Un des derniers écrits de « Bereno » avant que son blog ne soit fermé :
02 Oct 2006
Journal d’un inspecteur du travail
Voici une note qui réjouira ceux qui dénoncent ma vision négative de l’entreprise. Toutefois, le but de ce témoignage n’est pas de satisfaire les uns ou les autres mais de montrer que tous les employeurs, ici en l’occurrence dans le bâtiment, ne sont pas sourds aux discours de prévention des risques professionnels et que des progrès sont réalisés notamment en matière de sécurité et de conditions de travail...encore faut-il en avoir la volonté et s’en donner les moyens.
C’est par hasard, en rentrant au bureau, que j’ai aperçu le chantier, enfin plus précisément un bout d’échafaudage tout au bout d’une petite rue de village. Contrôle impromptu décidé avec ma collègue.
On se gare entre deux anciennes bâtisses. D’ici, nous apercevons une partie du chantier : il s’agit de travaux de rénovation de toiture d’une vieille maison de village. Un échafaudage de pied ceinture le bâtiment. Un appareil de levage est à l’œuvre, son bras télescopique se déploie jusqu’au faîte du toit et sur ses fourches se trouve une caisse en bois dans laquelle les salariés disposent les vieilles tuiles qui sont ensuite stockées à proximité de la maison.
Nous approchons et nous nous présentons. Les trois hommes qui sont sur le toit nous rejoignent ainsi que le conducteur de l’appareil de levage.
– « Le patron n’est pas là » nous dit l’un d’eux. L’absence du patron, en règle générale, libère la parole des salariés qui évoquent plus librement leurs conditions de travail. Nous leur demandons si « tout se passe bien dans l’entreprise ? ».
– « Pas de problème ». La réponse est unanime et paraît réellement spontanée.
Accompagnés par le compagnon le plus âgé qui semble faire office de chef de chantier, nous faisons le tour du bâtiment afin de vérifier la conformité de l’échafaudage. Correct, très correct même : planchers, échelles d’accès aux différents niveaux, garde-corps, tout est parfaitement assemblé...juste un garde-corps à repositionner correctement. L’échafaudage est fixé aux murs de la maison à l’aide de fixations spécifiques.
L’appareil de levage a été vérifié récemment, le rapport n’est pas sur place, il nous sera adressé plus tard par courrier. Le chauffeur a été formé à la conduite en sécurité pour ce type d’engin, comme l’atteste le document qu’il nous présente, il également en possession de l’autorisation de conduite que lui a délivrée son employeur.
Dans un angle de la place, située juste devant la maison : la cabane de chantier. C’est plutôt rare, sur des petits chantiers de ce type, que les travailleurs aient un local à leur disposition. Alors que nous nous apprêtons à pénétrer dans celui-ci, l’artisan (sans doute informé de notre présence sur le chantier par l’appel téléphonique d’un salarié) nous rejoint.
– « Quelque chose ne va pas ? » nous demande-t-il, après nous avoir salué.
On lui explique que c’est un contrôle inopiné du chantier et que nous souhaitons à présent voir l’intérieur de la cabane de chantier.
– « Je l’ai achetée d’occasion et je l’ai restaurée, j’y ai passé plusieurs week-end ».
En fait, il s’agit d’une cabane-remorque composée de trois parties : un WC, un « bureau » et un dernier local où les salariés prennent leurs repas ( micro-ondes, table et chaises, lavabo) , dans un recoin des armoires vestiaires sont alignées contre la cloison. C’est propre et clair. Manifestement, les ouvriers prennent soins de cet équipement mis à leur disposition. Nous demandons qu’un réfrigérateur soit installé pour la conservation des aliments. Pas d’opposition du patron, il va « faire le nécessaire ».
Le contrôle se termine, on fait part à l’artisan de notre satisfaction de voir que les conditions de sécurité et d’hygiène sont prises en compte. Il nous explique que prochainement son fils va prendre les commandes de l’entreprise et que son désir est de lui laisser une « entreprise aux normes ». Il reconnaît qu’il a fait de gros investissements ces derniers temps (échafaudage, appareil de levage). Il évoque d’anciens chantiers où des problèmes de sécurité avaient été relevés par plusieurs organismes dont l’inspection du travail. Finalement, il s’était décidé à « investir dans la sécurité » , dans l’intérêt de l’entreprise et des salariés... « avant qu’un accident arrive ».
19 mai 2006
Heures de délégation.
Les représentants du personnel (délégués du personnel, délégués syndicaux, membres de comité d’entreprise et de CHSCT) jouent un rôle majeur dans la défense des intérêts des salariés. Leurs missions et les moyens dont ils disposent pour les exercer sont précisés par le code du travail.
Cependant, dans certaines entreprises, la présence de représentants est encore loin d’être une évidence. Certains patrons « font avec », d’autres tentent et parfois y parviennent à rendre impossible toute représentation du personnel. S’il convient de ne pas généraliser (des entreprises perçoivent l’intérêt d’avoir une représentation du personnel organisée et structurée) force est de constater que malheureusement les missions de représentant du personnel sont trop souvent perçues comme un acte de haute trahison à l’égard de l’entreprise de la part de salariés qui « crachent dans la soupe ».
Cette réalité sociale est encore bien présente notamment dans les entreprises où prévaut une gestion paternaliste du personnel. Dans celles-ci, on y déploie parfois toute une panoplie de mesures d’intimidation pour décourager ceux qui auraient quelques prédispositions à l’action syndicale, à l’analyse critique...
Pour exercer leurs missions les représentants du personnel disposent d’heures de délégation, dont le nombre est déterminé par le code du travail en fonction de l’effectif de l’entreprise. Cela n’empêche pas certains membres de l’encadrement et de la maîtrise, le plus souvent avec l’aval de la direction, de vouloir restreindre ou interdire la prise de ces heures de délégation. Un délégué du personnel m’avait décrit la façon dont sont employeur le discréditait en le faisant passer pour un tire-au-flanc : ses collègues devant le suppléer lorsqu’il quittait son poste de travail pour exercer son mandat. Parfois, interdiction leur est faite de s’absenter de leur poste de travail, comme ce fut le cas pour cet autre délégué qui me montrait son bon de délégation sur lequel son supérieur hiérarchique avait inscrit : « Refusé ».
Commentaires
J’ai travaillé dans le privé (grosse filiale 100% privée de France télécom avec gestion à l’américaine) 8 ans avant de devenir contrôleur du Travail et j’ai été DS, DP, secrétaire de CE, etc... Nous étions 800 salariés et on diabolisait les IRP, nous étions « les Rouges », « l’oeil de Moscou », on attendait au loin que l’on ait fini à la machine à café pour venir se servir, etc...
Pourtant, toujours exemplaires (la première année de mon embauche j’avais reçu le prix du salarié de l’année de la main du PDG, main que l’on m’a accusé de mordre deux ans après, j’étais devenu mauvais, pire qu’un chien...) on nous traînait dans la boue pour nous couper des autres salariés.
Toutes ces tracasseries à prendre les heures de délégations je les ai connues, ils ont essayé de nous imposer un « délai de prévenance » que nous avons refusé, nous ont reproché notre impolitesse dans une lettre à tous les salariés, ce à quoi nous avons répondu par tract que nous étions embauchés pour travailler, pas pour être polis avec des gens qui nous diabolisaient...
Bref, quand les patrons saisiront l’utilité sociale des IRP pour négocier, discuter et prendre la température sociale de leur boîte, ils auront compris que c’est tous ensemble qu’on travaille, et surtout que ce sont les ouvriers qui nourrissent le patron par leur travail et non l’inverse comme ils se plaisent paternalistement à le répéter.
Rédigé par : clairwill | le 19 mai 2006 à 08:57
Vous inspecteurs du travail êtes le point de jonction entre le monde secret de l’entreprise et le droit et à ce titre méritez tous les encouragements, le respect et surtout les moyens....
Le propositions programmatiques « des » gauches ne pourront ne pas intégrer la réhabilitation budgétaire du corps.
Rédigé par : Abbaye de Theleme | le 19 mai 2006 à 10:06
bonjour bereno
l’eternel souci des heures de délègation dans l’entreprise la plupart des representants la connaissent bien,nouvellement nommer dans ma boite je dispose de 40 heures mensuel pour l’exercice de mon mandat c’est sans conteste un réel probleme de gestion pour l’employeur,dans mon cas comme citer au dessus les conflits proviennent de certains soufifres inculte du code du travail et pratiquant le delit d’entrave, en generale un simple rappel et menace de l’inspection du travail suffit a rendre le climat plus sociable neanmoins le discredit et jeté sur l’organisation syndicale.
bien sur il existe aussi des abus sur ces heures prise d’heures la veille d’un week-end ou en fin d’equipe.la difficulte pour l’employeur reside simplement au controle de la bonne utilisation de ces heures.
bonne continuation bereno pour ma part l’inspection du travail est la meilleur institution pour faire respecter du code du travail en france.
Rédigé par : NERO | le 19 mai 2006 à 10:17
Bonjour,
Pourriez-vous nous donner un peu de précisions sur ces heures de délégation :
* S’agissant du temps qu’elles représentent, le commentaire récédent parle de 40h par mois soit 25% du temps de travail du salarié en question, cela varie-t-il beaucoup d’une petite PMe à une grande entreprise ? Des salariés peuvent-ils en arriver à travailler exclusivement à leurs fonctions de représentant du personnel, à l’exclusion de leur activité « opérationnelle » dans l’entreprise ?
* S’agissant de l’utilisation qui est faite de ces heures de délégation, y a-t-il des règles qui en fixent le cadre ? Ou bien l’utilisation est-elle discétionnaire, quitte dans certains cas à conduire à des abus comme cela est évoqué par le commentaire précédent ? Qui dans l’entreprise a la charge du contrôle : la direction, les salariés eux-même, ... ou l’inspection du travail ?
* Enfin, s’agissant de l’organisation de la prise de ces heures sur le temps de travail, existe-t-il un préavis obligatoire pour permettre d’organiser la continuité des opérations de l’entreprise ? Quel est-il en général ? Est-il adapté aux contraintes de planfication de production des entreprises ?
Merci pour vos éclaircissements
Rédigé par : Question | le 19 mai 2006 à 12:00
mais l’employeur a-t-il le droit de contrôler l’usage des heures de délégation ?
Rédigé par : curieux | le 19 mai 2006 à 13:03
Oui, d’une part tout les politiques surtout ces derniers mois l’UMP regrette la non-syndicalisations des salariés et dans le même temps, via le medef, ils mettent une telle pression sur les travailleurs qui auraient l’audace de se syndiquer que beaucoup renoncent par peur de représailles, de harcelements...
Toujours ce double langage : les syndicats sont non représentatifs mais si j’en vois un qui ose se syndiquer, je le brise, pas de ça dans mon entreprise...
Quelques nuances toutefois avec quelques syndicats « bidons » monté uniquement par et pour les directions facilement identifiés par leurs propension à signer tout et n’importe quoi.
Bref, tant que les DRH, patrons, chefs d’entreprises, consacrerons leurs énergies à fliquer les syndicalistes nous n’ avancerons pas beaucoup dans ce pays.
Rédigé par : manu25 | le 19 mai 2006 à 16:06
Que dit Nero ?
Contrôle des heures de délégations ? jamais ! il est normal qu’1 DS qui bosse 20 h sur 24 lors d’une grève, puisse « récupérer » et faire ses courses un vendredi. Moi mes h de délégation personne ne les contrôle
Rédigé par : Jacquo | le 20 mai 2006 à 04:49
« il est normal qu’1 DS qui bosse 20 h sur 24 lors d’une grève, puisse »récupérer« et faire ses courses un vendredi. »
Même si le bienfondé de la grève est douteux ?
Qui en décide ?
La grève est-elle conduite dans l’intérêt de l’entreprise, au point qu’elle soit considérée comme productrice de « récupérations ».
Autant je peux condamner le patron qui entrave l’exercice du DS, autant votre discours laisse rêveur quand aux objectifs réels du DS...
Mettez-vous à la place de l’employeur, ne serait-ce qu’une seconde (je sais : c’est sale), et imaginez vous qu’un « DS » justifie son absence au travail par de la récupération de temps de grève.
La réticence des patrons vis à vis de la représentation du personnelle ne serait pas liée qu’Ã leur paranoïa naturelle ?
Intéressant.
Pex
Rédigé par : pex | le 20 mai 2006 à 19:38
« paranoia naturelle des employeurs » ... on croit rêver... c’est à cause de telles prises de position que le dialogue social est si difficile. Permettez moi de vous dire, monsieur, qu’il ya autant de gens biens et autant de c... chez les salariés et chez les patrons.
Rédigé par : jolicœur | le 21 mai 2006 à 22:55
Bonjour,
J’ai longtemps (7 ans) été simple élu délégué du personnel puis DP et membre du comité d’entreprise. Non syndiqué, présenté au premier tour par le syndicat présent (CFDT, puis CGT, l’essentiel était de rassembler les bonnes volontés qui ne se bousculaient pas au portillon). En juillet 2000, suite au rachat de mon entreprise, un nouveau directeur financier est arrivé... en tant que responsable bureautique il est devenu mon supérieur hiérarchique... et les ennuis ont commencé. Reproches permanents, il parlait de moi, devant moi, en disant « les délégués syndicaux », etc. Par chance début 2001 j’ai changé de service et je suis tombé sur un « chef » intelligent... Pour la petite histoire j’ai dû une fois réparer la messagerie de mon « chef » parano... j’ai découvert par hasard un message listant les ’personnes à risques’ et j’étais en bonne place... je ne l’ai pas imprimé (c’est interdit par la loi, quand même...) mais voilà un exemple... Depuis, je me suis syndiqué, parce que cela fait partie d’un contrepouvoir indispensable. Et j’ai été confronté aux autres délégués syndicaux... avec un argument de poids : « savez-vous que le fait de ne pas prendre d’heures de délégation peut laisser soupçonner qu’on a été élu ou mandaté pour se faire protéger, et non pour accomplir un devoir civique ? »
Rédigé par : JFB | le 22 mai 2006 à 10:57
« j’ai découvert par hasard un message listant les ’personnes à risques’ et j’étais en bonne place... je ne l’ai pas imprimé (c’est interdit par la loi, quand même...) »
Les listages comme celui çi sont aussi interdits...c’est de la discrimination et en plus une collecte d’infos non autorisé aupres de la cnil par exemple...en temps qu’actuel DP, j’aurais purement dénoncer ce listage.
Pour rappel, les representants ont un droit d’alerte en cas de discrimination......
Rédigé par : Cricket | le 23 mai 2006 à 12:24
JFB a dit : « j’ai découvert par hasard un message listant les ’personnes à risques’ et j’étais en bonne place... je ne l’ai pas imprimé (c’est interdit par la loi, quand même...) mais voilà un exemple... »
Sachez que cela ressort du pénal (constitution de fichier discriminant). En pénal, toutes preuves sont recevables.
Rédigé par : fafa | le 23 mai 2006 à 15:04
Bien que je lis les commentaires, je ne sais toujours pas de combien d’heures disposent un délégué syndicale par mois et si il doit prévenir son employeur 1 jour en avance ou pas.
Donc si vous pouviez me donner une réponse ?
Merci
Rédigé par : dieda | le 27 mai 2006 à 09:22
Le nombre d’heures de délégation attribué à chaque délégué syndical varie selon la taille de l’entreprise.
Taille de l’entreprise ou de l’établissement : Crédit d’heures (C. trav., art. L. 412-20)
– 50 à 150 salariés : 10 heures / mois
– 151 à 500 salariés 15 heures / mois
– Plus de 500 salariés 20 heures / mois
Rédigé par : NERO | le 29 mai 2006 à 12:33
Bonjour,
je suis délégué du personnel au sein d’une compagnie aérienne pour laquelle je vole et je dispose de 3 jours de délégation par mois. Actuellemnt enceinte, je souhaiterais savoir si le fait de me retrouver au sol dans les bureaux me permet tout de même de poser mes 3 jours par mois puisque je conserve mon poste de DP. Bien entendu personne de ma Direction n’a su me donner une réponse.
Merci de me tenir informée.
Rédigé par : Papillon | le 03 juin 2006 à 10:35
bonjour
une question : je suis DS mais je ne suis pas élue DP lors des réunions mensuelles Dp puis je y assister et comment ? et ces heures de réunion me sont elles déduites de mon temps d’heure de délégation DS ?
Merci de votre réponse
Rédigé par : fontaine | le 06 juin 2006 à 16:37
au sujet des heures de délégations syndicales,j’ai posé un nombre d’heures dont la moitié sont tombées pendant du chomage partiel(et bien elles ont éte payées en chomage)je voudrais savoir si celà est normal alors que ces heures là sont considerées comme des heures travaillées merci de votre reponse
Rédigé par : nimodri | le 06 juin 2006 à 20:02
je ne suis pas DS alors mon message ne passera peut être pas mais je m’insurge contre les abus des heures de délégations.
j’ai lu les messages qui évoqués « la paranoïa des patrons » MAIS je travaille avec une DS CGT qui abuse et qui ne s’en cache pas et nous sommes écœurées de voir qu’aucun contrôle ne peut être fait.
Ne vous voilez pas la face un tel comportement jette le discrédit sur le syndicalisme et même parmi les salariés !!! Alors ne les protégeaient pas en évoquant le sacro-saint « droit syndical » mais trouvez une solution pour « contrôler » cette absentéïsme préjudiciable aux autres salariés sinon ne vous plaignez pas d’être mis « dans le même panier de »tir aux flans !!!
Rédigé par : mathys | le 06 août 2006 à 20:05
Bonjour à tous,
Mon patron me reproche de ne pas le prévenir avant de prendre mes heures de délégation.
Dois-je prévenir le patron avant de prendre mes heures de délégation ? y a t il des jurisprudences sur ça ?
Merci.
Rédigé par : karys | le 29 septembre 2006 à 13:11
Karys,
Oui, vous devez informer votre employeur avant de partir en heures de délégation afin qu’il supplée à votre absence s’il le désire.
Ce n’est pas une autorisation que vous sollicitez, vous l’informez que vous partez en heures de délégation.
Cordialement.
Bereno
Note du 22 janvier 2009
Un inspecteur du travail mis en examen
Voir : http://slovar.blogspot.com/2009/01/communiqu-de-grard-filoche-concernant.html