(écrit le 10 juillet 2002)
La Cour pénale Internationale
Voilà que les dirigeants américains exigent, sans s’embarrasser de fioritures, que leurs compatriotes échappent à la nouvelle loi commune du monde : ils ne veulent pas entendre parler de cette Cour pénale internationale (CPI) qui vient de naître, ce 1er juillet 2002 à La Haye. A vrai dire, ils ne veulent pas entendre parler de droit international. L’empire du Bien n’aime pas le Droit. Vaste sujet de réflexion. Il entend que ses ressortissants échappent toujours et partout aux foudres de la justice. Car on ne saurait vraiment commettre de crime quand on combat l’Axe du Mal. « Les Etats-Unis vont protéger les citoyens américains du contrôle de la Cour pénale Internationale », a redit lundi 1er juillet le porte-parole de la Maison Blanche, Ari Fleisher. L’administration Bush veut avoir les coudées franches.
Il y a, dans cette certitude d’incarner la liberté et la démocratie au point de vouloir s’exonérer de tout tribunal humain, une profonde religiosité qui inscrit cette Amérique-là dans la même infernale logique que ceux qu’elle entend traquer et détruire. Il y a là les germes d’un autre fanatisme. Le mot a d’ailleurs été employé sans détour par l’organisation humanitaire américaine Human Rights Watch, qui a dénoncé « l’obsession fanatique » de la droite américaine. Cette logique nationaliste, imprégnée de la certitude tranquille que le citoyen des Etats-Unis est d’une autre essence, peut conduire très loin. Ainsi, à droite de George Bush, l’inénarrable sénateur Jesse Helms - celui du blocus éternel contre Cuba - prépare déjà une loi qui autoriserait l’armée à intervenir pour arracher un ressortissant américain des griffes de la CPI. Voilà un beau scénario pour Hollywood !
USA contre CPI
En attendant, pour torpiller la toute nouvelle juridiction internationale, Washington a eu recours à un chantage à peine plus pacifique : si l’on ne garantit pas aux Américains une sorte d’immunité planétaire, l’Amérique bloquera le renouvellement du mandat des forces de paix qui opèrent un peu partout dans le monde. La première victime de cette prise en otage d’un genre nouveau risque d’être, dès à présent, la mission des Nations unies en Bosnie qui mobilise quelque 1600 policiers internationaux en poste dans la jeune république née de l’éclatement de la Yougoslavie. Mais si George W Bush met sa menace à exécution, le Kosovo, le Timor Oriental, la Sierra Leone, le Sahara occidental, le sud Liban, la République démocratique du Congo, et quelques autres théâtres de violences et guerres civiles, seront bientôt livrés à eux-mêmes. Pour arriver à ses fins, l’empire du Bien est prêt à mettre le monde à feu et à sang.
Mais à quelque chose malheur est bon : l’opposition têtue des États-Unis n’a pas ébranlé la conviction des autres membres du conseil de sécurité des Nations Unies qui, pour l’heure, n’ont pas cédé au chantage. Sans trop se faire d’illusions pour la suite, saluons tout de même cette fermeté toute neuve. Car l’affaire est d’importance.
Certes, en soi, le champ d’action de la CPI est limité. Elle n’a été créée que pour juger les auteurs de génocides ou de crimes de guerre. Mais la constitution d’un tribunal permanent, et aux compétences universelles, ébauche un. système international fondé sur le droit. Il offre dans son principe une véritable alternative à la tendance actuelle. Ou bien la communauté internationale parviendra à fonder un droit pour tous, et à se doter des instruments nécessaires à son application. Ou bien la loi du plus fort continuera de s’exercer. Or, le plus fort, c’est précisément George W Bush. Mais c’est aussi tous ceux qui entendent continuer de régler à coups de bombes ou d’avions de combat les différends qui les opposent à une minorité ethnique indocile ou à un voisin récalcitrant. Voilà pourquoi il n’est pas très étonnant de retrouver, parmi les autres adversaires résolus de la CPI, l’Inde, en conflit avec le Pakistan, la Chine, championne toute catégorie de la peine de mort, la Russie, qui continue de massacrer les Tchétchènes avec la bénédiction de George W Bush ; et l’Israë l d’Ariel Sharon, qu’on ne présente plus.
Contrairement aux tribunaux de circonstance qui ont été mis en place pour juger les crimes commis dans l’ex-Yougoslavie ou au Rwanda, la CPI est une institution permanente. Deux conceptions s’affrontent. Dans l’imaginaire de M. Bush, c’est le policier qui dit le droit. Il décide où est le Bien, décrète la sanction, et applique la peine. A l’opposé, la CPI, c’est l’idée d’une séparation des pouvoirs. L’ennui, c’est que pour l’instant, l’imaginaire de George Bush, c’est aussi la réalité.
JEUDI 4 JUILLET 2002, extrait de
l’éditorial de Denis Sieffert pour Politis
(écrit le 23 septembre 2002) :
Des menaces pèsent sur le nouveau système judiciaire international qui a vu le jour avec la création de la Cour pénale internationale (CPI). Les Etats-Unis essaient d’exempter leurs ressortissants de la compétence de la CPI pour les actes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.
La CPI (Cour pénale Internationale) a pour mandat d’enquêter sur les personnes soupçonnées de génocide, de
crimes contre l’humanité et de crimes de guerre et d’engager des poursuites à leur encontre. Les États-Unis sont en train de mettre à mal ce nouveau dispositif judiciaire international en exerçant des pressions sur les autres pays pour les convaincre de passer des ententes de non-extradition des citoyens américains vers la Cour pénale Internationale.
Dans de nombreux cas, le gouvernement américain menace de retirer son aide militaire à tout pays refusant d’accéder à ses demandes. De tels accords sont contraires au droit international. Ils risquent de réduire à néant les efforts déployés à l’échelle internationale pour arrêter les criminels qui planifient et commettent les pires crimes contre l’humanité.
Signez l’appel d’Amnesty International qui demande aux gouvernements de ne pas conclure d’accord d’immunité de juridiction avec les États-Unis. On trouve cet appel sur le site internet :