autrement en ne voulant pas prélever l’impôt sur ceux qui peuvent le payer, l’Etat a dû faire un emprunt. Ceux qui ont les moyens ont souscrit cet emprunt, ce qui leur rapporte des intérêts à 5 % environ. Ils gagnent ainsi sur deux tableaux : en payant moins d’impôt et en percevant des intérêts.
France télécom plus Vivendi
43 milliards d’euros, c’est encore les pertes cumulées de France télécom (20 milliards) et de Vivendi (23 milliards) pour l’année 2002. Ces pertes ne sont que l’enregistrement comptable du fait que ces deux sociétés ont procédé à des acquisitions d’autres sociétés, à des prix exorbitants, lorsque les cours étaient au sommet de la bulle spéculative, et qu’elles réalisent qu’elles ne pourraient plus les revendre aujourd’hui au même prix. Cet argent perdu par les deux sociétés françaises n’est cependant pas perdu pour tout le monde. Les actionnaires des sociétés rachetées ont empoché le prix fort qu’on leur a payé à l’époque, et leurs gains sont justement ceux que France télécom et Vivendi ont passés en pertes cette année. Or, les vrais payeurs de ces actionnaires bienheureux seront en définitive les salariés de ces deux sociétés, dont une partie du travail effectué durant les prochaines années servira à rembourser la dette créée à l’occasion de ces achats.
Voilà qui donne une idée plus précise de ce que valent 43 milliards d’euros. Ces éléments de réflexion contribuent peut-être à mettre en doute la sincérité de ceux qui n’ont que "l’équité" à la bouche pour rationaliser le malheur de leurs concitoyens.
D’après Laurent Cordonnier. Auteur de « Pas de pitié pour les gueux »
Quelques autres éléments :
– Le Conseil des impôts a calculé qu’à peine 15 % de la masse des revenus du patrimoine entre dans l’assiette de l’impôt progressif, à cause de la fraude fiscale, mais surtout en raison des multiples possibilités d’évasion fiscale. Plus globalement, un tiers des revenus distribués ne se retrouve pas dans les déclarations fiscales. Il y a donc là des possibilités de ressources supplémentaires.
– On nous répète que l’augmentation des cotisations sociales serait « insupportable » en raison de la baisse des revenus qu’elle entraînerait. En revanche, selon le projet Fillon, la baisse des revenus des retraités est envisagée, [selon le Conseil d’Orientation des retraites, les salariés du privé ne percevraient plus que 64 % de leur salaire en 2040, au lieu de 78 %].. Cette baisse de revenus est-elle plus supportable que l’autre ?.
– Des milliards à la pelle : sachez qu’aujourd’hui, 3 à 4 milliards d’euros d’actions sont échangés quotidiennement à la Bourse de Paris. Cela reste deux fois moins qu’en 2000 : jusqu’Ã 10 milliards d’euros d’actions changeaient alors de propriétaire en une séance. 43 milliards cela représente donc une semaine de jeux boursiers !
– Les Etats-Unis ont prévu de déployer, en 2005, une vingtaine d’antimissiles supplémentaires sur leur territoire, pour 14,9 milliards d’euros. Tout ça pour vous dire que les milliards qui vous effraient tant sont monnaie courante dans certains milieux.
– Ce sont là des éléments de réflexion, qui ne conduiront pas, hélas, à l’action, puisque le gouvernement est décidé à faire passer sa réforme. Mais il vaut mieux savoir la réalité, sinon le gouvernement auront vite faite de culpabiliser les salariés alors qu’il est seul responsable des choix faits.
– A part ça, avez-vous reçu la lettre de Raffarin au sujet des retraites ? En ce dimanche 22 juin, pas encore. La France Profonde est-elle vraiment tombée si bas ? ( au 20 juillet : nous n’avons toujours pas reçu cette lettre)
Ecrit le 17 novembre 2003.
La Corvée pour les Vieux
Supprimer un jour férié, le lundi de la Pentecôte, ou un autre jour de congé. C’est ce que le Premier Ministre appelle « un jour de fraternité nationale ».
Cette suppression, qui a rappelé à Hervé Morin, président du groupe centriste à l’Assemblée Nationale, le temps de « la dîme, la gabelle et la corvée » devrait rapporter 1,9 milliard d’euros et servir à financer le plan en faveur des personnes âgées qui a été présenté le 6 novembre en Conseil des ministres.
Les entreprises reverseront à l’Etat l’équivalent supposé du produit de leur activité, sous la forme d’une cotisation nouvelle de 0,3 % (si elles versent ! Car on sait le nombre d’entreprises qui sont en retard de versement des cotisations sociales).
Perlin pimpin
Les professions indépendantes qui n’emploient aucun salarié seront exonérées, comme le seront les chômeurs et les retraités, les agriculteurs, etc. Ils ne participeront pas à la fraternité nationale !
Les revenus du Capital (c’est-Ã -dire des placements bancaires) seront taxés mais peu : 4000 fois moins que ce que verseront les salariés par le biais des entreprises. On ne touche pas aux profits de la Bourse !
Parmi les mesures qui seront financées grâce à ces ressources nouvelles, notons la création de 15 000 personnels soignants, en 4 ans dans 6500 maisons de retraite. (Cela fait un demi-poste par maison de retraite). Il est question aussi de créer 10 000 places supplémentaires dans les maisons de retraite, là où le secrétaire d’Etat Hubert Falco a dit lui-même qu’il en faudrait 40 000.
Le plan Raffarin a provoqué, pour son auteur, une belle volée de bois vert.
Selon l’OFCE (observatoire français des conjonctures économiques), dans sa lettre n° 244, (22 octobre 2003), la suppression d’un jour férié (ou d’un jour de congé) n’apporterait pas les effets attendus. Elle pourrait même détruire 20 000 à 30 000 emplois et n’apporter que de maigres recettes.
Quelques comparaisons : on dit que cette suppression d’un jour férié (ou d’un jour de congé) pourrait rapporter 1,9 milliards d’euros. Il faut mettre en parallèle les exonérations de charges patronales qui représentent 21 milliards d’euros. Quant aux 1% des foyers les plus aisés qui, à eux seuls, ont bénéficié, l’an dernier, de 31,2% de la baisse des impôts, ils ont fait perdre au budget de l’Etat, 5,8 milliards d’euros pour la seule année 2002, selon le dernier rapport de la Cour des Comptes
Ecrit le 26 novembre 2003 :
Les retraites complémentaires revues à la baisse ?
L’accord de quatre syndicats sur les retraites complémentaires
AGIRC et ARRCO
Un futur retraité averti en vaut deux : si vous êtes actuellement salarié, sachez que le MEDEF et quatre syndicats ont décidé de baisser le niveau de la pension complémentaire à laquelle vous pourrez prétendre le moment venu. C’est du moins ce que pense la CGT (1)
La CFDT, FO, la CFTC et la CGC, ont fait part de leur satisfaction sur ce texte, invoquant les concessions faites par le patronat : départ anticipé des salariés ayant commencé à travailler jeunes, départ anticipé des travailleurs handicapés, pérennisation du départ à la retraite à taux plein à 60 ans, rachat d’années d’études. Le MEDEF a d’autre part accepté d’engager un processus visant à intégrer, d’ici à 2008, le dispositif de l’AGFF (association pour la gestion du fonds de financement) dans l’ARRCO et l’AGIRC : les régimes complémentaires s’aligneront alors sur le régime de base de la sécurité sociale.
Le salaire de référence sera fixé, pour la période 2004-2008, en tenant compte de l’évolution de salaire moyen. La valeur du point, utilisée pour le calcul de la pension reste indexée sur les prix. Le pouvoir d’achat des retraites liquidées sera donc maintenu. Mais selon la CGT, l’accord « organise la baisse du niveau futur des retraites pour les salariés aujourd’hui en activité ». La baisse de rendement des complémentaires ainsi programmée serait de 5 % pour les retraites liquidées en 2008, et, si elle se prolonge, de 25 % en 2020. Les autres organisations syndicales ne sont pas d’accord avec cette analyse. Il appartiendra donc à chaque retraité de faire son calcul.
Financement : le MEDEF n’a consenti qu’Ã une infime hausse de la cotisation patronale : 0,1 %, à partir de 2006. La cotisation des salariés, elle, augmentera de 0,2 %. L’AGIRC sort de cet accord un peu plus fragilisée, au profit des systèmes de retraite par capitalisation.
(1)(extrait d’un article de l’Humanité, 14.11.03)
Ecrit le 9 février 2005 :
Les retraités CGT et CFDT ont gardé les bonnes habitudes de leur jeunesse : congrès annuel, revendications, motions.... et occasion de revoir les amis.
Leurs revendications sont toujours un peu les mêmes : preuve que les problèmes ne sont pas résolus.
CGT : - 20 %
Pour la CGT, la réforme des retraites mijotée par François Fillon, aboutira à une perte de pouvoir d’achat de 20% d’ici 5 ans.
L’augmentation constante de la CSG (+ 0,4 % à partir de janvier 2005), la forte hausse des produits de consommation courante (ali-mentation, carburant, chauf- fage, transports, loyers) sans oublier l’augmentation des mutuelles, du forfait hospitalier (14 € au 1er janvier 2005), de l’euro non remboursé sur les consultations médicales, sont difficilement supportables. Les 2 % de hausse des pensions accordées par le gouvernement au 1er janvier 2005 ne sont que des miettes.
Les retraités CGT exigent :
– 200 € par mois en guise de rattrapage, pour tous
– Un minimum de pension égal au SMIC
(et 75 % du Smic pour la pension de reversion)
– L’indexation des pensions sur les salaires et non sur les prix.
– Le relèvement de 10 % des retraites complémentaires.
Les retraités ont cotisé durant toutes leurs années de travail, pas pour vivre dans la pauvreté mais pour vivre dans la dignité.
CFDT
Les retraités CFDT demandent une revalorisation des retraites de 2,2 % (comme écrit dans l’article 27 de la loi) et pas seulement de 2 % comme accordé en 2005.
Ils s’inquiètent de la « loi dépendance du 30 juin 2004 », gérée, non pas par la sécurité Sociale, mais par une caisse à part, avec financement par les seuls salariés. La CFDT craint un risque d’inégalité selon les départements et demande le développement des services à la personne.
La CFDT réaffirme son désaccord :
– Sur le forfait de UN EURO qui constitue l’amorce d’une logique de déremboursement
– sur le report de la dette (CRDS) sur les générations futures
– sur la possibilité de dépassements d’hono-raires pour les spécialistes en cas d’accès direct, qui porte en germe le développement d’une médecine à deux vitesses.
La CFDT est particulièrement vigilante sur l’égal accès aux soins pour tous, et sur l’amélioration du remboursement des prothèses auditives et optiques.