Ecrit le 24 janvier 2018
L’égalité entre les femmes et les hommes passe aussi par le cœur !
La prise en charge des maladies cardio-vasculaires chez les femmes reste insuffisante, faute d’une bonne compréhension et connaissance de leurs spécificités biologiques. Pour y remédier, la fédération Française de Cardiologie développe des programmes de recherche spécifiques, uniques et innovants pour les femmes.
Le récent rapport de l’académie nationale de médecine publié en juin 2016 est clair : la recherche scientifique et la médecine ne peuvent plus ignorer les différences biologiques entre les sexes. Pourtant, les femmes sont encore largement sous-représentées : une étude datant de 2006 montre que sur 46 essais cliniques analysés ayant eu lieu en 2004, les femmes représentaient moins du quart des patients enrôlés. Et, bien que de plus en plus touchées par les maladies cardio-vasculaires, une étude de 2008 montre qu’elles ne constituent que 10 à 47 % des cohortes de 19 essais cliniques liés au cœur.
Claudine Junien, Professeure émérite de génétique à l’UVSQ et chercheure en épigénétique à l’INRA, mène un véritable combat pour inclure davantage de femmes dans la recherche et les essais cliniques : « Pendant longtemps, la recherche concernant les femmes s’est concentrée sur la »médecine bikini« , celle qui touche à la reproduction : utérus, vagin, ovaires et seins. Or, il existe de nombreuses spécificités biologiques chez la femme en dehors des organes reproducteurs ».
Car en effet, si le sexe est reconnu comme déterminant dans la prévalence, la sévérité, la symptomatologie et l’évolution de nombreuses maladies, il conditionne aussi largement la réponse aux médicaments et traitements.
Les oubliées
Alors que les maladies cardio-vasculaires représentent aujourd’hui la première cause de mortalité chez les femmes, l’accès à l’information, la prévention et la prise en charge sont autant de sujets pour lesquels elles demeurent moins favorisées en France que les hommes. Cette situation est d’autant plus alarmante que ces maladies touchent les femmes de plus en plus jeunes, avec aujourd’hui 25% d’accidents cardiaques qui surviennent avant 65 ans, contre 15% en 2002.
Pour faire face à cette urgence de santé publique et réduire les inégalités, la fédération Française de Cardiologie s’engage et soutient des projets de recherche majeurs et inédits pour mieux anticiper et soigner les maladies cardio-vasculaires des femmes. En voici trois initiés récemment.
1) Créer un score de risque pour anticiper l’accident cardiaque chez la femme
Un programme de recherche pluriannuel a été co-construit entre la fédération Française de Cardiologie et l’équipe INSERM Université Paris Sud / Institut Gustave Roussy. Il vise à évaluer le risque de développer une maladie coronaire pour les femmes en fonction de leurs antécédents de santé et de leur mode de vie. Programmé sur 4 ans et financé à 100% par la fédération Française de Cardiologie, ce projet de recherche s’appuie sur la cohorte E3N de la MGEN, qui regroupe plus de 100 000 femmes.
« Ce score de risque permettra un meilleur suivi des femmes présentant un risque élevé de développer une maladie coronaire », précise le Pr Claire Mounier-Vehier, présidente de la fédération Française de Cardiologie. « Il est très important pour les professionnels de santé d’avoir les moyens de déterminer le risque individuel d’un patient. Cela permet de mettre en place sans tarder un traitement préventif ou thérapeutique. La prévention et le suivi rendus possibles grâce à ce score de risque permettront d’optimiser les dépenses de santé, en proposant une prise en charge adaptée aux personnes qui en ont réellement besoin. Aucune étude de ce type n’a jamais été menée sur une cohorte 100% féminine, c’est une première ! », ajoute-t-elle.
2) Etudier les caractéristiques de l’infarctus du myocarde chez la femme jeune.
L’étude française WAMIF (Young Women Presenting Acute Myocardial Infarction in France), soutenue par la fédération Française de Cardiologie analyse durant 18 mois les caractéristiques cliniques, morphologiques et biologiques de femmes âgées entre 18 et 50 ans qui sont admises dans 34 centres français pour un infarctus du myocarde, soit plus de 200 patientes.
Pour le Dr Stéphane Manzo-Silberman, coordonnateur de l’étude, « l’étude permettra de mieux comprendre les raisons prédisposant à la survenue d’un infarctus du myocarde chez les femmes jeunes. Nous pourrons ainsi envisager la mise au point de stratégies diagnostiques et préventives adaptées et efficaces. »
3) Explorer les liens possibles entre des déficiences cardiaques et le traitement local d’un cancer du sein.
Depuis plusieurs années les cardiologues constatent un rajeunissement de la population féminine présentant des atteintes cardiaques. Parmi elles, au-delà des facteurs de risque déjà connus et identifiés tels que le tabagisme, la sédentarité et le surpoids, certaines ont souffert d’un cancer du sein. Le projet BACCARAT soutenu par la fédération Française de Cardiologie a pour objectif de déterminer le lien éventuel entre la radiothérapie exclusive du sein et des déficiences cardiaques qui peuvent survenir jusqu’à 20 ans plus tard.
Le Professeur Jean Ferrières, cardiologue (CHU de Toulouse et INSERM UMR 1027) responsable du projet explique : « avec mon équipe, nous voulons étudier les facteurs de risque précurseurs de la survenue de maladies cardio-vasculaires chez la femme jeune. Cela nous permettra de mieux prévenir et prendre en charge les femmes qui présentent des atteintes cardiaques débutantes. »