Ecrit le 4 mai 2018
Le thème de la rue a inspiré de nombreux poètes tel YVES COSSON(1) qui écrit dans TOUJOURS MA RUE en 1954 :
Blanc sur bleu Couë ré
n’est plus qu’un nom bizarre sur une plaque
Pourtant je reviens dans ma rue.
Ai-je dit assez nos parties de bateaux
L’escadre de papier buvant la tasse
Et les digues de boue sous l’orage de juin
Crevant le long des caniveaux.
Ivresse des jours qui n’en finissaient
Pas de s’embrunir.
Avec le canif à crayons
Les derniers mohicans de la rue Tournebride
Gravaient dans les bordures bleues
Les signes cabalistiques de la vraie confrérie
Des copains
Tandis que l’aéroplane du Zoo Circus
Faisait dans l’azur blanc
Des loopings à vous tordre le cou.
Il était jaune et rouge comme un ara mécanique
Un chien perdu aboie.
La lune est morte cette nuit.
° ° °
Pic et pic et colégram
Les lilas de murailles
Se marieront avec les ramoneurs.
Dans la rue de Couë ré
Mon enfance saute à cloche-pied
La marelle des années.
Et la saison s’écaille
A l’enseigne du Lion d’Or.
Le Sabot Rouge a servi de cercueil
Aux derniers chiens errants
Que la gale dévore.
Ah ! Pic et pic et colégram
Qui me rendra ma place,
Mon marchand de plaisirs
Et ma rue Tournebride ?
Tourne la vie à bride abattue
Ma mère est morte
Et les graviers des cours lui font escorte
Entre deux pots de géraniums.
Ah ! Pic et pic et colégram
Le marchand d’âmes
Est passé.
Au cimetière de Béré
Un vieux Christ est dressé
Gentil coquelicot, mesdames.
De son côté, JACQUES CHARPENTREAU (2) écrit en 1977 un poème intitulé L’ECOLE :
Dans notre rue il y a
Des tours, des maisons par milliers,
Du béton, des blocs, des quartiers,
Et puis mon cœur, mon cœur qui bat
Tout bas
Dans mon quartier, il y a
Des boulevards, des avenues,
Des places, des ronds-points, des rues
Et puis mon cœur, mon cœur qui bat
Tout bas.
Dans notre rue, il y a
Des autos, des gens qui s’affolent,
Un grand magasin, une école,
Et puis mon cœur, mon cœur qui bat,
Tout bas.
Dans cette école il y a
Des oiseaux chantant tout le jour,
Dans les marronniers de la cour.
Mon cœur, mon cœur, mon cœur qui bat
Est là .
DEVINETTE : dans quelle rue se trouvait le commerce dont l’enseigne était « Le sabot rouge » Ã Châteaubriant ?
REPONSE A LA DEVINETTE DU DERNIER NUMERO DE LA MEE :
Les 12 travaux d’Hercule : étouffer le lion de némée, tuer l’hydre de Lerne, capturer la biche de cérynie, capturer le sanglier d’Erymanthe, nettoyer les écuries d’Augias en un jour, tuer les oiseaux du lac Stymphale, capturer le Minotaure, capturer les juments de Diomède, rapporter la ceinture de la reine des Amazones, tuer le monstre géryon, dérober les pommes d’or du jardin des Hespérides, capturer Cerbère et délivrer Thésée des Enfers .
Elisabeth Catala
La rue est aussi associée chez les poètes au thème de la rencontre, fugitive et mélancolique dans le sonnet de BAUDELAIRE intitulé A une passante , douloureuse et énigmatique dans le poème en prose de RENE CHAR intitulé Allégeance dont nous ne citerons ici qu’un extrait .
A UNE PASSANTE
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet
Agile et noble avec sa jambe de statue.
Moi je buvais, crispé comme un extravagant
Dans son Å“il, ciel livide où germe l’ouragan,
La douleur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair ...puis la nuit !- Fugitive beauté
Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l’éternité ?
Ailleurs, bien loin d’ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais !
Baudelaire, Les fleurs du mal 1855.
° ° ° °
Allégeance
Dans les rues de ma ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n’est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus ; qui au juste l’aima et l’éclaire de loin pour qu’il ne tombe pas ?
René Char, 1948 (extrait d’ Eloge d’une soupçonnée).
ROBERT DESNOS, dans un poème en forme de comptine, s’attendrit en 1942 sur le soleil de la rue de Bagnolet :
Le soleil de la rue de Bagnolet
n’est pas un soleil comme les autres.
Il se baigne dans le ruisseau,
Il se coiffe avec un seau,
Tout comme les autres,
Mais, quand il caresse mes épaules,
c’est bien lui et pas un autre,
Le soleil de Bagnolet
Qui conduit son cabriolet
Ailleurs qu’aux portes des palais.
Soleil ni beau ni laid,
Soleil tout drôle et tout content ,
Soleil d’hiver et de printemps,
Soleil de la rue de Bagnolet,
Pas comme les autres.
Robert Desnos, Etat de veille, 1942.
° ° ° °
Enfin, ROLANDE CAUSSE (3) jongle avec le nom des rues sur un rythme sautillant dans le poème A tire d’aile :
Rue de l’ Arbalète s’envole une alouette.
Rue de la Clef jacassent deux perroquets.
Rue des Eaux, assemblée de moineaux.
Rue Bleue, un rouge-queue met tout en feu.
Rue de la Chapelle, ramage d’hirondelles.
Rue de l’Echelle chantent les merles.
Rue de la Fidélité, un couple de ramiers.
Rue Brise-Miche mésange niche
Haut sur la rue de la Lune.
DEVINETTE : qui a écrit le poème intitulé Dans Paris ?
REPONSe à la DEVINETTE du dernier numéro de La Mée :
Le Sabot rouge , avec ses marches inégales, était situé dans la Grand’ Rue à Châteaubriant à une époque où le commerce était florissant au cœur de la ville.
Elisabeth Catala
La rue a aussi été chantée :
Le thème de la rue est très présent dans la chanson française : ainsi, DAMIA chante en 1941 c’est la rue de notre amour, CORA VAUCAIRE, Rue Saint-Vincent, un texte d’ARISTIDE BRUANT dont voici le premier couplet :
Elle avait sous sa toque de martre
Sur la butte Montmartre
Un p’tit air innocent
On l’appelait Rose, elle était belle,
A sentait bon la fleur nouvelle
Rue Saint-Vincent ...
Chacun des sept couplets qui suivent se termine par « Rue Saint-Vincent » (4).
Cette chanson a aussi été chantée par PATACHOU et par YVES MONTAND .
La rue Saint-Vincent est également évoquée dans la Complainte de la Butte, chanson écrite par Jean Renoir pour son film French Cancan (1955) qu’ont chantée MOULOUDJI , PATACHOU, CORA VAUCAIRE et PATRICK BRUEL :
En haut de la rue Saint-Vincent
Un poète et une inconnue
s’aimèrent l’espace d’un instant
Mais il ne l’a jamais revue ...
° ° ° °
Dans un couplet de sa chanson intitulée Dis, quand reviendras-tu ?, BARBARA évoque « les rues de Paris » :
Tu m’as dit
Cette fois c’est le dernier voyage
Pour nos cœurs déchirés c’est le dernier naufrage
Au printemps, tu verras, je serai de retour
Le printemps, c’est joli, pour se parler d’amour
Nous irons voir ensemble les jardins refleuris
Et déambulerons dans les rues de Paris.
° ° ° °
EDITH PIAF invite tout le monde à chanter dans sa longue chanson intitulée Rue aux chansons dont voici un passage repris tel un refrain tout au long du texte.
c’est la rue aux chansons
c’est la rue de la joie
où dans toutes les maisons
Sans rime ni raison,
L’on chante à pleine voix
Dès le lever du jour.
Le mot rue est présent dans un grand nombre de textes chantés par Edith Piaf , par exemple :
– Le Noë l dans la rue
– De l’autre côté de la rue
– Elle fréquentait la rue Pigalle
– Dans ma rue, dont voici les paroles :
Ce soir il y a bal dans ma rue
Jamais encore on n’avait vu
Une telle gaieté, une telle cohue
Il y a bal dans ma rue
Et dans le p’tit bistrot
où la joie coule à flot,
Sept musiciens perchés sur des tréteaux
Jouent pour les amoureux {}
LEO FERRE et de nombreux artistes , tels JULIETTE GRECO et JACQUES HIGELIN ont chanté :
T’es tout’ nue sous ton pull
Y’a la rue qu’est maboule,
Jolie môme !{}
Enfin VINCENT DELERME a repris la chanson d’YVES SIMON Rue de la Huchette dont voici un extrait :
Rue de la Huchette , y a des paumés,
des voyageurs,
Qui bouffent la moitié d’une pizza
Avant de r’partir pour ailleurs (bis).
DEVINETTE : Quel est le nom de famille de Barbara ?
REPONSe à la DEVINETTE du dernier numéro : la comptine Dans Paris a été écrite par PAUL ELUARD (de son véritable nom Eugène Grindel) :
Dans Paris il y a une rue {}
La rue renversa la ville de Paris.
Elisabeth Catala