Ecrit le 30 août 2006
Le « Collectif Enfants Etrangers Citoyens Solidaires de Nantes » a analysé la circulaire Sarkozy du 13 juin 2006 et adressé une lettre au préfet de Loire-Atlantique, rédigée avec des avocats et un magistrat nantais, tous très sensibles au scandale de cette circulaire et de l’interprétation subjective, restrictive et arbitraire qui en est faite. Cette lettre dit ceci [intertitres et commentaires sont de la rédaction de La Mée]
Monsieur le préfet,
Le Collectif constate que les demandes présentées [par les Sans-Papiers] ont fait l’objet d’une interprétation restrictive qui ne ressort pas de la circulaire. Si cette dernière propose des critères, elle n’apporte aucun éclaircissement sur leur caractère exhaustif, impératif ou cumulatif. Sur cette base, aucun argument juridique n’imposait une lecture stricte des critères.
Au contraire, la méthode imposée par la circulaire renvoie explicitement à une analyse subjective de chaque dossier ; elle impose donc une appréciation large, souple et adaptée fondée sur la situation socio-économique et politique de chaque famille.
Refus Stéréotypés
Plus concrètement, la lecture des lettres de rejet [reçues par les Sans-Papiers] met en évidence des réponses stéréotypées, permettant de douter de la prise en compte de la situation réelle de chaque famille. [Note de La Mée : Le collectif estime donc qu’il n’y a pas eu étude approfondie, au cas par cas, en contradiction avec l’esprit de la circulaire].
Sur un plan plus juridique, loin du caractère exceptionnel et humanitaire annoncé, nous constatons que certains motifs de rejet sortent du champ d’application de la circulaire et renvoient implicitement à des obligations relevant du CESEDA [CESEDA = Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile]
Ainsi, au 4e paragraphe des lettres reçues il est écrit : « Après un nouvel examen de votre situation (...) vous ne réunissez pas les conditions requises pour obtenir un titre de séjour ». Or, nulle part dans les critères de la circulaire, il n’est fait mention de la nécessité de remplir les conditions pour obtenir un titre de séjour ou d’un visa long séjour !
De même, la nécessité de produire « un élément nouveau », pour obtenir un réexamen, invoqué au sixième paragraphe des lettres de rejet, laisse apparaître que le dossier de demande de régularisation a été traité au regard de l’article 313-11-7 du CESEDA [CESEDA = Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile].
La circulaire elle-même, ne constitue t-elle pas un élément nouveau à savoir : « Admettre au séjour de manière exceptionnelle et humanitaire, dans l’intérêt des enfants, afin de leur permettre de sortir d’une situation de précarité et de pouvoir bénéficier d’une intégration satisfaisante »
Analyse des rejets
[Deux autres motifs de rejet apparaissent dans les lettres reçues par les sans-papiers :
– avoir déjà eu des rejets
– Une personne de la famille a déjà un titre de séjour]
- 1) Il est évident que toutes ces familles ont déjà eu différents rejets. N’était-ce pas pour clore des dossiers juridiquement dans l’impasse, que cette circulaire avait été conçue ?
Ce rappel [des précédents rejets] apparaît comme un moyen d’éviter le réexamen individualisé en s’appuyant sur des décisions antérieures essentiellement fondées sur le droit d’asile ... ce qui nous semble en contradiction avec le but annoncé de la circulaire, à savoir « permettre de sortir d’une situation de précarité et de pouvoir bénéficier des conditions d’une intégration satisfaisante en France »
- 2) L’argument de rejet selon lequel « un couple non marié dont l’un des membres possède déjà un titre de séjour » ou « un couple marié dont l’un des membres possède déjà un titre de séjour » ne peut prétendre à la régularisation au regard de la circulaire du 13 juin 2006, nous paraît infondé, puisque :
- d’une part, suivant l’article 1 du champ d’intervention de la circulaire, seules les familles relevant de la Convention Dublin II , sont d’emblée exclues de la dite circulaire ;
- d’autre part, la circulaire vise à régulariser « des ressortissants étrangers dont le séjour est irrégulier et dont au moins un enfant est scolarisé depuis septembre 2005 » ;
- Et qu’enfin, nulle part dans la circulaire, n’est évoquée l’exclusion des personnes qui peuvent bénéficier du regroupement familial.
Quotas
Nous sommes conscients, Monsieur le préfet, que l’annonce faite par le Ministre de l’Intérieur de la régularisation de 6000 familles, avant même la date de clôture de dépôt des dossiers, contraint les préfectures à privilégier une logique quantitative sur une approche qualitative pourtant prônée par la circulaire.
Cette démarche particulièrement politique conduit à l’arbitraire en imposant un quota qui a implicitement pour effet de restreindre le champ d’application de la dite circulaire, au mépris du caractère « excep-tionnel et humanitaire » de cette mesure.
Cette image donnée de l’application du droit en France ne peut qu’interpeller les citoyens et conduire à un soutien plus fort et plus massif des familles concernées.
Nous nous permettons de terminer ce courrier en évoquant la Convention de New-York. Si nous le faisons dans ce cadre, c’est que cette convention, signée par la France, dispose que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale » (article 3-1).
De même, la circulaire du 13 juin 2006 a pour objet « dans l’intérêt des enfants, (...) de sortir d’une situation de précarité et de (...) bénéficier d’une intégration satisfaisante en France ».
Or, vu la situation des familles ayant reçu une lettre de rejet, cet intérêt supérieur de l’enfant n’est manifestement pas respecté.
Avec le droit de vivre en famille, le droit à la scolarité, le droit au développement personnel, [le Collectif demande, sur la base de la convention de New-York, de prendre en compte] le droit à un environnement stable sans lequel les autres droits sont durablement menacés .
Au regard de tous ces éléments, Monsieur le préfet, nous vous demandons de procéder au réexamen de tous les dossiers que vous avez, dans un premier temps rejetés.
Signé : Les membres du Collectif Enfants Etrangers Citoyens Solidaires
Un résistant-déporté parle des Sans-Papiers de 2006
Nous ne pouvons admettre et n’admettrons jamais que des enfants, pour de simples raisons administratives, voient leur scolarité brisée et leur avenir compromis. Admettre cela c’est accepter l’intolérable et nous sommes bien placés pour savoir que garder au début le silence sur de tels faits finit tôt ou tard dans le drame.
Hier les juifs, les tziganes, aujour-d’hui les immigrés, les musulmans ... La vigilance doit être permanente.
Jean DURAND déporté-Résistant, est président du Conseil départemental de la Résistance de la Haute Garonne.
Ecrit le 6 septembre 2006 :
Sans Papiers : pétition en cours
Une quarantaine de personnes se sont déplacées, le 1er septembre, pour venir en aide aux Sans-Papiers de Châteaubriant et en particulier à l’une des familles, qui respecte totalement les critères de la circulaire Sarkozy du 13 juin 2006 mais qui a cependant été rejetée par la préfecture, avec des motifs fallacieux (voir La Mée de la semaine dernière).
La rentrée pour tous les sans papiers sera dure car la loi CESEDA(code d’entrée et de séjour des étrangers et de demandeurs d’asile) entre en application le 15 Septembre.
Le Samedi 23 septembre à Châteaubriant aura lieu le parrainage républicain des trois familles déboutées suivi d’une manifestation.
Un rendez-vous à la préfecture est demandé par Françoise Gentil conseillère régionale , pour l’une des familles.
Une pétition pour cette famille est élaborée et devra être rendue au plus tard lors de la manif du 23 septembre et sera transmise au préfet.
Une lettre de recours gracieux pour ce dossier est envoyée au préfet.
Affiches, chaîne téléphonique : tous les moyens ont été pris par les participants pour permettre de répondre aux situations d’urgence.
Ecrit le 30 août 2006 :
Jeff Babatundé expulsé, deux passagers interpellés
Ecrit le 27 septembre 2006 :
Sans-Papiers, Parrainages
Henri-Paul Konzivenet est originaire de Centrafrique, Marguerite Eboutou vient du Cameroun. Ils sont en France depuis 2006. Leurs deux enfants sont Français. Ils remplissaient toutes les conditions pour être régularisés par la circulaire Sarkozy du 13 juin 2006. hélas ....
Le maire de Châteaubriant a promis de saisir le préfet à leur sujet. De ce fait le « parrainage citoyen » prévu pour la fin septembre a été repoussé (pour eux et pour deux autres familles).
Le collectif Tous Solidaires, Solimée, Rencontres , Amnesty, Secours Populaire , Comité Palestine-Israë l, LDH, SMG 44 et FCPE demandent à tous d’être vigilants. Une cérémonie est prévue en octobre.
Ecrit le 11 octobre 2006
Parrainages à Châteaubriant, Samedi 14 octobre 2006
Samedi 14 octobre 2006 à 15h, à Châteaubriant aura lieu une cérémonie de parrainages républicains de familles sans papiers.
Ces familles trouveront réconfort, écoute et soutien auprès de leurs parrains et marraines castelbriantais, comme cela s’est déjà fait dans de nombreuses villes françaises.
« Une assemblée nombreuse est souhaitée afin qu’autour des nouveaux parrainés, nous témoignions tous ensemble, avec les Castelbriantais qui nous rejoindrons, de cet élan de solidarité, d’amitié et de fraternité que nous avons su tisser » dit le collectif de soutien.
Le rendez-vous est prévu à 15h derrière la mairie de Châteaubriant. « La cérémonie sera suivie d’un moment où nous nous retrouverons, échangerons et partagerons ensemble le verre de l’amitié et de la fraternité. »
Pour plus d’informations, contacter Danielle ROUZIERE au 06 77 06 12 72.
Ecrit le 18 octobre 2006
Une belle journée, ce 14 octobre 2006
Le 14 octobre 2006 restera jour mémorable dans l’histoire de Châteaubriant : à la porte de la mairie, en présence de 300 personnes, une vingtaine de « parrains et marraines » ont décidé de prendre, sous leur protection, trois familles de « sans-papiers » résidant à Châteaubriant.
Deux discours (Danielle Rouzière et Jean-Pierre Le Bourhis) ont situé cet acte de « solidarité citoyenne » autour des familles « dont la vie quotidienne et les projets d’avenir sont minés par le risque d’expulsion ». « Si l’Etat tente de mettre à mal aujourd’hui la fonction de terre d’asile que notre pays a inscrite comme l’une de ses richesses historiques, la société civile se bat pour la conserver ».
Puis deux jeunes filles, Héloïse Blin et Pauline Horeau, ont prononcé une plaidoirie, très applaudie, en faveur des « sans-papiers » et plus globalement d’un équilibre Nord-Sud, d’une aide efficace des pays riches en faveur des pays plus pauvres dont les habitants ne demandent qu’Ã vivre dans leur pays...... Vivre.
Symboles
Une cérémonie de parrainage républicain se déroule habituellement en mairie. Cela s’est fait à Blain, à Nantes et ailleurs mais à Châteaubriant la mairie n’a pas donné suite à la demande des associations.
Cela n’a pas empêché les parrains et marraines de poser « cet acte de résistance au non-respect des personnes, à l’exclusion et aux sentiments xénophobes et racistes ».
Les trois familles parrainées ont déclaré partager les valeurs de la France : « Liberté, égalité, fraternité et respect de l’autre » : « Nous nous engageons à élever nos enfants dans cet idéal et à aider, à notre tour, les personnes qui pourraient en avoir besoin ».
Ballons bleus, blancs, rouges ; drapeau tricolore ; petite boite de dragées marquée du Bleuet de France ; livret de parrainage (relié de tricolore !), bouquet de fleurs rouges ; gâteaux, jus de fruit ... la cérémonie fut à la fois symbolique, solennelle et chaleureuse.
Un grand jour, oui.
Et l’espoir que ce parrainage protègera les familles réfugiées à Châteaubriant
(L’association Tous solidaires tient une permanence à Châteaubriant 06 26 25 42 51).