Ecrit le 10 septembre 2014.
Des portes pesant quatre tonnes
950 rabots et 1000 outils
Bisaiguë et piochon
Haches et doloires
Pouvait-on croire qu’il y a tant de sortes de haches ? En voici quelques unes, que M. Genoist connaît bien car, dit-il « la hache est un outil très précieux pour le charpentier qui l’utilisait pour façonner le poteau-tourillon, et ajuster les portes des écluses. J’ai même réalisé des charpentes avec une hache à blanchir à un seul biseau qui, en raison de la faible épaisseur du fer, permettait de faire des copeaux très fins ».
La hache du charpentier est particulière avec tranchant simple ou double, aiguisé comme une lame de rasoir. Aucune ressemblance avec nos petites haches de bricoleur. Pas de risque de tendinite : le poids du fer assure le tranchant. « Nous faisions le manche dans du saule jaune très souple et tendre ». Le musée de M. Genoist comporte également des haches de pierre, de bronze, de fer. Certaines ont plus de trente siècles !
La hache à équarrir (qu’on appelle aussi : hache à blanchir) permet de transformer un tronc d’arbre (quasi cylindrique) en madrier à surfaces plates et perpendiculaires entre elles.
Le doloire s’appelle encore ’’épaule de mouton’. C’est une lourde cognée à large lame plane destinée à ’’doler’’ (aplanir) une pièce de bois ou à ’’tailler des douves’’ pour faire des tonneaux.
L’herminette est une sorte de hache dont le plan du tranchant est perpendiculaire au manche, [alors que le plan du tranchant de la hache est dans le même plan que le manche]. Elle sert au dégrossissage des ouvrages sculptés, au dressage de la face supérieure des poutres posées au sol, au façonnage de formes galbées et au creusage. L’herminette du couvreur porte le nom de ’’essette’’. Dans le Massif Central les ouvriers creusaient des chéneaux en utlisant une herminette à gouge.
La hache à égobeler est utilisée pour parer la souche d’un arbre que l’on va abattre en ôtant les racines, l’écorce, les autres aspérités qui pourraient gêner l’abattage.
Varlope et Verdondaine
Des rabots, Claude Genoist en a beaucoup, avec des noms qui chantent, et il sait raconter leur histoire et leur utilisation.
- - La varlope est le plus grand rabot, il est utilisé pour ’’dresser’’ de grandes surfaces. On tape avec un maillet léger sur le nez pour enlever du fer et, pour le sortir, on tape sur la tête du fer, afin qu’il dépasse légèrement la semelle. Tout cela se fait en général en bornoyant le long de la semelle du rabot pour s’assurer que le « filet noir » de la lame est le plus fin possible. [Bornoyer c’est viser d’un Å“il en fermant l’autre).
- - le Stockholm est un rabot rond et cintré, muni d’une poignée. Il sert à arrondir la surface interne des douelles des barriques avant la mise en place du fond.
- - le verdondaine (ou jabloir) sert à tracer les rainures (appelées « jables ») destinées à maintenir les fonds des tonneaux en les y insérant. c’est une sorte de trusquin à dents dont l’une trace, la seconde creuse et dont la dernière dégorge.
- - Le rabot à recaler est un petit rabot (rabot de paume) pour tous les petits travaux d’ajustage et de finition.
- - Le feuilleret sert à faire des feuillures (pour les fenêtres ou les portes). Le rabot noisette fignole la caisse des violons
- - et puis il y a le rabot cintré, le tarabiscot, le guillaume à élégir, la colombe, le rabot à corne, le rabot à targes (pour faire les boites de fromage !), le barbotin, le bouvet à embrever, le wastringue, le rabot à barreaux, le rabot à navette, le rabot à larmier. Le gorget fait des gorges, la mouchette fait une petite moulure en demi-ronde, la varlope de tête, cintrée, rabote les têtes de bariques. Il y a même un rabot pour greffer des arbres ! Et la doucine pour faire des moulures concaves.
- - Il y a des rabots spéciaux pour faire des moutons, des gueules de loup ou des noix ! Le rabot à dents est utilisé pour strier la surface lors des collages de placages à la colle animale (colle de nerf et os par exemple). On n’en finit pas d’admirer l’ingéniosité de nos ancêtres, l’adaptation des outils aux usages quotidiens.
Savez-vous que la forme de l’herminette et la longueur de la bisaiguë étaient adaptées à la taille du compagnon ? Et que le manche de l’herminette, cintré, diminuait les vibrations de même qu’un chiffon entourant la tête du manche ? Ce sont des détails améliorant les conditions de travail, découverts par l’expérience et transmis de compagnon à compagnon.
1 : compas à poupées
2 : compas à pointes sèches
Marquage et filets
Le charpentier utilise « un alphabet » pour reconnaître chaque pièce et l’orienter. On dit qu’il y a 2500 ans, quand Salomon fit construire son temple, il embaucha beaucoup d’étrangers. Le roi Salomon leur aurait donné un système de signes applicables à la construction, leur permettant de se comprendre sur le chantier sans recours à un langage articulé. La rainette de charpentier sert à marquer les pièces d’une charpente en utilisant cet ’’alphabet de Salomon’’.
Le trusquin (autrefois apporté des Indes par les Portugais) sert à marquer et effectuer des traçages, parallèles au chant d’une planche. C’est l’outil emblématique des menuisiers. Il y en a de très beaux, en palissandre ou bois de rose, avec pointes en laiton. Le trusquin à filets, par exemple, permet de marquer et creuser la fine gorge qui recevra les filets en bordure d’une table ou un dos de violon.
Le compas de tonnelier, rond au sommet, sert aussi bien à tracer des cercles qu’Ã prendre des mesures.
Le compas peut lui aussi porter des noms poétiques ou évocateurs. Par exemple, le compas à verge est muni de deux ’’poupées’’ : une avec une pointe en acier et l’autre avec une pointe graphite. Le ’’maître à danser’’ est un compas pour mesurer un diamètre extérieur ou intérieur.
La meule portable, datée 1292
Claude Genoist a eu plaisir à rassembler tous ces outils, à en polir le bois, à en aiguiser le fer, à en raconter l’histoire, à remonter le temps aussi, en montrant cette meule de 1292 que les artisans portaient sur le dos en parcourant la France à la recherche du travail. Il peut montrer aussi un tour à pédale, du XIIIe siècle, et un ’’tour à la perche et à l’arc’’ du XVe siècle, le tout démontable (60 chevilles de bois).
Claude et Nicole Genoist ont de nombreuses histoires à raconter, comme cette fois où le jeune charpentier, en train de mesurer une entretoise, est tombé au fond du canal. Son patron l’a rattrapé avec un croc ! Claude Genoist vous montrera aussi sa ’’demoiselle’’ (banc de travail) et la façon de faire une cheville de bois avec la bisaiguë . On passerait des heures, des jours à l’écouter, en espérant que ce savoir-faire ne se perdra pas !
Cl. Genoist, musée du rabot : 02 40 79 17 12