Ecrit le 08 avril 2015
Très intéressante soirée, ce 27 mars 2015 à l’invitation des Potes des Sept Lieux à Lusanger, autour des drogues. L’association Le Triangle, de Nantes, est venue présenter son action.
Elle comporte deux services, le CSAPA et le CAARUD. Le premier est le Centre de Soins, d’Accompagnement et de prévention en Addictologie, le second est Centre d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques pour Usagers de Drogues. Derrière ces sigles barbares, on a pu découvrir une institution très humaine, s’intéressant plus aux jeunes qu’aux drogues.
Qu’est-ce qui pousse à consommer ? Il y a trois choses :
– la personne elle-même
– le contexte (la famille, l’école, le quartier, les amis ...)
– le produit (alcool, tabac, cannabis,
cocaïne, etc)
’’L’important n’est pas le produit, ce qui compte c’est le contexte, l’usage que l’on fait du produit. Par exemple ce n’est pas la même chose de fumer du cannabis pour faire la fête avec d’autres et de fumer du cannabis seul dans sa chambre’’ a dit Mme Carole Chaieb.
Le Triangle, à Nantes, est un lieu ouvert aux jeunes et aux familles. L’association distingue cinq catégories :
- - l’abstinence
- - l’usage occasionnel
- - l’usage à risque (même s’il est occasionnel)
- - l’abus (le produit prend de plus en plus de place)
- - la dépendance.
La dépendance au tabac se fait en un mois. Pour l’alcool, cela peut mettre 10 ans : dix ans pour devenir dépendant, dix ans de galère, dix ans pour s’en débarrasser ! La dépendance peut être physique, mais aussi psychologique (l’entourage, le stress) c’est celle-ci la plus difficile. Elle exige un long travail sur soi-même. La cocaïne, elle, ne crée pas de dépendance physique, mais la dépendance psychique est si forte que l’usage de ce produit est très dangereux. Mme Chaieb a cité le cas d’une jeune fille, d’une ’’bonne famille’’ de la région, mais très seule, qui n’avait un réseau d’amis que parce qu’elle leur fournissait de la cocaïne. Sans ce produit, elle n’avait plus d’amis !
’’Nous ne donnons pas d’indications sur les drogues, nous ne faisons pas de ’’morale’’. L’objectif n’est pas d’arrêter de se droguer. L’objectif est d’améliorer la situation à la maison, de finir une formation, de retrouver les amis. Et c’est cela qui entraîne l’arrêt de la drogue’’. Un retraité, présent à la réunion de Lusanger, a raconté comment, lui, jeune apprenti du bâtiment, il était tombé dans l’alcool parce qu’il fallait boire pour être un homme. ’’J’ai cessé du jour au lendemain quand j’ai compris que je faisais le malheur de ma fille’’ a-t-il dit avec beaucoup d’émotion.
L’adolescence est une période de grands changements : perte de confiance en soi, recherche d’une nouvelle image, hyper-sensibilité, hyperémotivité, déprime. Les filles en parlent, les garçons consomment des drogues, qui au début, aident à la détente. L’adolescence correspond au besoin, chez les jeunes, de se détacher des adultes, voire de rejeter les valeurs qui leur ont été inculquées. Besoin de construire son identité, de faire des choix de vie. ’’Mais ne vous en faites pas, les valeurs inculquées demeurent !’’ a dit Mme Chaieb.
L’adolescent passe alors par plusieurs phases :
– il veut expérimenter par lui-même
– il veut s’exprimer par lui-même, quitte à être dans la confrontation avec les parents, avec l’école.
– il a besoin de se séparer de la famille, de savoir jusqu’où il peut aller, de se confronter aux limites, les siennes et celle de l’entourage. En ce sens, la société actuelle favorise ce jeu dangereux : en témoignent les sports extrêmes, les manèges de plus en plus risqués dans les foires, et toutes les émissions de télé-réalité (la dernière émission, ’’Dropped’’, a fait dix morts dont la célèbre navigatrice Florence Arthaud). Il y a un mois, une jeune collégienne, candidate du jeu El Ultimo Pasarejo (Le dernier passager), au pérou, a été contrainte, dans le cadre de l’émission, de manger des cafards vivants. Cette épreuve devait permettre à la jeune fille de rapporter des points à son équipe.
Quand la drogue devient un moyen pour se détendre, pour être moins timide, pour mieux dormir, pour tenir face à la pression ça devient dangereux. Quand la drogue est un moyen pour oublier, pour faire le vide, alors le risque de dépendance devient très fort, surtout s’il entraîne un besoin d’argent pour acheter cette drogue. Cercle vicieux.
Mais ne nous y trompons pas : la drogue ce n’est pas seulement l’alcool, le tabac, le cannabis. Cela peut être le sport aussi (aller au-delà de ses limites), ou les jeux vidéos, ou les jeux de hasard, ou le travail !
Le Triangle, à Nantes, est un lieu ouvert, libre d’accès, sans rendez-vous : les jeunes filles viennent y consulter pour leurs grands frères, ou lorsqu’elles s’inquiètent pour des camarades. Les garçons viennent se renseigner, surtout quand ils constatent des changements importants chez un de leurs amis. ’’Les jeunes sont très solidaires, très attentifs à la consommation des autres’’.
Les parents viennent aussi, ’’il faudrait qu’ils viennent plus vite’’ dit Mme Chaieb pour qui la drogue est un révélateur. ’’un fils peut fumer du cannabis, parce que le père est alcoolique. Le père s’inquiète alors. Ce peut être une réflexion salutaire pour les deux’’. ’’L’addiction est une pathologie du lien : pas assez de liens familiaux ou trop !’’. Il est important de dire à un jeune qu’on s’inquiète pour lui même si le jeune nous envoie balader !
Après les premiers contacts, les jeunes qui le désirent sont suivis plus longtemps. La rencontre se fait, si nécessaire, de façon informelle, dans une salle du lycée, dans un café, dans un centre social ’’Le Triangle peut même se déplacer dans les quartiers de Nantes. Un camion ou une caravane, quelques fauteuils, un café et ça discute. Les jeunes viennent. Nous ne leur parlons pas des drogues, nous parlons de leurs activités, de leur vie scolaire, d’eux-mêmes’’.
Le Triangle fait aussi des formations, à la demande, auprès des personnels des établissements scolaires (enseignants et non enseignants) pour les aider à repérer les situations de mal-être pouvant conduire à des souffrances psychiques importantes ou à des conduites à risque. Pour aider les jeunes à connaître leurs émotions, à savoir les gérer. C’est gratuit. Mais il n’y a aucune demande de la part des établissements de Châteaubriant-Derval-Nozay. La santé mentale des adolescents est aussi importante que l’apprentissage du calcul et de la grammaire !
L’association ’’Sparadrap’’ vient d’éditer le guide « Et toi, comment tu vas ? Pour ne pas rester seul(e) avec tes problèmes ». Le suicide est la deuxième cause de mortalité des 15-24 ans. Le guide veut encourager les jeunes à exprimer leur mal-être ou leurs difficultés ponctuelles, les informer sur les différentes ressources à leur disposition, à savoir comment réagir lorsqu’un camarade ne va pas bien, même s’ils ne sont pas eux-mêmes concernés. Les jeunes peuvent consulter gratuitement ce guide.
L’association Le Triangle tient des permanences régulières à Châteaubriant, tous les jeudis, malheureusement ce n’est que sur rendez-vous ce qui freine l’accès des jeunes, mais c’est mieux que rien (02 40 81 52 40). Ah, si seulement nous avions à Châteaubriant un vrai Centre Social, un lieu de rencontres ouvert à tous !