Date ? Novembre 2000 ?
Les éleveurs sont abattus
Cela fait des années que La Mée attire l’attention des consommateurs sur toutes les « saloperies » que l’on nous fait « bouffer » au nom de la recherche du profit maximum. Veau aux hormones, lait à la dioxine, poisson au mercure, manipulations génétiques diverses et variées, OGM (organismes génétiquement modifiés), etc.
Pendant longtemps le consommateur a été indifférent à ce type d’information, portant son intérêt sur les produits à bas prix, sans s’inquiéter des conditions de production. Les agriculteurs « biologiques » étaient pris pour de doux rigolos. Mais il a suffit d’une émission de télévision (le choc des images !) montrant une petite fille et un jeune homme atteints de la maladie de Creutzfeldt-Jakob pour que les Français réalisent le drame de cette maladie. Images terribles montrant la dégradation inexorable des capacités intellectuelles et physiques des malades (1)
Panique folle
L’indifférence s’est alors transformée en panique folle. L’existence de « vaches folles » a tourneboulé nos concitoyens, au point que les « politiques » ont cru nécessaire d’emboîter le pas, parce que nous sommes en période pré-électorale (les municipales en 2001, les présidentielles et les législatives en 2002).
Un fait significatif a été rapporté par le Canard Enchaîné du 1er novembre 2000. (voir ci-dessous) : annoncer quelque chose qui est quasiment impossible à faire dans l’immédiat, uniquement pour faire plaisir à l’opinion publique, est-ce vraiment faire de la politique ? En tout cas, cela a contribué à accélérer la panique. Du coup, un certain nombre de maires, à commencer par les maires de Droite (qui ont habituellement les faveurs des agriculteurs) ont décidé de retirer la viande de bœuf des menus des cantines scolaires. Ce fut le cas par exemple de Pierre Brasselet, maire de Ste Luce sur Loire, qui, pourtant, a participé naguère à un « vachoui » (appellation imitant les méchouis). Pour ne pas être en reste, un certain nombre de maires de gauche ont emboîté le pas, Jean-Marc Ayrault à Nantes, Charles Gautier à St Herblain et même Edmond Hervé à Rennes. décisions, « au nom du principe de précaution », précaution électorale sûrement. L’hôpital de Nantes a fait de même.
La FNSEA en rajoute
Pour ne pas être en reste, le président de la FNSEA (syndicat agricole) a proposé d’abattre tous les bovins nés avant le 15 juillet 1996, accélérant, dans l’opinion française, l’idée que toutes les vaches sont potentiellement folles. Et le consommateur n’est pas loin de devenir dingo.
Quant aux pays étrangers, la Hongrie, la Pologne et la Russie, pas spécialement soucieux de sécurité alimentaire, ils ont décidé de ne plus importer de viande française. L’Allemagne elle-même fait preuve de mauvaise foi en arrêtant complètement ses importations de viande française, alors qu’elle n’a pas eu la même attitude vis à vis des viandes anglaises : « Les Allemands nous reprochent de découvrir plus de cas de vache folle qu’eux. C’est logique puisque nous avons fait 48 000 contrôles et eux 600 seulement » dit Jean Glavany, ministre de l’Agriculture. La Grèce et l’Italie ont ralenti leurs importations. L’Espagne va plus loin en fermant ses frontières à l’importation de vaches reproductrices françaises et irlandaises.
Qui peut ramener le calme ? L’avis des scientifiques sur la question ? L’Agence Française de sécurité des aliments (AFSSA) est sortie de sa réserve le 9 novembre : « Le muscle et le lait sont des produits pour lesquels il n’a jamais été retrouvé d’infectiosité chez les bovins, que ce soit de manière expérimentale ou naturelle » a souligné son directeur.
Même les végétariens
Mais les scientifiques ne sont d’accord que sur une chose, l’étendue de leur ignorance sur le nouvel agent infectieux, le prion. Et ils se demandent comment il se fait que des végétariens, qui n’ont jamais mangé de viande, sont aussi malades
Toute la difficulté réside dans la recherche d’un équilibre :
– D’une part ne pas susciter l’affolement voire la panique des consommateurs
– D’autre part, prendre toutes les mesures sanitaires nécessaires pour éviter la mort de dizaines de personnes. Tout en sachant bien qu’il y aurait des mesures sanitaires nécessaires, aussi, dans d’autres domaines, l’amiante par exemple, et la circulation routière (8000 morts par an en France), et la pollution atmosphérique (30 000 morts par an en France).
Les agriculteurs pénalisés
L’affolement des consommateurs comporte des risques énormes pour la filière agricole et agro-alimentaire. Les producteurs bovins, naguère considérés comme les nourrisseurs de la planète, deviennent tout à coup des empoisonneurs. Par exemple les ventes de viande de bœuf ont chuté de 42 % à Rungis le jeudi 9 novembre par rapport à la moyenne de quatre jeudis précédents. Sur le marché de Châteaubriant, le nombre de bêtes est en baisse, leur prix est en chute.
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Du côté des abattoirs, la société VIOL à Châteaubriant accuse une baisse de quelque 30 % ce qui est encore « raisonnable » par rapport à d’autres abattoirs, à Quimperlé par exemple, qui sont en baisse de 60 à 70 %. Les salariés sont mis au chômage ...
Ainsi la psychose collective ouvre une crise économique dont les conséquences peuvent être graves à terme, en France en général, et à Châteaubriant en particulier, où le nouveau foirail va ouvrir bientôt dans un climat de désolation. A l’usine Huard la Direction s’inquiète aussi de la possible baisse de revenu des paysans.
D’autant plus que règne l’incertitude la plus totale. On pense que les farines animales sont responsables de la maladie de la vache folle. Mais la vache folle trouvée récemment dans le Tarn faisait partie d’un élevage qui n’avait jamais utilisé ces fameuses farines. De même, le département de Loire-Atlantique, où la Chambre d’Agriculture a toujours mené une politique draconienne, en lien avec les vétérinaires, en matière de suivi sanitaire, s’inquiète d’avoir eu 3 vaches folles ces derniers temps, à Trans sur Erdre, Campbon et Issé. Ce dernier élevage était d’un sérieux exemplaire. La maladie qui le frappe est particulièrement injuste.
Les précautions
accélèrent la psychose
Comme dit Le Canard Enchaîné : « face à un océan d’incertitudes, les gouvernements sont sommés d’agir. En prenant toutes les précautions, ils font croire que les questions posées sont résolues. Si on interdit les farines, c’est qu’elles sont dangereuses. Si on interdit les abats, c’est qu’ils empoisonnent. Si on lance une campagne de dépistage, c’est qu’il y a péril. Du coup le consommateur s’affole et le gouvernement s’agite davantage. Preuve que la situation est grave ... etc. ». Et on recommence tout à zéro.
Vaches et bio-diversité : http://vimeo.com/5629970