Ecrit en décembre 2010
On n’Ivoire rien
Samedi 4 novembre 2010Ã Abidjan : un président Laurent Gbagbo - isolé sur le plan diplomatique - a prêté serment sous les ors de la République et devant les corps constitués. Un autre, Alassane Ouattara - fortement soutenu par la communauté internationale - s’est exprimé en tant que chef de l’Etat depuis l’hôtel où il est consigné pour raisons de sécurité. La Côte-d’Ivoire est sens dessus dessous.
Et pourtant le dimanche 28 novembre fut un jour historique : La première élection présidentielle à être ouverte à tous les candidats depuis l’indépendance de la Côte d’Ivoire, en 1960. Après six années de reports, le scrutin, devait permettre à tout un pays enlisé dans une guerre civile larvée et un marasme économique d’ouvrir une nouvelle page de son histoire. désormais, tout peut arriver !
Ecrit le 19 janvier 2011
Je n’y arrive plus
Feindre l’indifférence, simuler la patience, supporter ce silence ? Que faire ? Attendre, se taire, stresser tranquillement et confortablement. Je n’y arrive plus, je dois parler, crier ma révolte.
Brazzaville juin 1997, la guerre éclate, d’Abidjan impuissante j’ai assisté à la destruction de la ville où mes parents vivaient. Une Guerre, une vraie, avec des chars, des morts, des milices, des réfugiés, des femmes violées, des trous d’obus dans les murs, des rues défoncées. Une Guerre qui a chassé des milliers de Congolais hors de chez eux.
Abidjan refuge de l’Afrique, Terre d’Asile. Je n’y arrive plus... Quand en 1999 j’allais en vacances au Congo Brazzaville voir mes parents, c’étaient des visions apocalyptiques, une impression de fin du monde. Des barrages militaires, une ville détruite, des personnages hagards, des femmes démunies. Une guerre une vraie, alors qu’Ã Abidjan nous vivions, dansions, mangions et riions.
Savent-ils ce qu’est une guerre en pleine capitale ? Je garde en mémoire un voyage à Monrovia en 1997, visions d’horreur où des familles entières se tassaient sous une tôle soutenue par quatre bouts de bois. Certainement des gens bien, comme vous et moi, que la guerre a poussés dans les rues. Des citoyens ordinaires, à la merci des ambitions de politiciens sanguinaires ! Savent-ils ce qu’est une guerre civile ? Des hommes et des femmes à la merci de hordes sans scrupules.
Je te connais, sorcière ...
Je n’y arrive plus Quand je vois et entend tous les jours les témoignages émanant des oubliés de l’Est de la RDC (République démocratique du Congo), Walikale, Bukavu, des noms exotiques quand on vit à Abidjan. Mais ici les victimes ont des noms, elles sont mères, soeurs ou filles. Ils sont pères, frères et fils. Des innocentes victimes collatérales de lutte pour le pouvoir.
Je n’y arrive plus Il m’est impossible de fermer les yeux sans penser aux réfugiés Ivoiriens qui fuient au Liberia.
Je ne peux plus me taire, ma peine et ma douleur sont immenses, car la Guerre je la connais, elle est sournoise et imprévisible. Je te connais Sorcière qui pousse des frères à s’entretuer et à se déchirer. Je ne peux plus me taire et regarder France 24, écouter RFI ! L’attente est pesante.
Je pense à vous qui essayez de continuer à vivre sans trop y penser, l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de vos têtes. Chaque jour de plus vient avec son lot de tensions, de réactions, de déclarations. Mais qui pense au quotidien des Abidjanais soumis à une guerre psychologique sans précédent. Je n’y arrive plus
Depuis ce coup d’Etat de décembre 1999 la Côte d’Ivoire a changé de camp. Le pays de la Paix a emboîté le pas aux pays sans foi ni loi, aux prises avec des rebellions. Le pseudo Nationalisme Africain a un prix, demandez aux Guinéens, si entre 1958 et 2010 leur pays est devenu un paradis.
A ceux qui, du confort de leur vie parisienne, soutiennent la lutte contre la « Françafrique », avez-vous des parents en Côte d’Ivoire ? Connaissez-vous la guerre civile ? Demandez aux Rwandais qui ont perdu pères, mères, enfants, frères, soeurs, parce qu’ils avaient le mauvais faciès.
Je n’ai pas entendu les voix africaines s’élever ! Je n’y arrive plus... Je dois parler, car les guerres fratricides laissent des cicatrices indélébiles dans l’unité d’une Nation. Cherchez-vous une autre cause ! Il y a déjà eu 6.000.000 de morts en RDC et personne ne crie au scandale ?
Chaque jour je lis avec plus de vague à l’âme les billets de Venance KONAN [écrivain de Côte d’Ivoire ] qui me semble bien seul à comprendre les vrais enjeux de la situation. Le pays est au bord du gouffre. Je ne me perdrais pas en conjectures ni en analyses diverses ; d’autres l’ont fait et le font mieux que moi.
Simone, Maimouna, Yamousso, Diami, Leyla, Kady, Flore, Eliane, Melly, Bea, Nathalie, Dodo, Aissatou, Donna, Ngoto, Rachel, Tina... mes soeurs, mes amies, qui chaque jour avez à subir l’inconnu. Si je n’y arrive plus c’est parce que je pense à vous coincées au milieu de cette Histoire sans fin
Nabou Fall
– Directrice de Société au Congo
– (lettre arrivée à La Mée par Internet)
Lire ici : http://mampouya.over-blog.com/article-cote-d-ivoire-je-n-y-arrive-plus-64792437.html