Ecrit le 15 juin 2016
Allant à Paris jeudi 26 mai, je me suis rendue place de la Nation voir ce qui s’y passait, vers 16 h 30, une manifestation anti « loi Travail » était annoncée.
Ce que j’y ai vu : Tranquillement étaient attablés des Parisiens lambdas à la terrasse d’un café, jouant les spectateurs. A quelques mètres des manifestants, 100 à 200, et des forces de l’ordre aussi nombreuses se faisaient face. Lorsque les manifestants narguaient ou refusaient de se disperser, les spectateurs applaudissaient et lorsque les forces de l’ordre avançaient ou lançaient des bombes lacrymogènes, ces mêmes spectateurs huaient ou vociféraient contre les forces de l’ordre. Et entre les deux, ou sur les côtés, des cameramen ou photographes ou de simples bras tendus de Smartphone ou autre petite caméra enregistraient la scène. C’était surréaliste !!
Ce qui change aujourd’hui c’est « le sans gêne », l’aplomb, voire l’arrogance de tous ces gens, très nombreux, professionnels ou non, qui veulent ou espèrent immortaliser l’affrontement le plus spectaculaire pour faire le ramdam sur les chaînes de télé ou sur les réseaux sociaux, et qui n’hésitent pas à faire « front » aux forces de l’ordre, pour avoir la meilleure image.
A quelques centaines de mètres en amont est arrivé le cortège des centrales syndicales. Les syndicalistes et partisans ont défilé comme à l’accoutumée avec banderoles, camionnettes/sono et ballons identifiant le syndicat. l’ambiance et les slogans étaient « tendus » mais normaux ou habituels. Je n’ai pas vu de charge des forces de l’ordre ou de nuées de reporters en tout genre à leur encontre.
Questions : s’il n’y avait pas autant de reporters à l’affût de sensationnel, y aurait-il autant de manifestants-provocateurs-casseurs ? Y aurait-il autant de forces de l’ordre ? déjà à Nantes, j’ai constaté que peu de reporters s’intéressent aux cortèges syndicaux pacifiques ! Comme à Paris.
Cela fait 15 ans que je photographie les manifestations. Je peux comprendre que des forces de l’ordre mobilisées depuis des mois (plan Vigipirate et État d’urgence) et de plus en plus la risée de lambdas ou de reporters irrespectueux de leur fonction, se croyant tout permis, cherchant uniquement le sensationnel, en viennent à chasser tout porteur de caméra ou autre écran. Quand, au nom de la liberté d’expression, les professionnels de l’information, appuyés par tous les porteurs de smartphones dont les images se répandent sur les réseaux sociaux, ne montrent que violences, agressivités, notre démocratie est en danger. Les syndicalistes contre la loi Travail n’ont pas d’autres moyens pour se faire entendre du public et attirer l’attention des professionnels de l’information, que des actions visant à « déranger » le quotidien de vie !!
Ce « jusqu’au boutisme » de tous, nous conduit dans les bras des extrêmes. Toute cette dangerosité pour notre démocratie ! Pour quoi ? Dans un an selon le résultat des élections présidentielles cette loi sera conduite ou pas ! Le peuple aura choisi !!
Comment de simples citoyens lambdas en sont-ils arrivés à insulter les forces de l’ordre avec une agressivité verbale qui était plus l’apanage de jeunes de banlieues désocialisés que de Bobos ! J’ai même rencontré un prof de Français !! Sachant que je venais de Nantes il m’a dit défendre NDDL, alors qu’il ne connaît ni Nantes ni les lieux de l’implantation du futur aéroport ! Professeur, sécurisé dans son emploi, le développement économique pouvant profiter à des millions de sans-emploi est moins important que quelques fermes sauvées, pour lui !! Écolo, il ne connaissait pas le Lac de Grand-lieu ! ni l’implantation de l’aéroport actuel !
Notre démocratie est en danger car tout le monde s’occupe de tout, parle de tout, communique sur tous les réseaux et répand des « in-formations » qui sont des réactions intestines qui s’entretiennent, s’alimentent, se nourrissent les unes et les autres sans réflexion et en dehors de tout raisonnement. Les professionnels de l’audio-visuel formatés dans les mêmes écoles ne veulent pas être en reste et en rajoutent.
Paris, place de la Nation
Ce danger pour notre démocratie n’est-il pas dû à cette réalité : un peuple de plus en plus frustré, ne se sentant pas écouté et compris par ses dirigeants : soit politiques, soit financiers, soit médiatiques, hé oui le pouvoir médiatique audio-visuel domine ! issus des mêmes milieux sociaux et ayant partagé les mêmes bancs d’école, qui vivent sur une autre planète, hors sol, des terreaux de vie des citoyens lambdas.
Ce qui est grave c’est que la « voix du peuple » n’est plus écoutée, même quand elle s’exprime avec une majorité. Un précédent a marqué l’inconscient collectif : Lors du référendum du 29 mai 2005 les Français disent non au Traité établissant une Constitution pour l’Europe. En 2007 M. Sarkozy, élu président l’adopte contre l’avis des Français. Aujourd’hui c’est le 49-3, encore un coup de force qui fait pression sur les représentants du peuple que sont les députés. La gauche théoriquement plus proche des intérêts du peuple, fait fi de ses revendications et surtout de ses représentants. Ce que l’on peut « attendre » d’une droite en réaction à tout avancement dans l’amélioration des conditions de vie et de travail de l’ensemble des Français, et qui ne sert pas ses intérêts, on ne peut l’accepter de la Gauche !! De cette Gauche qui nous maintient dans une politique de l’argent. Le 49-3 peut être perçu comme une trahison, d’où une frustration qui entraîne un refus de tout ce qui représente l’État donc, les forces de l’ordre.
signé : Michèle Hersant
[Ndlr : on en arrive à un délitement de notre société où on ne sait même plus quelles valeurs nous avons en commun].
Ecrit le 15 juin 2016
La société du spectacle
Guy Debord est un écrivain et cinéaste français. En 1967, il publie son principal ouvrage, la « Société du spectacle » dans lequel il montre comment le consumérisme est le signe du début de la marchandisation des valeurs et que la société ne peut plus être décrite que comme une représentation. En voici des extraits qui s’appliquent à la société-spectacle mise en scène par les médias dominants et les réseaux « sociaux » :
– Le spectacle n’est pas un ensemble d’images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images.
– Notre temps... préfère l’image à la chose, la copie à l’original, la représentation à la réalité, l’apparence à l’être...
– Sous toutes ses formes particulières, information ou propagande, publicité ou consommation directe de divertissements, le spectacle constitue le modèle présent de la vie socialement dominante. Il est l’affirmation omniprésente du choix déjà fait dans la production, et sa consommation corollaire. Forme et contenu du spectacle sont identiquement la justification totale des conditions et des fins du système existant.
– Le spectacle est le soleil qui ne se couche jamais sur l’empire de la passivité moderne. Il recouvre toute la surface du monde et baigne indéfiniment dans sa propre gloire.
– La société qui repose sur l’industrie moderne n’est pas fortuitement ou superficiellement spectaculaire, elle est fondamentalement spectacliste. Dans le spectacle, image de l’économie régnante, le but n’est rien, le développement est tout. Le spectacle ne veut en venir à rien d’autre qu’Ã lui-même.
– Le spectacle soumet les hommes vivants dans la mesure où l’économie les a totalement soumis. Il est le mauvais rêve de la société moderne enchaînée, qui n’exprime finalement que son désir de dormir. Le spectacle est le gardien de ce sommeil.
– La spécialisation du pouvoir est à la racine du spectacle. Le spectacle est ainsi une activité spécialisée qui parle pour l’ensemble des autres. C’est la représentation diplomatique de la société hiérarchique devant elle-même, où toute autre parole est bannie.
Allons, réveillons-nous !