Ecrit le 25 avril 2007
Que voilà un bon sujet pour un Premier Mai : le jour de la Fête du Travail, Charles Villeneuve va publier un « Droit de savoir » sur « La France qui triche »..... Il y a déjà eu une émission du même type, sur France 3, en novembre 2006.
Très bonne idée, juste entre les deux tours des élections présidentielles. Juste ce qu’il faut pour influencer un peu plus les électeurs, leur faire croire qu’on vit bien avec 600 euros par mois.
A propos, quel est le salaire de Charles Villeneuve ? En septembre 2005 le Nouvel Observateur annonçait : Rédacteur en chef : 7 282 €. Rédac chef adjoint : 6 136 €. Journalistes (8 au total) : 2 613 à 4 500 €. + 13e mois et intéressement. Les salaires des « vedettes » de la télévision sont beaucoup plus élevés. Pour 2002 la revue Acrimed annonçait 45 700 € par mois pour Patrick Poivre d’Arvor
Charles Villeneuve, à près de 66 ans, est directeur des Sports à TF1 et producteur de plusieurs émissions comme 50mn inside, Appels d’urgence et du Droit de savoir. Il doit gagner sûrement plus de 600 € par mois.
Mais pourquoi 600 € par mois ?
Pourquoi parlons-nous de 600 € par mois ? Parce que l’émission va présenter le cas d’un certain Thierry F, 44 ans, de Roanne, qui dit avoir réussi l’exploit de vivre des Assedic depuis 24 ans après avoir travaillé seulement 31 mois !
Ce Thierry F a même sorti un bouquin et donné des interviews au Point et à 20 minutes et sur France 2 et sur RTL où il explique qu’il vit avec 600 euros par mois. « C’est une philosophie de vie. Je suis célibataire, sans enfant, et je vis en province. Je ne pourrais pas faire ça à Paris. J’ai aussi une famille et des amis très présents. Mais je leur demande peu, et jamais d’argent. Je leur rends service, j’ai du temps ». L’article du Point complète en disant que Thierry possède une Alfa Romeo, un appartement à lui et qu’il porte des vêtements de marque.
Tout ça c’est le comble de la triche ! Car Thierry F est bien un tricheur : il ment pour pouvoir devenir célèbre !
Il dit qu’il perçoit l’ASS : allocation de solidarité spécifique. Mais c’est faux ! Pour percevoir l’ASS il faut avoir perçu du chômage et surtout justifier d’avoir travaillé 5 ans dans les dix dernières années. [Voir le site officiel ici : http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/N12480.xhtml].
Il dit qu’il perçoit 600 € par mois : mais c’est faux. Le montant de l’ASS, au 1er janvier 2007, est de 14,51 € par jour, soit 435,30 € par mois.
Thierry F évoque des lunettes remboursées 500 euros par la CMU. En fait, le plafond CMU pour le remboursement de montures est inférieur à 30 euros [Chercher sur le site : http://www.ameli.fr/].
Quant à l’Alfa Roméo de Thierry F, elle daterait de 1989 donc n’a plus aucune valeur. Mais il faut tout de même bien y mettre de l’essence.
Dans cette histoire le plus grand tricheur est le journaliste du Point qui a gobé n’importe quoi..... Heureusement Thierry F dit lui-même : « Je profite d’un système que je déplore : la majorité des chômeurs veut vraiment se réinsérer. On les aiderait davantage en surveillant mieux les fraudeurs ».
Le supposé tricheur demande de surveiller les fraudeurs : ouf, la morale est sauve !
Insultes
Cette histoire de Thierry F est une réelle insulte à tous ceux qui savent combien il est difficile de vivre avec le RMI ou le SMIC, même en campagne, même quand on est célibataire !
Tiens, c’est bizarre, la télé ne fait jamais une émission sur la vie difficile des gagne-petit. Parce que cela ne serait pas assez photogénique ? Comme dit le proverbe : il vaut mieux faire envie que pitié !
Ignorance
On nous dit qu’il y a pas mal de tricheurs en France, chez les gagne-petit. Quelle est la part de la fraude consciente ? Quelle est la part de l’ignorance ? Deux célibataires, qui perçoivent l’allocation-logement, et qui décident de vivre ensemble en ne gardant qu’un seul logement, commettent une fraude s’ils oublient de signaler leur changement de situation. C’est souvent ignorance de leur part. Quand la Caisse d’allcations familiales s’en rend compte, elle récupère la somme trop versée. Il y a donc eu fraude, et réparation. Des récupérations sont effectuées aussi en cas de trop perçu de l’ASSEDIC. Ca, on n’en parle pas ! Et on qualifie trop souvent de « fraude » (consciente) ce qui n’est qu’erreur ....
On nous dit que la fraude coûte plusieurs milliards d’euros à la France. Le chiffre est imprécis ! Mais on ne nous dit pas tout ce que la France économise sur le dos des personnes qui, ne connaissant pas leurs droits, ne font pas la demande des allocations qui correspondent à leur cas. Les services sociaux rencontrent très fréquemment des personnes, dans la m..., qui n’ont jamais pensé à faire la demande de prestations sociales auxquelles elles ont droit. Ca aussi c’est une réalité !
Alors une nième culpablisation des chômeurs, malades, rmistes et autres, ça suffit !
Ecrit le 25 avril 2007
La triche ... dans les chiffres
La Triche Sociale
La triche liée au chômage ? Tout le monde pense aux « faux chômeurs » ... parce que, constamment, sur les ondes et dans les journaux, on nous dit qu’il y a de faux chômeurs. C’est vrai, il y en a. Mais il y a aussi de faux travailleurs, des emplois fictifs bien rémunérés, des emplois de complaisance attribués à des petits copains même s’ils n’ont pas les compétences exigées par le poste qu’ils occupent.
La triche liée au chômage, c’est aussi celle des chiffres : les statisticiens chargés d’élaborer les chiffres « officiels » du chômage, se sont mis en grève le 19 avril. Ils demandaient que les chiffres du chômage ne soient pas publiés le 26 avril, entre les deux tours des élections car, disent-ils :
" Le taux publié par l’INSEE et la DARES et commenté mensuellement par le ministre de l’emploi ne reflète plus ... depuis 2005 ... les évolutions du taux de chômage aux normes du Bureau International du Travail (BIT), faute d’intégrer les données les plus récentes issues de l’Enquête Emploi 2006.
La direction de l’INSEE a en effet décidé de reporter à l’automne la révision du taux de chômage à partir de l’Enquête Emploi 2006 : en attendant, seules les statistiques de l’ANPE sont utilisées pour le calcul du taux de chômage mensuel.
Le recours à ces données est pourtant fortement remis en question par les modifications apportées depuis 2005 dans la gestion administrative des demandeurs d’emploi à l’ANPE.
Ces modifications ont conduit à une sous-estimation considérable du chômage dans les chiffres produits par l’agence et publiés par le ministère "..
Eh bé ! Ca c’est clair au moins. Il y a des gens qui protestent en disant : « Cette prise de position influence le jeu électoral ». Ils ont sans doute raison. Mais l’émission de Charles Villeneuve, sur TF1, ne l’influence pas peut-être ?
Fin mars 2007, Eurostat, office européen de statistiques, a relevé les taux de chômage français sur plusieurs mois, et notamment à 8,8% pour le mois de février, contre 8,4% annoncé par le ministère de l’Emploi et l’Insee.
Chiffres : Lettre ouverte à Jean-Louis Borloo
Article du journal Le Monde du 25 avril 2007
Le gouvernement se targue d’une réussite éclatante dans la lutte contre le chômage : il aurait ramené le taux de chômage « Ã son plus bas niveau enregistré depuis juin 1983 » (J.L. Borloo, communiqué du 29/03/2007).
Le taux de chômage se calcule en France à partir de deux sources, l’enquête emploi de l’Insee et les données administratives de l’ANPE. En janvier dernier, l’Insee rendait publique sa décision de reporter de mars à l’automne 2007 la publication des résultats de son enquête de 2006, qui montre une stabilité du chômage. Mais les raisons invoquées n’ont convaincu ni la communauté scientifique, ni l’Office statistique européen (Eurostat).
Or les données de l’ANPE, à la suite de modifications administratives, ne sont plus en l’état exploitables pour ce calcul et conduisent à une sous estimation forte du taux de chômage.
L’affichage d’un taux de chômage artificiellement bas relève de la manipulation de l’opinion publique, alors que les périodes électorales devraient être des moments de transparence sur le bilan des politiques menées.
Les agents du système statistique de l’emploi ont, depuis plus d’un mois, engagé des actions pour que soit suspendue la publication des estimations provisoires du taux de chômage, afin de défendre leur déontologie professionnelle, la crédibilité de leurs institutions, et d’éviter que la statistique publique soit utilisée pour fausser le jugement des citoyens.
Le jeudi 26 avril 2007, le personnel de la Dares (le service statistique du ministère de l’emploi) fera grève pour s’opposer à la publication du taux de chômage. L’indépendance et la neutralité du système statistique sont une condition du débat démocratique ; c’est pourquoi nous, en tant que chercheurs soucieux de la qualité et de la crédibilité des statistiques concernant l’emploi et le chômage, soutenons l’action des personnels des services statistiques de l’emploi et demandons nous aussi au ministre Jean-Louis Borloo de suspendre cette publication.
Signatures :
Bruno Amable (Cepremap), Florence Audier (CES), Christian Baudelot (ENS), Eve Caroli (Université Paris 10), Jean Cartelier (Université Paris 10), Eve Chiapello (Enseignant chercheur), Denis Cogneau (IRD), Isabelle Collet (Université Paris 10) , Sandrine Dauphin (CNAF), Alain Desrosières (historien de la statistique), Claude Didry (ENS Cachan), Brigitte Dormont (Université Paris 9), Esther Duflo (MIT), Christian Dufour (Ires), Christine Erhel (Université Paris 1), François Eymard-Duvernay (Université Paris 10), Jeanne Fagnani (Université Paris 1), Olivier Favereau (Université Paris 10), Yannick Fondeur (IRES), Patrice Gaubert (Université Paris 7), Jérôme Gautié (Université Paris 1), Bernard Gazier (Université Paris 1), Marc Gurgand (PSE), Michel Husson (IRES), Laura Lee Downs (EHESS), Sylvie Lambert (LEA), Laurence Lizé (CES), Thierry Magnac (Université de Toulouse), Antoine Math (IRES), gérard Mauger (CSE-CNRS), Eric Maurin (EHESS), Dominique Meurs (INED), Jean-Marie Pernot (IRES), Thomas Piketty (EHESS, PSE), Thomas Philippon (New York University), Edmond Preteceille (OSC), Christophe Ramaux (Université Paris 1), Hyacinthe Ravet (Université Paris 4), bénédicte Reynaud (ENS), Alexis Spire (Université Lille 2), Olivier Thevenon (Ined), Xavier Timbeau (OFCE), Carole Tuchszirer (IRES), François Vatin (Université Paris 10), Françoise Vouillot (Cnam)."
La France qui triche ? les PDG aussi !