Ecrit le 20 septembre 2006
Doing Business : les iles paradisiaques
La Confédération internationale des syndicats libres, CISL, critique avec véhémence la Banque mondiale qui, dans son rapport annuel Doing Business (= Faire des Affaires), appelle les gouvernements à lever toute réglementation des marchés de l’emploi et à prendre exemple sur des pays où il n’existe pratiquement aucune règle en matière de protection des travailleurs.
L’édition 2007 de Doing Business a attribué aux Iles Marshall la « meilleure performance » au niveau mondial pour l’absence quasi-totale de réglementation en matière d’emploi et de travail.
Dans ces pays, les salariés peuvent travailler jusqu’Ã 24 heures par jour, sept jours sur sept, sans obligation de leur accorder des vacances ou de leur délivrer des préavis de licenciement.
N’étant pas membres de l’OIT, les Iles Marshall et Palau comptent parmi les rares pays qui ne sont pas obligés de se conformer aux normes fondamentales du travail (concernant l’élimination du travail forcé et de la discrimination et le respect de la liberté d’association et du droit de négociation collective) auxquelles les pays membres sont tenus d’adhérer.
Communiqué CISL, du 6 septembre 2006
Paradis
C’est assez incroyable de donner « la meilleure performance » à des Etats minuscules qui ont besoin des USA pour survive !
Les Iles Marshall sont constituées de 30 atolls et 1100 îles. C’est un petit territoire de 181 km2 qui comprend environ 70 000 habitants. Elles vivent d’une aide des Etats-Unis.
Les Iles Marshall pratiquent la politique des pavillons de complaisance et sont classées parmi les Paradis Fiscaux.
Palaos
Les îles Palau (ou Palaos) s’étendent sur 458 km2 (une dizaine d’îles) et comptent 20 000 habitants. Le gouvernement de ces îles emploie la grand majorité des actifs et dépend principalement de l’aide économique des Etats-Unis. Ces îles sont souvent citées parmi les Paradis Fiscaux.
(par comparaison : Le Pays de Châteaubriant, c’est-Ã -dire les trois communautés de communes de Châteaubriant, Derval, Nozay, s’étend sur 1157 km2 et compte 53 000 habitants).
Paradis fiscal
Un paradis fiscal est un territoire à fiscalité privilégiée, un niveau d’imposition anormalement bas. Des grandes sociétés peuvent y installer leur siège social (souvent virtuellement !) ce qui leur permet de bénéficier d’avantages importants :
– liberté des changes accompagnée d’une monnaie liquide
– secret commercial et secret bancaire inébranlable (on parle parfois de « paradis bancaire »)
et souvent impunité judiciaire
Ecrit le 11 octobre 2006
Faire des affaires
Dans un communiqué du 28 septembre, la Confédération Européenne des Syndicats (1) commente :
" Dans la logique de la Banque mondiale,
– les pays qui exigent un préavis en cas de licenciement,
– qui fixent la semaine de travail à moins de 66 heures
– ou qui imposent des salaires minimaux supérieurs à un niveau très bas
sont considérés comme peu propices aux investissements. En suivant le même raisonnement absurde, un pays aussi minuscule que les ÃŽles Marshall est désigné comme étant celui qui a les « meilleures performances » parce qu’il n’a pas de code du travail.
La CES rejette une approche aussi simpliste et souligne que les entreprises devraient plutôt considérer les droits des travailleurs comme des « contrain-tes bénéfiques ».
Fixer des normes en ce qui concerne les salaires, les heures de travail, les contrats d’emploi et les préavis de licenciement empêche les employeurs d’emprunter la « voie de la facilité » et d’exploiter purement et simplement leur main-d’œuvre afin de résoudre les problèmes de compétitivité.
Cela encourage les stratégies des entreprises à se concentrer sur des programmes d’innovation, de productivité et de développement des compétences des travailleurs « John Monks, secrétaire général de la CES, ajoute : » La Banque mondiale veut que nous concurrencions la Chine sur base de faibles coûts salariaux et de mauvaises conditions de travail. Il est illusoire de penser que l’Europe pourrait construire un marché du travail moderne en revenant aux pratiques abusives de travail du XIXe siècle. "
L’expérience de plusieurs États membres de l’Union Européenne montre qu’il n’y a pas de corrélation automatique entre la compétitivité et la dimension sociale européenne :
Le Royaume-Uni en 1999 et l’Irlande en 2000 ont introduit un salaire minimal réglementaire. Aujourd’hui, le salaire minimal britannique (7,36 €/heure) est proche du niveau du salaire minimal français (8,27 €). Malgré leurs dénégations, le Royaume-Uni et l’Irlande ont continué à bénéficier d’une économie en croissance et d’un marché du travail en plein essor.
Au Royaume-Uni en particulier, une entreprise sur cinq a réagi au salaire minimal en améliorant l’organisation du travail et en la rendant plus productive.
Les travailleurs en Suède et au Danemark ont des périodes de préavis qui comptent parmi les plus longues en Europe. Ce qui encourage les entreprises à conclure des conventions collectives visant à accroître les compétences et la capacité des travailleurs à changer d’emploi Ce n’est pas une coïncidence si les deux pays sont considérés comme « ouverts au changement » et s’ils se positionnent systématiquement parmi les dix nations les plus compétitives au monde.
Au début des années 90, les Pays-Bas faisaient déjà ce que la Banque mondiale condamne en accordant aux travailleurs à temps partiel et à d’autres travailleurs atypiques des droits équivalents et un même accès à la protection sociale (en étendant, par exemple, les salaires minimaux réglementaires aux travailleurs à temps partiel). Aujourd’hui, les Pays-Bas ont un taux de chômage inférieur à celui des Etats-Unis, tout en tenant en échec les inégalités et l’exclusion sociale.
Par ailleurs, plusieurs cas en Europe illustrent de manière frappante les résultats désastreux de l’approche de déréglementation préconisée dans le rapport de la Banque mondiale :
L’Allemagne a subi une réforme après l’autre, ce qui a considérablement affaibli les droits des travailleurs. résultat ? Des profits pour les entreprises, mais une insécurité pour les travailleurs qui atteint des records historiques. Pendant ce temps, la demande intérieure reste faible et l’économie se traîne d’un effondrement de croissance à l’autre.
La libéralisation du marché du travail en Italie et les abus considérables des contrats de travail à durée déterminée en Espagne ont créé une situation où un tiers des travailleurs est sous contrat atypique. résultat ? Un effondrement de la croissance de la productivité qui aboutit à une dégradation permanente des positions concurrentielles.
Le 5 octobre 2006, la Banque centrale européenne a relevé ses taux d’intérêt : le loyer de l’argent dans la zone euro passe de 3 à 3,25%. Hausse difficile à justifier puisque l’inflation dans la zone euro a touché en septembre son plus bas niveau depuis mars 2004, à 1,8 % et parce que les prix du pétrole demeurent relativement sages.
La Confédération Européenne des Syndicats souligne que cette augmentation des taux d’intérêt, associée à des hausses de salaires plus faibles que prévu, menacera la poursuite de la croissance.