Ecrit le 15 novembre 2017
« Avant de partir à t’en aller », « pouille »-toi bien, il fait froid « Ã matin » , il va pleuvoir, tu risquerais de revenir « trempé-guené »et d’avoir mal à ton « gorget ». Je vais « crouiller » (verrouiller, de l’ancien français crouilletz, le mot est en usage dans le patois angevin) la porte pour empêcher les « meuchants » et les « pattes-croches » d’entrer « cheu nous ».
« Bedam’ ben sûrque je vas mettre un bon pouillement (des vêtements) ! J’ai pas envie de gueuroueu *(geler) . Allez, je m’nalle » .
Dans le « castelbriandais » (nous disons aujourd’hui le castelbriantais) où l’on n’a jamais parlé breton, quelques expressions de gallo** mêlées au patois ont survécu : ce petit « chinchon » ou « léchon » (bébé) veut « être à bras »(dans les bras) « Ã heure et à fois » (tout le temps) et il « méconnaît » (il se détourne des visages qu’il ne connaît pas).
L’Ernestine, la femme à Auguste, « s’est trouvée aperçue » le mois dernier qu’ « elle ne voyait pu » (qu’elle n’avait plus ses règles).
Depuis le temps qu’il travaille « en ferme », le père Roger, il en a vu naître de « biaow » p’tits viaow, qu’il a bien soignés (dont il s’est bien occupé) ; parfois les « vaques » étaient tout « alardalées » (par terre) après le « veulage », parfois même elles « renversaient leur mère » (l’expression désignait un renversement de matrice après un vêlage), l’ éteu bien content quand elles « se chomaient » (se relevaient). Il avait ben d’la misère parfois, mais il était ben plus « benaise » (heureux) qu’ « Ã c’ t’heure », le père Roger. (asteure est un emprunt au français tel que le parlait Montaigne).
* la terminaison en er des verbes à l’infinitif se prononce eu : débournicheu (se décarcasser), renverseu (vomir), chinchonneu (câliner un chinchon), sépilleu (secouer), bouineu ou bouinasseu (tourner en rond), s’ tabuteu (s’inquiéter "), fricasseu (flirter), claveu (fermer à clé), soigneu (prendre soin de) etc.
**Le gallo- ou galo - n’est ni un patois, ni un dialecte du français, mais une langue d’oil à part entière parlée en Haute-Bretagne. Le terme gallo vient du breton ( racine celtique : gall à rapprocher de celle de wallon ; le gall désignait en breton l’étranger, celui qui parle une autre langue).
DEVINETTE : qu’est-ce qu’une jointée ?
REPONSe à la DEVINETTE du dernier numéro de LA MEE : c’est la grande EDITH PIAF qui a chanté « Non, rien de rien, non, je ne regrette rien », chanson écrite par Michel Vaucaire et mise en musique par Charles Dumont (1956).
Elisabeth Catala-Blondel
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Ecrit le 22 novembre 2017
De la puce à l’éléphant
L’expression mettre la puce à l’oreille était déjà en usage au XIIIe siècle avec une signification coquine que La Fontaine reprend dans un de ses contes : « Fille qui pense à son amant absent, toute la nuit, dit-on, a la puce à l’oreille, et ne dort que fort rarement ». Avoir la puce à l’oreille, c’est « avoir des démangeaisons amou-reuses. » l’allusion coquine a disparu de l’expression dans le Dictionnaire de l’académie française de 1694 : quelqu’un qui a la puce à l’oreille n’est plus qu’une personne « bien éveillée, ou inquiète ». Aujourd’hui, cette puce est devenue l’indice, le petit détail qui éveille les soupçons sur un danger ou une affaire secrète.
Quant aux marchés aux puces qu’on appelle maintenant vide-greniers, ou brocantes, ils n’ont gardé leur nom que sous une forme abrégée : Les puces dont les plus célèbres sont celles de Saint-Ouen (2000 stands s’étendant sur sept hectares), de Vanves (400 marchands), ou de Montreuil. Leur création officielle remonte à la fin du XIXe siècle. Ils devaient leur appellation à l’évocation de la saleté due à la poussière recouvrant les objets à vendre plus qu’au pullulement de ces insectes parasites dont les piqûres provoquent d’insupportables déman-geaisons !
La puce entre aussi dans l’expression saut de puce qui signifie un tout petit saut ; au figuré, on peut dire : de saut de puce en saut de puce on finira bien par arriver à la solution du problème ! Et pourtant c’est l’animal qui peut sauter plus de 300 fois sa taille : à échelle humaine elle arriverait presque en haut de deux Tour Eiffel placées l’une sur l’autre !
La puce entre enfin -au pluriel cette fois-ci- dans une expression née en 1690 et toujours vivante aujourd’hui, synonyme de réprimander : « si tu continues, je vais te secouer les puces ! »
Quant à l’éléphant qui pèse de 5 à 7 tonnes, soit 5 à 7 milliards de fois plus qu’une puce adulte, il est aux dires d’Aristote « de tous les animaux sauvages le plus facile à apprivoiser et le plus doux ; on peut lui apprendre une foule de choses, qu’il comprend, puisqu’on l’instruit même à se prosterner devant le roi ».
Ce commentaire d’Aristote est confirmé par Pline l’ancien : « L’éléphant est celui dont l’intelligence se rapproche le plus de celle des hommes car il comprend le langage du lieu où il habite, obéit aux commandements et se souvient de ce qu’on lui a enseigné à faire ».
Effectivement, il n’oublie pas l’affront qu’il a subi et peut s’en venger longtemps après et se souvient d’une année sur l’autre des pistes qu’il doit suivre pour aller chercher sa nourriture. Si les fourmis, les abeilles, les corvidés, les cétacés ont de la mémoire, seul le nom de l’éléphant est cité dans l’expression qui signifie avoir une mémoire prodigieuse.
Enfin, l’éléphant entre dans une locution verbale bien française datant du XIXe siècle : il, ou elle, agit comme un éléphant dans un magasin de porcelaine pour dénoncer la « lourdeur » maladroite d’une personne qui se trouve dans une situation délicate et risque de faire de la « casse » si elle ne revient pas à la raison.
DEVINETTE : d’où vient l’expression « dès potron-minet (ou jacquet) » ?
REPONSe à la DEVINETTE du dernier numéro : une jointée est la quantité qui peut être contenue dans le creux formé par les paumes des deux mains placées côte à côte.
Elisabeth Catala-Blondel