Ecrit le 22 septembre 2004
Mais pourquoi haïssent-ils les haies ?
Le terme « Haie » vient du francique Haqja (qui a donné aussi le mot âge, pièce d’une charrue). Il désigne une clôture faite d’arbustes et d’arbres, d’épines ou de branchages. Un territoire formé de champs bordés de haies s’appelle un « bocage » .
Les haies protègent du vent : c’est pourquoi on en trouvait souvent en bordure des chemins creux de nos campagnes. Elles sont efficaces contre l’érosion et, en gardant les eaux de pluie, évitent les ruissellements qui appauvrissent les sols et provoquent la montée brutale des cours d’eau (et les inondations). On l’a bien vu depuis le remembrement de Soudan : les inondations sont plus fréquentes à Châteaubriant .
La destruction intensive du bocage a commencé il y a quarante ans : l’utilisation de grosses machines agricoles a poussé les paysans à détruire les haies, initiant une agriculture intensive productiviste et polluante : actuellement la tendance est plutôt à la reconstitution de haies (les barbelés et clôtures électriques sont moins poétiques même s’ils piquent autant ou font sursauter). Mais sans doute pas partout puisqu’il existe un problème dans la commune de Ruffigné.
Tout a commencé avec « le remembrement » de la commune. Opération complexe qui consiste à examiner le parcellaire communal, à répertorier les propriétaires, à classer les sols en fonction de leur valeur agricole, puis à proposer des échanges amiables (transferts de propriété) en vue d’améliorer la structure des exploitations agricoles, notamment en regroupant certaines parcelles et en rapprochant les terres des sièges d’exploitation. Les Communes profitent aussi des remembrements pour rapprocher des bourgs des terres susceptibles d’être transformées en lotissement dans l’avenir. C’est ce qu’a fait la commune de Ruffigné en prévoyant des réserves foncières sur 5 villages : Bourgneuf, La Guiberdais, La Haute Ville, la géraudais et La Herviais.
L’étude de remembrement a porté sur la commune de Ruffigné (3363 ha) et sur une partie de Rougé (340 ha). Si l’on excepte la partie de la forêt de Teillay -Ruffigné, le territoire étudié a été de 2374 ha, pour 4508 parcelles cadastrales, soit une superficie moyenne de 53 ares environ (5300 m2, c’est très peu).
La commune de Ruffigné (603 habitants) comporte 33 exploitations agricoles à temps-plein (soit 40 exploitants ou associés) et 20 exploitations de double-actifs ou retraités. Les terres inexploitées sont très rares.
Les chefs d’exploitation à temps plein sont assez jeunes : en 1989 les moins de 50 ans représentaient 50 % des exploitants. En 1998 ils représentent 72,5 %.
Si les parcelles de terre sont petites, les exploitations agricoles ne le sont pas : sur 33 exploitations à plein temps, 22 ont plus de 50 ha, la tendance générale étant à l’agrandissement des exploitations au dessus de 50 ha. On n’est plus au temps où les agriculteurs exploitaient quelques « journées » (6 à 10 ha).
4508 parcelles
Quelques chiffres pour donner une idée du morcellement : 33 exploitants agricoles à temps plein sur la commune de Ruffigné pour 625 propriétaires (pas tous Ruffignolais) et 4508 parcelles cadastrales .
Le remembrement de Ruffigné a fait l’objet d’un affichage en mairie du 12 avril au 7 mai 1999. Mais il n’a pas fait que des heureux puisque 165 réclamations ont été portées devant la commission départementale de remembrement. (165 propriétaires sur 625 cela fait plus du quart de la commune) et qu’une dizaine de cas ont été soumis au Tribunal en attente de jugement.
Un certain nombre d’attributions paraissent aberrantes : certains propriétaires ont des terres plus morcelées qu’avant et plus loin du siège de l’exploitation. Pour certains agriculteurs, il n’a pas été tenu compte, dans les répartitions de terres, de la nécessité de déplacer les bovins entre l’étable et le pâturage. Par ailleurs les non-agriculteurs se plaignent de n’avoir pas eu leur mot à dire. C’est pourtant l’ensemble des contribuables ruffignolais qui va payer la somme rondelette de 610 000 euros HT (soit 1000 € par habitant)
Le remembrement a provoqué des mécontentements : « on a eu l’impression que certains membres de la commission communale travaillaient pour leurs propres intérêts et que ceux de la sous-commission de remembrement ont dû ramasser ce qui restait » à en croire certaines personnes sûrement mal informées.
Quelques propriétaires ont porté l’affaire devant le Tribunal administratif mais ils ont été déboutés, non pas sur le fond, mais sur la forme : à savoir une réclamation trop tardive (4 ans après l’affichage en mairie). Les requérants s’étonnent cependant : la loi autorise une réclamation sur un délai de 5 ans. Par ailleurs le Tribunal Administratif n’a pas sanctionné le fait que l’affichage en mairie de Rougé (concerné aussi par le remembrement) a duré 14 jours au lieu de 15 (16 - 29 avril 1999)
Deux haies
Le problème est devenu plus aigu au printemps 2004, à propos de deux haies, répertoriées ZC 10 et ZT 61. D’après le plan du 17 janvier 2002, signé par le maire, ces deux haies, coloriées en vert, étaient à conserver en vertu de la loi sur l’eau.
Mais, au conseil municipal du 6 mai 2004, il a été décidé, à la majorité, que la haie ZC 10 serait détruite et que la haie ZT 61 serait émondée. Protestation d’une conseillère municipale qui cultive les champs en bordure de ces deux haies. « Je ne comprends pas pourquoi la Conseil Municipal va à l’encontre d’un plan officiel » dit Mme Sylvie Saffray (1)
Huis clos
Au Conseil Municipal du 4 août 2004, il a été à nouveau question de ces deux haies, dans le projet de les arracher toutes les deux. Mme Saffray a dû quitter la salle, ainsi que les Ruffignolais présents (1). La discussion a eu lieu à huis clos, le vote aussi. Le résultat du vote n’a pas été communiqué aux personnes qui ont été priées de sortir.
« Je ne vois pas pourquoi j’ai dû sortir » dit Mme Saffray : « ces haies ne m’appartiennent pas, elles sont communales. En tant que conseillère municipale j’ai le droit de donner mon avis ». De plus, d’après le Code des Communes, si une discussion peut avoir lieu à huis clos le vote doit toujours être public (1)
Les deux haies ont été abattues
le 15 septembre 2004.
Mais pourquoi donc la commune a-t-elle arraché ces haies ? Pour élargir les chemins ? (1) On comprend mal : au vu du plan de la commune ces chemins sont éloignés du bourg. Il est question d’un projet de lotissement, mais c’est sur un terrain déjà desservi par une route et les réseaux d’eau et d’électricité.
Pourtant, sur place, le chemin ZC 10 est devenu un vrai boulevard, avec une largeur empierrée de 8 mètres, et, en plus, 1,50 m de fossé de chaque côté, ce qui fait une largeur totale de 11 mètres. Le code rural, dans son article R 161-8, dit que : « Sauf circonstances particulières appréciées par le Conseil Municipal dans une délibération motivée, aucun chemin rural ne doit avoir une largeur de plateforme supérieure à 7 mètres, et une largeur de chaussée supérieure à 4 mètres. Des surlargeurs doivent toutefois être ménagées à intervalles plus ou moins rapprochés pour permettre le croisement de véhicules et matériels lorsque la nature du trafic le justifie ». (1)
Ici, selon Michel Saffray, « Il ne passe pas plus d’une dizaine de tracteurs par an ! ». Ici pas de décision motivée, et une largeur de plateforme trop importante en regard du Code rural.
« Dans cette affaire, nous ne comprenons pas pourquoi il semble y avoir deux poids, deux mesures. C’est pourquoi nous protestons, pas pour embêter les gens mais pour défendre à la fois nos intérêts et la qualité de l’environnement » disent Michel et Sylvie Saffray au nom d’autres protestataires.
Mais il ne fait pas bon protester dans un petit bourg. Les pressions sont fortes sur la famille et, parfois, l’insulte n’est pas loin, d’autant plus que les Conseillers Municipaux sont, pour la plupart d’entre eux, plus habitués à dire oui qu’Ã discuter ......
(1) La mairie n’a pas répondu aux questions écrites que La Mée a posées à ce sujet.
Ecrit le 24 novembre 2004 :
Soir de Conseil à Ruffigné
Dans la région de Châteaubriant, les élus municipaux n’ont pas l’habitude d’avoir des citoyens dans la salle : d’ailleurs, comment pourraient-ils y être quand la date du Conseil Municipal n’est pas connue ?
Alors, quand il arrive quelqu’un, c’est la surprise : « Que fait-elle là ? » dit une élue à son voisin, en voyant une journaliste de La Mée, « faut la virer ». Plus au courant des lois, le premier adjoint répond : « Impossible, c’est une réunion publique ».
Pourquoi Ruffigné ? Parce qu’il faut bien commencer par une commune ...Et, pur hasard, il y a ce soir-là , à Ruffigné, au Conseil Municipal du 16 novembre 2004, douze élus présents sur 15 et sept personnes dans le public. Deux d’entre elles ont d’ailleurs pu s’exprimer, sans qu’il y ait eu, officiellement, une suspension de séance.
Ce fut un long Conseil : le précédent datait du début du mois d’août. Point positif : les décisions n’étaient pas faites à l’avance, il y a eu un réel débat entre quelques conseillers municipaux. Les personnes présentes ont exprimé leur satisfaction car elles ont, ainsi, appris un certain nombre de choses.
PLU ou carte ?
Premier débat : la commune doit-elle se doter d’un PLU (plan local d’urbanisme) ou d’une carte communale ? Le moins que l’on puisse dire, est que la différence entre les deux n’est pas clairement perçue par les élus qui ne voient qu’une seule chose : l’intervention de « fonctionnaires » de la DDE (direction départementale de l’équipement) que, manifestement, ils ne portent pas dans leur cœur !
Les propos tenus par les élus font penser à une possible jacquerie. Le débat porte sur la « liberté » de construire où on veut, même sur un terrain non desservi par les réseaux et voirie. Les agents de la DDErappellent les règles d’urbanisme, et cela déplaît. Les élus refusent de voir le problème du « mitage », de la dissémination des habitations un peu partout, avec les conséquences onéreuses que l’on connaît : la nécessité de tirer des réseaux, d’étendre le ramassage scolaire et la collecte des déchets. Les élus de base ne voient que l’aspect « liberté » tout en souhaitant, un peu plus tard dans la discussion, protéger les sièges d’exploitation agricole d’une implantation de maisons trop proches. Le maire, qui devrait être plus au courant des règlements et procédures, laisse dire. Dommage.
Alors, PLU ou carte communale ? Le maire donne des références : les élus iront se renseigner dans quelques communes voisines. décision le 14 décembre. Pour nos lecteurs précisons que, en choisissant le PLU , les élus s’obligent réfléchir sur la situation présente de leur commune, et à proposer un plan de développement, en associant la population à cette réflexion. Tandis qu’une carte communale précise seulement les zones constructibles ou non et entraîne, pour la commune, l’application d’une règle de constructibilité limitée.
PVR et SPANC
PVR : la commune décide de se doter d’un système de PVR (participation pour voies et réseaux), ce qui permettra de faire payer, aux nouveaux constructeurs, une partie des frais. « Sinon c’est la commune qui paie » explique le maire. Une petite commune, sans grandes ressources, n’a pas les moyens de payer sans discernement.
SPANC : encore un sigle. Il s’agit du Service Public d’assainissement autonome non collectif. Institué par un arrêté de juin 1996, il oblige les communes à mettre en place, au plus tard le 31 décembre 2005, un contrôle des installations d’assainissement des maisons non raccordées à un réseau public. Les propriétaires doivent se mettre aux normes. Il apparaît que la Communauté de Communes du Castelbriantais va prendre en charge ce service et envoyer du personnel pour contrôler.
Histoires d’eau
Loi sur l’eau : Ruffigné, dont les deux-tiers du territoire font partie du bassin versant de la Chère, va être tenue d’adhérer au syndicat d’aménagement de la rivière.
Lagunage : la première lagune de Ruffigné est remplie de boues pour 30.9 % de sa contenance. La commune envisage l’agrandissement de l’installation et une nouvelle étude pour le plan d’épandage des boues (coût 30 à 35 000 € , avec 70 % de subventions)
Ecoles
Petite commune à 10 km de Châteaubriant, Ruffigné voit augmenter le nombre de ses jeunes enfants. Il y a quelques années, quand c’était le contraire, un système de regroupement pédagogique a été mis en place avec St Aubin-des-Châteaux. « Cela a sauvé notre école » disent des parents. Oui mais cela oblige les enfants à prendre le car pour se partager entre les deux communes. Les élus ruffignolais disent que des parents, à St Aubin, renâclent et préfèrent mettre leurs enfants dans le privé et que, pour garder ses classes, St Aubin s’apprêterait à remettre en cause le regroupement pédagogique. Cela ne fait pas trop l’affaire de Ruffigné. Mais du côté de St Aubin on dit que c’est Ruffigné qui ne veut plus du regroupement pédagogique. Pas claire, cette affaire
Autre problème scolaire : Ruffigné attend 72 enfants à la prochaine rentrée, et n’a que deux classes. Les élus ont visité plusieurs types de constructions préfabriquées. décision le 14 décembre
Agents : la commune se montre satisfaite du travail de ses agents et augmentera leur salaire de 4 %. Les tarifs de location de la salle polyvalente, de l’éclairage du terrain des sports, et des concessions au cimetière, augmenteront de 3,5 %. Enfin il est question d’installer un columbarium au cimetière pour les personnes qui choisissent l’incinération.
Lecture de courriers adressés au maire, ultimes discussions, le Conseil est fini. Aucun compte-rendu sur l’intercommunalité, ni sur le Contrat de Pays qui doit être présenté aux élus communautaires deux jours plus tard. Oubli dommageable : si les élus de base ne sont pas associés aux choix faits pour le territoire, comment pourrait-il en être autrement pour les citoyens ....
BP
Ecrit le 22 décembre 2004 :
Rectificatif : Ruffigné
Suite à l’article paru dans La Mée du 24 novembre 2004, le maire et les trois adjoints de Ruffigné ont demandé la rectification suivante :
1) L’annonce des Conseils Municipaux est toujours faite par voie de presse et affichage au panneau extérieur de la mairie. Pour le Conseil du 16 novembre 2004, le communiqué est paru le 12/11 dans l’Eclaireur et le 15/11 dans Ouest-France.
2) l’augmentation de 4% attribuée aux salariés municipaux, est une augmentation de prime, et non une augmentation de salaire.
3) En ce qui concerne l’article de La Mée du 22 septembre 2004, concernant le remembrement, et qui s’appuie sur le plan officiel, signé par le maire, la municipalité précise que ce plan est .......faux ! Le maire a signé un faux ? A l’insu de son plein gré sûrement ? Mais comment voulez-vous que les administrés s’y retrouvent !