Ecrit le 24 avril 2019
« Tous les yeux s’étaient levés vers le haut de l’église. Ce qu’ils voyaient était extraordinaire. Sur le sommet de la galerie la plus élevée, plus haut que la rosace centrale, il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons d’étincelles, une grande flamme désordonnée et furieuse dont le vent emportait par moments un lambeau dans la fumée ».
Ces mots auraient pu être écrits au soir du 15 avril 2019 alors que la cathédrale Notre-Dame était en proie aux flammes. Pourtant ces lignes ont été rédigées il y a presque deux cents ans : le drame avait été imaginé par VICTOR HUGO en 1831 dans son chef-d’œuvre Notre-Dame de Paris.
Dans les domaines de la littérature, de la peinture et du cinéma, la cathédrale a inspiré des artistes du monde entier. Avec son roman, Victor Hugo avait le premier ouvert la voie et inscrit la cathédrale dans l’imaginaire collectif : Notre-Dame est un personnage à part entière de cette œuvre de 704 pages. A l’époque, déjà , Hugo, désolé de constater les mutilations que le temps et les hommes avaient fait subir à l’édifice, souhaitait défendre le patrimoine de Notre-Dame : c’est en partie grâce à lui qu’elle a été restaurée par Viollet-le-Duc.
Nombre d’opéras, de ballets et de films ont pris ce roman de Victor Hugo pour sujet, le destin de Quasimodo, de Frollo et d’Esmeralda en particulier : en 1923, Wallace Worsley en a fait un film, en 1996, les studios de Disney, un dessin animé et en 1998, Luc Plamondon, une comédie musicale, pour ne citer que ces exemples.
Les poètes Nerval, Gautier et Aragon ont chanté la gloire de la cathédrale. En 1832 dans une de ses Odelettes, intitulée Notre-Dame de Paris, gérard de Nerval écrit :
Notre-Dame est bien vieille : on la verra peut-être
Enterrer cependant Paris qu’elle a vu naître,
Mais dans quelque mille ans {}
Bien des hommes, de tous les pays de la terre
Viendront pour contempler cette ruine austère,
Rêveurs, et relisant le livre de Victor :
Alors, ils croiront voir la vieille basilique
Toute ainsi qu’elle était, puissante et magnifique,
Se lever devant eux comme l’ombre d’un mort !
Voici un court extrait de Notre-Dame de Théophile Gautier :
La vieille église attache une gloire mystique
Faite avec les splendeurs du soir ;
Les roses des vitraux, en rouges étincelles
S’écaillent brusquement, et comme des prunelles,
s’ouvrent toutes rondes pour voir.
Les écrivains catholiques tels Claudel - qui a embrassé la foi dans sa nef - et péguy lui ont consacré de nombreuses pages. De son côté, Aragon en a fait un symbole de la résistance et de la résilience de la Ville Lumière face aux tragédies, en particulier à la guerre.
La cathédrale a également inspiré de nombreux peintres : on l’aperçoit en arrière-plan de La Liberté guidant le peuple de Delacroix (1830). Signac ainsi que Marquet, Buffet, Hopper, Chagall et Picasso, chacun dans le style qui lui est propre, lui ont eux aussi rendu de beaux hommages.
Au XIX e siècle, une gravure de Tallandier a illustré le mariage de Henri de Navarre, le futur Henri IV, avec Marguerite de Valois, la Reine Margot, qui avait été célébré à Notre-Dame en 1572. Et un immense tableau peint par David en 1808 a immortalisé le sacre et le couronnement de Napoléon 1er, qui s’étaient déroulés dans la cathédrale en présence du pape Pie VII en 1804.
Enfin, ce sont non des tableaux mais des photos qui ont illustré un autre fait historique marquant qui s’est produit à Notre-Dame : la Libération de Paris. Elle avait pris naissance à deux pas du parvis le 25 août 1944 et a trouvé son apothéose le 26 août dans la cathédrale au moment où un Te Deum et La Marseillaise ont été interprétés « pleins jeux » sur les grandes orgues en présence du général de Gaulle, entouré de représentants de la France libre et de la Résistance.
Elisabeth Catala
Quasimodo : dans le roman de Victor Hugo, le jeune garçon de 4 ans est abandonné par ses parents à cause de ses difformités physiques. Il est recueilli par un prêtre et devient le sonneur des cloches de la cathédrale Notre-Dame de Paris (ce qui le rend sourd). Il s’aventure peu au-dehors à cause de son apparence : la foule n’apprécie pas la vue de ce bossu borgne et boiteux. Il tombe amoureux de la belle gitane Esmeralda ,,,
Le 15 avril 2019, l’architecte et illustratrice, Cristina Correa, 38 ans, qui vit à Guayaquil, dans le sud-ouest de l’Equateur a réussi à retranscrire la douleur ressentie devant les flammes qui s’attaquaient inexorablement à ce joyau de l’art gothique, en montrant Quasimodo en larmes (voir ci-dessus),
Notre Dame
« Les flammes ont avalé la charpente multiséculaire et fait lever notre chagrin. Cependant, nombreux sont les pays qui voient disparaître leurs paysages et leurs grandioses réalisations. Ce n’est pas de cela qu’un pays meurt. Une nation s’effondre lorsque l’amour et les valeurs d’humanité se consument dans les poitrines. Lorsque des milliers d’individus ne croient plus à leur propre grandeur et s’en remettent à des idéologies mortifères. Lorsque des gens massacrent d’autres gens. Les feux de la haine, de la peur et de l’avidité sont bien plus dévastateurs que les feux de bois ».
« Muette et fière, Notre-Dame se dresse toujours sur son île comme un bastion de l’imagination, de la générosité et de la persévérance. Elle est ce poème debout qui nous rappelle ce qui nous fait humains. En neuf cents ans, elle a connu d’autres incendies. Elle se remettra de celui-là » dit Estelle-Sarah Bulle, romancière
Yves Cosson aurait eu 100 ans