Ecrit le 10 décembre 2003
débat sur l’école de demain
Fallait-il aborder la situation actuelle de l’école,
ou tenter de définir l’école que nous voulons ?
En d’autres termes, fallait-il parler des sujets qui fâchent
(classes qui ferment, incivilités)
ou dépasser le présent pour envisager l’avenir ?
110 personnes se sont déplacées au théâtre de Verre ce mercredi 3 décembre 2003 à l’invitation du Sous-préfet. (qui a su se présenter avec modestie). Beaucoup de « responsables » : élus, chefs d’établissements. Des enseignants. Des responsables associatifs. Quelques parents d’élèves (pratiquement pas de jeunes parents). Pas de jeunes non plus. L’un des 15 000 débats organisés dans les arrondissements et établissements scolaires, dont on pourra retrouver les contributions sur internet :
http://www.debatnational.education.fr
Christian Bouvet, Inspecteur pédagogique Régional a mené les débats en toute neutralité. Des micros, que passaient prestement quatre jeunes filles, étaient à la disposition des intervenants.
Quelques constats ont été donnés au départ : l’importance du chômage des jeunes. Le fait que 22 % des 25-34 ans sont sans diplôme. Le fait que 90 % des fils de cadres entrent en seconde (42 % des fils d’ouvriers) : les inégalités se sont réduites mais sont encore très dépendantes des catégories socio-professionnelles.
Alors quelles doivent être les principales missions de l’école ? On a peu parlé de l’enseignement des « fondamentaux » : lire, écrire, compter, parce que, semble-t-il, cela va de soi. Un responsable d’association de réinsertion a cependant évoqué le développement de l’illettrisme. Reste à savoir si c’est l’illettrisme qui provoque l’exclusion, ou l’exclusion qui entraîne l’illettrisme, ou tout simplement le manque de pratique ? (On désapprend à lire comme on désapprend à monter sur un vélo : parce qu’on n’a plus l’occasion d’en faire). Reste à savoir aussi à quoi on donne de l’importance : nombre de jeunes maintenant ont une orthographe déplorable mais manient avec facilité un langage informatique que d’autres qualifient de « barbare ». Un petit exemple : (#DATE(#DATE (#DATE mais qui fait fonctionner les ordinateurs.
Le rôle de l’école
" L’école doit ouvrir les esprits, apporter les outils nécessaires pour comprendre le monde, apprendre aux jeunes à vivre en société.
L’école doit apporter un esprit critique, ouvert sur tout ce qui se passe.
Elle doit adapter les futurs citoyens à comprendre les règles de la vie en société. Mais on n’est pas obligé d’accepter la société telle qu’elle est. « Plusieurs intervenants ont signalé que » si on ne privilégiait pas le capital, l’école serait différente, car l’école est le reflet de la vie en société « » L’école enfourne les connaissances sans donner le temps d’apprendre à apprendre « . » Importance de l’éducation civique : les jeunes, quand on discute avec eux, sont très sensibles à la loi, aux droits, aux devoirs, aux inégalités, aux injustices. Mais quand ils sont lâchés sur la cour de récréation, leurs comportements contredisent leurs propos. L’éducation civique doit se faire en interdisciplinarité. Il faut faire réfléchir les jeunes sur ce qu’ils sont et sur la société où ils vivent, pour leur permettre d’agir sur cette société ".
Réussir ?
Le débat n’est heureusement pas tombé dans « c’est la faute aux enseignants » ou « c’est la faute aux parents ». Un parent d’élève a regretté que les enseignants aient perdu « leur aura » et demandé que les parents incitent les enfants à prendre modèle sur les enseignants. Quelqu’un a répliqué que l’enseignant doit être « un exemple, mais pas un modèle ».
Des intervenants se sont interrogés :
– Qu’est-ce que réussir à l’école ? avoir de bonnes notes ? mettre au point son projet ? être bien dans sa peau ?
– Qu’est-ce que la réussite sociale ? Avoir un diplôme ? un métier bien payé ? un rôle reconnu dans la société ?
Alors la question « comment aider les enfants à réussir à l’école » n’a plus de sens. La question du « comment » ne se pose pas, tant qu’on ne définit pas « la réussite ». La question du « comment » ne devrait pas non plus se poser en termes de « méthodes » à appliquer uniformément.
« L’école doit être un projet collectif. Apprendre à vivre ensemble, à construire sa personne dans la rencontre avec les autres » - « Il faut inviter les parents à s’investir dans l’école pour que celle-ci soit leur école, ce qu’ils veulent pour leurs enfants ». Mais jusqu’où faut-il aller ? Le rôle des collectivités locales a été souligné (bibliothèques municipales, école de musique, équipements multimédias que les parents n’ont pas les moyens d’avoir). On a beaucoup parlé des associations comme l’Amicale laïque (on aurait pu citer l’association Rencontres ) qui interviennent à côté de l’école. Des participants ont proposé l’intervention de bénévoles dans l’école, ce qui a fait réagir un instituteur regrettant que l’éducation nationale ait mis fin aux « aides éducateurs » (emplois-jeunes) dont l’action a été une vraie réussite éducative et sociale.
Vie active
Comment l’école doit-elle préparer à la vie active ? Le terme « vie active » a été contesté. Ceux qui n’ont pas une vie professionnelle sont-ils moins « actifs » ? L’école doit-elle préparer certains à être ouvriers et d’autres à être cadres ?
Il a été beaucoup question de l’insertion professionnelle et de la méconnaissance de l’entreprise. « Mais oui, les jeunes connaissent l’entreprise ! Elle n’a pas une bonne image. Ils voient bien les conditions de travail de leurs parents, la flexibilité accrue, les salaires souvent dérisoires, la non-reconnaissance des diplômes. Pour leur part, dès l’âge du lycée, ils connaissent les CDD, les petits boulots. Ils voient leurs aînés obligés d’accepter un emploi à la caisse d’un grand magasin avec un BTS en poche. L’entreprise fait peur ».
La question de l’effort, sujet battu et rebattu, s’est posée alors : « Est-ce que le goût de l’effort est encore présent ? ». Un intervenant a signalé que les jeunes ont 30-35 heures de cours par semaine, qu’ils ont encore du travail à faire le soir, et le week-end. (Pendant que les parents regardent la télé ou ont envie de sortir)
On le voit les sujets abordés ont été multiples. Certains ont demandé sur « si les dés sont pipés » ou ont trouvé que « ce débat est du pipeau » - « Pourquoi avez-vous changé l’intitulé des questions ? » .
Un échange assez vif a eu lieu entre une dame disant que « avec 35 heures les ouvriers auraient bien le temps de s’occuper de leurs enfants » et une autre dame expliquant que « les 35 heures sont loin d’être appliquées et que les horaires flexibles désorganisent tout ».
Un intervenant a signalé deux livres :
« Le MEDEF : un projet de société » , par Voltairine De Cleyre et Thierry Renon (4,50 € Ed. Syllepse)
et « OMC : le pouvoir invisible » par Agnès Bertrand et Laurence Kalafatidès (20 € Ed. Fayard)
D’autres réunions auront lieu.
Ecrit le 25 avril 2005 :
Fillon en échec scolaire
Le Conseil Constitutionnel a, le 22 avril 2005, recalé deux aspects de la loi Fillon. Contestée par les syndicats d’enseignants, rejetée par une partie des lycéens, critiquée par la plupart des experts, la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école a été amputée, par la décision du Conseil constitutionnel, d’une partie symbolique importante, plus pour des questions de forme que des questions de fond.
François Fillon a décidé de laisser tomber la loi et de passer par la voie réglementaire.
Il n’empêche que sa crédibilité politique est affectée et que, déjà critiqué en tant que ministre des affaires sociales, il n’arrange pas son cas en tant que ministre de l’Education Nationale. décidément, c’est l’ensemble du gouvernement, usé, qui devra, être remanié après le referendum du 29 mai .