Ecrit le 02 octobre 2019
PMA : procréation médicalement assistée. c’est un ensemble de pratiques cliniques et biologiques où la médecine intervient dans la procréation
Un projet de loi sur la bio-éthique est actuellement en discussion à l’assemblée Nationale, avec notamment un article 1 qui porte sur l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules,
« C’est le texte de tous les dangers. » a dit Emmanuel Macron lui-même. Et chacun a en tête les manifestations monstres qui ont jeté dans les rues plus d’un million de personnes contre la légalisation du mariage homosexuel et l’adoption par les couples de même sexe.
Six ans plus tard, les divergences sont toujours profondes. Une grande manifestation est d’ailleurs prévue le 6 octobre prochain et deux millions et demi de tracts ont été diffusés. Pourtant, le climat n’est plus tout à fait le même qu’en 2013. Les plus récents sondages montrent en effet que 60 % des Français sont d’accord avec l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, y compris les femmes seules et les couples de lesbiennes.
Le collectif BAMP, qui regroupe des couples infertiles ou stériles, craint, lui, que ces couples fassent les frais de cet élargissement puisqu’il n’y aura plus de distinction entre le simple désir d’enfant et une maladie à traiter ou un handicap physique à combler. Tout cela alors que les dons de gamètes, déjà en baisse, pourraient diminuer encore plus avec la levée partielle de l’anonymat des donneurs à la majorité de l’enfant. On estime que l’ouverture de la PMA pourrait en effet concerner environ 2000 femmes et coûter entre 10 et 15 millions d’euros à l’État.
Conscient des divisions créées par le « mariage pour tous » en France, Emmanuel Macron a confié le dossier à trois ministres qui, contrairement à Christiane Taubira à l’époque, sont peu connues pour leurs envolées oratoires : Agnès Buzyn (Santé), Nicole Belloubet (Justice) et Frédérique Vidal (Recherche).
La loi divise surtout à droite, où une majorité de républicains y est opposée, mais elle ne fait pas non plus l’unanimité dans la majorité.
« Rupture anthropologique »
d’autres personnes craignent que l’État encourage les familles monoparentales, souvent plus précaires, et la naissance d’enfants en l’absence de pères. Cette opposition vient notamment des psychiatres et des psychanalystes, encore très influents en France.
La prestigieuse Académie de médecine s’inquiéte d’« une rupture anthropologique majeure ». Selon elle, la conception délibérée d’un enfant sans père n’est « pas sans risques pour le développement psychologique et l’épanouissement de l’enfant ». Les données d’enquêtes sur ces enfants conçus sans père sont peu fiables, estiment les médecins. S’il faut reconnaître « la légitimité du désir de maternité chez toute femme », l’Académie juge qu’il faut avant tout « tenir compte du droit de tout enfant à avoir un père et une mère dans la mesure du possible ».
Mais pour les partisans du projet de loi, il s’agit essentiellement d’« assurer l’égalité entre toutes les personnes qui ont pour projet de fonder une famille » et d’« établir une justice sociale entre toutes les personnes en capacité de procréer », comme l’écrit le collectif SOS Homophobie.
Les opposants voient pourtant dans cette revendication égalitaire un glissement vers la reconnaissance des mêmes droits pour les couples d’hommes, ce qui ouvrirait la porte à la légalisation des mères porteuses et de la gestation pour autrui (GPA). Le gouvernement jure pourtant qu’il n’en sera jamais question, même si, selon les plus récents sondages, un Français sur deux n’y est pas opposé. Pour plusieurs, l’effet domino sera inévitable, le droit des lesbiennes de fonder une famille par insémination entraînant automatiquement celui des couples d’hommes à faire de même par GPA.
Enfants sans père
On notera que l’académie de médecine est majoritairement composée d’hommes (120 sur 130) qui ont sûrement des conceptions très traditionnelles. Soixante-neuf membres de l’académie se sont prononcés pour cet avis, 11 contre et 5 abstentions. Philippe Froguel, membre correspondant de l’académie, s’est élevé sur Twitter contre un rapport « bâclé scientifiquement et idéologique », mettant en cause la personnalité du vice-président de l’académie, l’ancien ministre de la santé Jean-François Mattei, qui fut un opposant notoire à la loi sur le mariage pour tous.
Pour Mgr Pierre d’Ornellas « cette loi créerait une disparité entre ceux qui pourraient avoir un père et ceux auxquels elle l’interdirait. Cette entorse à la fraternité créerait une injustice ».
c’est oublier les leçons de l’histoire. Constamment, dans les compte-rendus des conseils municipaux de Châteaubriant, on entend parler de pauvres filles, filles-mères, indigentes, devant faire face à l’éducation de leur enfant. Cet enfant sans doute avait un géniteur. Avait-il un père ?
c’est oublier les réalités de notre époque :
En une vingtaine d’années, le nombre des familles monoparentales a doublé, passant de 950 000 en 1990 à 1,8 million en 2013, d’après les chiffres de l’Insee. Elles représentent aujourd’hui plus d’une famille sur cinq. Cette forte hausse s’explique par l’augmentation du nombre de séparations et de divorces au sein des couples, à l’origine de 8 familles monoparentales sur 10. Aujourd’hui, 18 % des enfants sont élevés par un seul de leurs parents. Et 85 % de ces familles ont à leur tête une femme ! Près de quatre familles monoparentales sur dix vivent sous le seuil de pauvreté et plus de 2,8 millions d’enfants sont en situation de pauvreté. Si le cadre réglementaire prévoit le versement d’une pension alimentaire au parent en charge de l’enfant, son paiement est souvent source de conflits : 30 à 40 % des pensions restent impayées !
Les enfants de ces familles ont aussi un géniteur. Mais ont-ils un père ?
Jean-Louis Touraine, député LREM du Rhône et rapporteur du projet de loi bioéthique, par ailleurs professeur de médecine, assure qu’il prendra en compte les réserves de l’Académie, mais aussi « l’avis favorable du Conseil de l’ordre des médecins, l’avis favorable du Comité d’éthique, l’avis favorable du Conseil d’Etat, l’avis favorable de la Commission d’auditions parlementaire, tous ces avis qui sont très favorables et bien sûrchacun d’eux mérite d’être entendu. »
« Globalement les enfants nés de PMA vont bien pour une bonne raison, c’est qu’ils sont très attendus, très désirés, très souhaités, et beaucoup aimés. Et ils reçoivent beaucoup d’attention de la part de leurs parents. » dit encore JL. Touraine.
A l’assemblée Nationale
Après un peu plus de trois jours de discussions, les députés ont voté en première lecture, vendredi 27 septembre, l’article premier du projet de loi sur la bioéthique qui prévoit d’étendre aux femmes célibataires et aux couples de lesbiennes l’accès aux techniques de procréation médicalement assistée (PMA). Cinquante-cinq ont voté pour, dix-sept contre et trois se sont abstenus.
Cette mesure, considérée comme la première grande réforme sociétale du quinquennat d’Emmanuel Macron, a été défendue avec méthode par la ministre de la santé, Agnès Buzyn, le secrétaire d’Etat à la protection de l’enfance Adrien Taquet, et par la ministre de la justice, Nicole Belloubet. Dans l’Hémicycle, il fut question parfois des droits des femmes, beaucoup de la figure du père, et très fréquemment de l’intérêt supérieur de l’enfant.