Ecrit le 16 décembre 2020
L’expression bien connue A la queue leu leu vient d’une forme ancienne du mot loup qui a laissé des traces dans le nom de plusieurs communes françaises appelées Saint-Leu et, naturellement, dans la description de gens marchant l’un derrière l’autre, bien avant qu’on ne parle de file indienne. Pourtant le redoublement du mot leu n’est qu’une erreur d’écriture très ancienne : il constitue une mauvaise interprétation de la vieille langue dans laquelle de et du ne s’employaient pas toujours pour désigner l’appartenance ; ainsi la queue du loup était écrit la queue le loup, ou la queue le leu, qu’on a fini par écrire la queue leu leu.
Le mot loup entre dans de très nombreuses expressions : à pas de loup ; crier au loup ; hurler avec les loups ; tomber dans la gueule du loup ; être connu comme le loup blanc ; avoir vu le loup (l’expression, désuète aujourd’hui, née au XVIIIe siècle, se disait d’une fille devenue femme sans passer par l’église ou par la mairie) ; avoir une tête de loup ; entre chien et loup, faire un loup (louper).
Le proverbe « L’homme est un loup pour l’homme » , tiré d’une comédie de Plaute, auteur latin du IIIe siècle avant J.-C., a été repris par de nombreux écrivains tels Montaigne et Erasme, puis enrichi au XVIIIe siècle par le philosophe anglais Hobbes : « A l’état de nature, l’homme est un loup pour l’homme, à l’état social, l’homme est un dieu pour l’homme ».
Le nom loup est aussi présent en botanique : gueule-de-loup, autre nom du muflier, et vesse-de loup ainsi que dans des prénoms comme Loup ( du prénom latin Lupus), Jean-Loup et Wolfgang (1) qui est celui de Mozart. C’est aussi un terme d’affection dans le langage courant : mon petit loup, mon petit loupiot .
La toponymie témoigne de la présence permanente des loups, partout en Europe, dès le Moyen Âge ; la plupart des noms de lieux-dits ou de villes qui comportent une allusion au loup date en effet de cette époque : Le pré au loup, Le champ aux loups, La lande au loup, Chanteloup, Le saut du loup, Le chêne au loup, Port-aux-loups, Puits-à-loup, Louviers, Saint-Leu-la-Forêt. En Loire-Atlantique, à Missillac, se trouve le dolmen de la Roche au loup. A Nantes, la rue de la Grange au loup, qui figurait de façon imaginaire dans une chanson de Barbara (Nantes) a remplacé la rue des Charrettes et a été officiellement baptisée par Michel Chauty, maire de Nantes, en présence de Barbara et de Gérard Depardieu en 1986.
Quatorze fables de La Fontaine mettent en scène un loup, en particulier deux des plus célèbres : Le loup et l’agneau, dont la morale, La raison du plus fort est toujours la meilleure, se situe au début du texte, et Le loup et le chien. Pour la fable Le loup et la cigogne, La Fontaine s’est inspiré de la fable d’Esope : Le loup et le héron.
Les loups mangent gloutonnement.
Un Loup donc étant de frairie
Se pressa, dit-on, tellement
Qu’il en pensa perdre la vie.
Un os lui demeura bien avant au gosier.
De bonheur pour ce loup qui ne pouvait crier
Près de là passe une Cigogne.
Il lui fait signe, elle accourt.
Voilà l’Opératrice aussitôt en besogne.
Elle retira l’os ; puis pour un si bon tour
Elle demanda son salaire.
Votre salaire ? dit le Loup :
Vous riez, ma bonne commère.
Quoi ! Ce n’est pas encore beaucoup
D’avoir de mon gosier retiré votre cou ?
Allez, vous êtes une ingrate ;
Ne tombez jamais sous ma patte.
La Fontaine, Fables, Livre III, 9.
(1)Wolfgang signifie pas de loup.
DEVINETTE : En quoi la fin du conte intitulé Le petit chaperon rouge des frères Grimm diffère-t-elle de celui de Perrault ?
REPONSE à la DEVINETTE du dernier numéro : le loup-garou, nom familier du lycanthrope (en grec = homme-loup), issu de leu warou, est un personnage légendaire malfaisant. D’un point de vue étymologique, ce mot est un pléonasme puisque garou, emprunté au francique werwolf veut déjà dire homme-loup.
Elisabeth Catala