Écrit le 2 décembre 2015
Le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire du 24 novembre 2015 vient de publier une réflexion sur les évolutions liées au climat, observées et à venir en France, et les défis à relever par l’épidémiologie et la santé publique dans les prochaines années.
Le changement climatique se traduit en premier lieu par un réchauffement : la température moyenne du globe a déjà augmenté de 0,85°C entre 1880 et 2012. La France se situe dans la moyenne.
Avec le changement climatique, les sociétés font face à des modifications rapides des paramètres physico-chimiques façonnant leur environnement. Ces changements surviennent en même temps que d’autres altérations profondes de l’environnement, perte de biodiversité, déforestation, érosion des sols ou encore acidification des océans.
En parallèle, l’augmentation et le vieillissement de la population, tout comme le développement de l’urbanisation, accroissent la vulnérabilité à divers risques environnementaux et sanitaires. Une chaîne complexe d’interactions se met ainsi en place, impactant la santé et le bien-être des populations, via par exemple des événements climatiques extrêmes ou des difficultés d’accès aux ressources. [Source : https://huit.re/Kjem3SEq]
Si de nombreuses questions restent ouvertes, il existe désormais un consensus sur l’importance des liens entre changement climatique et santé, qui se décline en trois points :
1) le changement climatique a déjà des impacts sur la santé.
2) l’adaptation et l’atténuation sont indispensables pour réduire ces impacts,
3) l’adaptation et l’atténuation peuvent s’appuyer dès maintenant sur des mesures qui seront bénéfiques à la fois pour la santé et le climat.
Des impacts sur la santé
La chaleur est un risque sanitaire immédiat à envisager. Près des trois-quarts des jours chauds observés depuis 1850 sont attribuables au changement climatique. Rappelons que les canicules de 2003 puis de 2006 et 2015 ont causé respectivement 15 000, 2 000 et 3 300 décès en excès en quelques jours en France.
Le changement climatique influence déjà les systèmes naturels sur l’ensemble du globe : évolution de l’aire de répartition de nombreuses espèces, modifications des activités saisonnières, mouvements migratoires, modifications des interactions interspécifiques. Les systèmes hydrologiques et les ressources en eau ainsi que la production alimentaire sont aussi négativement impactées dans de nombreuses régions du monde, causant des difficultés d’accès à ces ressources fondamentales.
Ces changements auront des répercussions sanitaires, par exemple une modification des allergies en fonction de l’évolution des peuplements végétaux, l’extension des vecteurs de maladies tropicales (par exemple les moustiques vecteurs de la dengue et du chikungunya) ou d’espèces animales ou végétales à risque pour la santé (ambroisie, chenilles processionnaires du pin, cyanobactéries, algues sargasses aux Antilles).
Par exemple, une étude récente sur l’ambroisie en Europe a permis d’estimer que les concentrations dans l’air du pollen de l’ambroisie à feuille d’armoise pourraient quadrupler en 2050, le changement climatique expliquant les deux tiers de cette augmentation. Le tiers restant serait dû à la colonisation de la plante, favorisée par l’eau de ruissellement et les cours d’eau, ou le transport routier, les voies ferrées et les pratiques agricoles. Il reste à estimer les conséquences sur la santé respiratoire. La plante a fait son apparition en France en 1880 (4 départements touchés). En 2007, il y avait 51 départements touchés dont la Loire-Atlantique. (http://www.ambroisie.info)
La température a également des impacts sur la mortalité en dehors des canicules. Une étude internationale a estimé que 7,7% de la mortalité annuelle était attribuable à la température, effet du chaud et du froid cumulé : 11% en Italie, 9% au Royaume-Uni. Des travaux semblent indiquer que la variabilité au jour le jour compte. C’est ce que dit le bon sens populaire : ’’on n’a pas le temps de s’adapter’’. De nombreux autres sujets concrets sont à explorer, comme l’impact de la température sur la santé des travailleurs.
Climat et inégalités
Au-delà des mesures prises lors des épisodes de chaleur extrême, l’adaptation à la chaleur nécessite de repenser l’habitat et la ville pour limiter le phénomène d’îlot de chaleur urbain, qui contribue fortement à la mortalité lors des épisodes extrêmes. Ceci invite à s’interroger sur les inégalités sociales, les relations entre qualité de vie et santé en ville. Comment éviter que l’adaptation de la ville à la chaleur conduise à un accroissement des inégalités ? Par exemple, les systèmes de climatisation avec rejet de chaleur dans l’air entraînent une augmentation notable de la température extérieure, et donc de l’exposition des personnes du voisinage ne pouvant s’offrir ces systèmes.
A l’inverse, les nouveaux bâtiments et quartiers peuvent être conçus de manière à limiter leur consommation énergétique, tout en maintenant un environnement intérieur sain, en limitant l’exposition à la chaleur et en facilitant les contacts sociaux favorables à la protection des personnes vulnérables.
Les pays anglo-saxons s’intéressent ainsi au rôle des espaces verts pour réduire l’îlot de chaleur urbain, et donc mieux adapter la ville à la chaleur, tout en améliorant la santé et en réduisant les inégalités sociales de santé. Ainsi, une étude a montré au Royaume-Uni que les écarts de mortalité selon le revenu diminuaient lorsque les populations avaient davantage accès à des espaces verts.
Des décisions simples
En limitant l’usage des véhicules individuels et en privilégiant les transports actifs (transports en commun, marche, vélo), chacun peut améliorer sa santé via une plus grande activité physique tout en contribuant à réduire les GES (gaz à effet de serre). Par exemple, à Londres, en 2030, on estime que le remplacement des trajets en voiture par des transports actifs pourrait faire gagner chaque année 7332 années de vie sans incapacité, réparties sur l’ensemble de la population londonienne. Une autre étude anglaise a estimé que l’adoption, par l’ensemble de la population, d’un régime avec une consommation réduite de viande permettrait une baisse des GES de l’ordre de 17% et pourrait augmenter l’espérance de vie moyenne de 8 mois dans les 30 prochaines années.