Ecrit le 10 février 2010
« Le travail, ce n’est pas la souffrance », peut-on lire en introduction d’une étude réalisée par une commission de parlementaires, présidée par les députés UMP Jean-François Copé et Pierre méhaignerie. Selon ce rapport,
– 53 % des salariés éprouvent du stress au travail,
– un quart des hommes (24 %) et un tiers des femmes (37 %) souffrent de troubles psychologiques liés à leur travail,
– on dénombre environ 700 000 accidents du travail par an donnant lieu à un arrêt de travail.
– Les TMS (troubles musculo-squelettiques) représentaient, en 2007, 7,4 millions de journées de travail perdues, et leur nombre s’accroît d’environ 18 % par an depuis dix ans.
– Enfin, « on estime que 80 % des maladies professionnelles ne sont pas reconnues comme telles », soulignent les élus.
Cela n’empêche pas le gouvernement, continuant sa destruction systématique de toute politique sociale, de vouloir tuer la médecine du travail.
Mort de la médecine du travail ?
Conçue à l’origine comme un magnifique outil de prévention en matière de santé dans les entreprises, la médecine du travail a été délibérément dégradée, déconsidérée par les employeurs. Le Medef a jugé le moment opportun de lui porter le coup de grâce puisque, après une négociation de février à octobre 2009, devant le refus unanime de tous les syndicats, il a chargé Xavier Darcos de reprendre l’essentiel de son projet.
– Les médecins du travail n’assureraient plus le suivi de la santé des travailleurs, ils seraient remplacés par un nébuleux « service de santé au travail » (SST).
– Dans ces SST les employeurs disposeraient de deux-tiers de sièges. Seraient alors juges et parties ceux-là mêmes qui créent les risques !
– La « pénurie » de médecins du travail ne sera pas entérinée puisque le SST sera composé d’infirmiers, personnel médical, médecins de ville, et des IPRP (Intervenants en prévention des Risques Professionnels) au statut mal défini et non protégé. Il s’agit de « démédicaliser » la seule spécialité dont l’objet est le lien entre la santé et le travail.
– Les visites avec de vrais médecins du travail seront espacées tous les 3 ans « sur demande » et si « l’infirmier en santé au travail évalue le besoin de voir le médecin du travail » dans les « secteurs à risques ». Comment une « prévention » peut-elle exister, sans entretien clinique régulier avec les salariés, en espaçant les visites tous les 3 ans ?
– La visite d’embauche aurait un but de sélection et d’éviction. Une « visite de prévention de la désinsertion professionnelle » pendant l’arrêt de travail serait systématique après 21 jours d’arrêt sous contrôle, bien sûr, de l’employeur. « L’obligation de recherche de reclassement de l’employeur débute avec cette démarche et se termine avec la visite de reprise ». Cela met fin de facto à la protection du salarié pendant son arrêt de travail. Les médecins ne feront plus que de la sélection et de l’éviction et perdront leur rôle de préventeurs.
– l’aptitude et l’inaptitude seraient définies du point de vue patronal : actuellement ces notions n’ont pas de définition légale, le médecin du travail les apprécie au cas par cas selon les risques pour la santé liés au poste de travail. Une nouvelle définition écrite dépendrait exclusivement de la capacité du salarié à effectuer la totalité des tâches prescrites : elle aurait une « simplicité » radicale, binaire (apte ou inapte) et reviendrait à supprimer toute notion d’aménagement de poste et d’adaptation des tâches à l’homme.
– La possibilité de licenciement pour inaptitude serait réduite à une seule visite et le médecin ne pourrait plus formuler des préconisations pour l’adaptation du poste de travail (restrictions, aménagement, changement de poste).
– Le « tiers-temps » des médecins pour l’étude des conditions de travail est supprimé : il n’y a plus besoin de médecin spécialiste connaissant le travail et ses effets sur la santé.
A l’heure de la sous déclaration massive des accidents du travail, de l’augmentation des maladies professionnelles et des suicides au travail (comme cela a été révélé à France télécom), à l’heure de la hausse des accidents cardiaques et vasculaires liés au stress et à la souffrance au travail, à l’heure où dérivent les méthodes de management et leurs exigences dévorantes de productivité, faut-il affaiblir ou renforcer la médecine du travail ?
Le projet du Medef vise à faire de la médecine du travail un bouclier protecteur des employeurs.
Au contraire de tout cela, une véritable prévention en santé au travail est nécessaire et possible. L’indépendance professionnelle exige que les préventeurs soient à l’abri des pressions de ceux qui les paient.
Que tous les acteurs de progrès refusent ensemble le projet Darcos de mise à mort de la médecine du travail, POUR une authentique médecine du travail, indépendante, dans l’intérêt exclusif de la santé des salariés !
Une pétition est lancée à ce sujet - Voir ici : http://petition.non-mort-medecine-travail.net/
Ecrit le 10 février 2010
Quelques chiffres, Région de Châteaubriant
A Châteaubriant il existe un Service médical interentreprises (SMIE) avec des locaux fixes (Rue des Tanneurs à Châteaubriant), des centres médicaux fixes (Kuhn, Pebeco, Novembal, Viol, Saria, FMGC) et des centres annexes. Il emploie 4 médecins à temps partiel et des auxiliaires médicaux et administratifs. En 2008 il a suivi 748 entreprises.
répartition des salariés à suivre :
Années | 2005 | 2006 | 2007 | 2008 |
Surveillance médicale simple | 3391 | 3137 | 3508 | 3413 |
Surveillance médicale renforcée | 4671 | 4348 | 4106 | 4465 |
Intérimaires | 670 | 977 | 1156 | 1320 |
Total | 8722 | 8462 | 8770 | 9198 |
Hors intérimaires, sur 4 ans on peut remarquer que, en moyenne, 43 % des salariés sont en SMS (surveillance médicale simple), et que 57 % sont en SMR (surveillance médicale renforcée). Pour les intérimaires, on constate que leur nombre a doublé en 4 ans.
En 2008, les salariés ont été soumis à un ou plusieurs risques liés au travail, pouvant donner des « maladies professionnelles indemnisables ». Citons les principaux :
– Affections péri-articulaires provoquées par certains gestes et postures de travail : 4400 salariés concernés.
– Affections chroniques du rachis lombaire provoquées par les manutentions et/ou les vibrations : 1700 salariés concernés.
– Affections provoquées par les solvants organiques liquides et/ou lésions-eczéma de type allergique : 1400 salariés.
Les risques sont évidemment spécifiques aux entreprises : les virus des hépatites dans les établissements hospitaliers, les ciments dans le bâtiment, les lésions chronique du ménisque, ailleurs. Sans oublier le bruit, les poussières de bois ou de fer, les goudrons et huiles minérales et même, encore, l’amiante, le plomb et autres agents cancérogènes. Le travail de nuit, ou les équipes alternantes de nuit constituent aussi des facteurs de risque.
En 2008, une quarantaine d’inaptitudes médicales suivies d’un licenciement ont été prononcées lors de la visite de reprise : difficultés relationnelles au travail, syndromes dépressifs, handicaps divers et variés, cancer, etc. Pour d’autres un aménagement ou un changement de poste de travail ont été obtenus.