Ecrit le 18 mars 2020
Nous nous étions intéressés aux « mots- valises » dans une chronique de 2016, année où était apparu le néologisme Brexit.
Bien avant cette date, en 1947, Boris Vian avait créé le mot Pianocktail dans son roman intitulé L’écume des jours :
" -Prendras-tu un apéritif ? demanda Colin. Mon pianocktail est achevé, tu pourrais l’essayer. Il marche ? demanda Chick.
– Parfaitement. J’ai eu du mal à le mettre au point, mais le résultat dépasse mes espérances. J’ai obtenu, à partir de la Black and Tan Fantasy, un mélange vraiment ahurissant.
– Quel est ton principe ? demanda Chick.
– A chaque note, dit Colin, je fais correspondre un alcool, une liqueur ou un aromate. La pédale forte correspond à l’œuf battu et la pédale douce, à la glace. Pour l’eau de Seltz, il faut un trille dans le registre aigu. Pour la crème fraîche, c’est le sol grave.
Il n’y a qu’une chose gênante, dit Colin, c’est la pédale forte pour l’œuf battu. J’ai dû mettre un système d’enclenchement spécial, parce que lorsqu’on joue un morceau trop « hot », il tombe des morceaux d’omelettes dans le cocktail ".
Dans leur dictionnaire des mots-valises intitulé Pianissimots (2016), Y-M. Clément et G. Gréverand imaginent une « dictée de science-fiction » qui reflète la réalité actuelle :
« Prenez une feuille », dit le maître, puis il lut la dictée devant les enfants médusés :
l’airbus se gara le long des parcmètres du cara-vaneige. Un drôle d’Amérindien vêtu d’un pyjashort en descendit. Il enfourcha une vieille plicyclette et se dirigea vers le restauroute ; à l’aide d’un amusant franglais, il baragouina sa commande : des apéricubes et du caranougat ".
De plus en plus, dans tous les domaines, des mots-valises nouveaux envahissent notre langue : abribus, narcodollars, cambrousse (campagne+brousse), foultitude (foule+multitude), tapuscrit, parcmètre, motoneige, jackpot et tant d’autres !
Pour satisfaire à une urgence de la communication, à une stratégie de l’immédiateté de la compréhension calquée sur le modèle publicitaire, les mots s’imbriquent, s’amalgament, se télescopent pour donner naissance à des mot nouveaux qui prennent vite place dans notre vocabulaire puis entrent dans le dictionnaire.
Les noms propres eux aussi ont donné naissance à des mots-valises : dans Le Sceptre d’Ottokar (1939), Hergé donne le nom de Musstler à un conspirateur bordure, en accolant la première syllabe de Mussolini à la dernière d’ Hitler. Hervé Bazin, quant à lui, a contracté folle et cochonne pour baptiser l’inoubliable Folcoche de Vipère au poing(1948) et de La mort du petit cheval (1950). Quant à Elsa Triolet, elle fut surnommée Aragonzesse après son mariage avec Aragon.
En principe, l’union de deux mots ne peut se faire que par la fusion de la voyelle finale d’un mot avec la voyelle initiale du mot suivant, mais il est aussi possible de s’appuyer sur des syllabes complètes comme le fait Raymond Queneau pour créer le métrolleybus de Zazie dans le métro (1959)ainsi que le condimensonge, le camemberlue et la matelassitude.
Bien souvent, des mots aux allures de mots-valises qui ont d’abord été considérés comme des néologismes ont été définitivement acceptés, tels horodateur, photocopie, aquaboulevard, hydravion, biorythme, dictaphone, chronopost, permaculture, visiophone, télésurveillance, télédétection, télé-paiement, technopole, téléshopping, robotique, futuroscope, intellocrates : tous ces mots rendent compte des constantes avancées de nos sociétés.
DEVINETTE : d’où venait le nom du jeu radiophonique des années 70 intitulé le Tirlipot ?
REPONSe à la DEVINETTE du dernier numéro de La Mée : en matière juridique , des frères et soeurs qui n’ont en commun que leur père ou leur mère ont un lien simple de parenté ; s’ils ont le même père et la même mère, c’est un double lien.