Ecrit le 11 mars 2009
Appel à l’insulte ? Appel à l’outrage ?
Point, point-virgule, guillemets, apostrophe, tiret au siècle de l’image omniprésente, les signes typographiques revêtent ont leur importance, modifiant parfois le sens d’une phrase
Les manifestants, disent les flics, sont violents . Les manifestants disent : les flics sont violents !
Un manifestant l’a appris à ses dépens. On se souvient que le 24 février 2008, not’président adoré a lancé : Casse-toi pauv’con à un visiteur du salon de l’agriculture. Etait-ce une injure ? Il ne fut point sanctionné pour cela.
Le 28 août 2008, à Laval, un manifestant a été trouvé porteur d’une affichette portant la mention Casse-toi pov’con, à proximité de la voiture officielle de Nicolas Sarkozy. Il a été arrêté aussitôt par nos braves policiers et traduit en justice. Lors d’un procès au tribunal d’Angers le 3 février 2009 l’avocat général Hervé Drevard a estimé que l’inscription portée sur l’affichette était « pour le moins constitutive d’une expression de mépris qui qualifie le délit d’offense ». Et il a demandé 1000 euros d’amende. Pourquoi ? Parce qu’il n’y avait pas de guillemets. Remerçions la Justice de remettre ainsi en valeur les signes typographiques hérités de nos ancêtres.
Grand concours
Un lecteur nous écrit à ce sujet : « Si on décidait qu’un mot, par exemple YZOKRAS, est une insulte très injurieuse et même offensante, on pourrait aller la crier dans la rue sans pour autant encombrer les tribunaux les jours suivants. Imaginons : »espèce d’YZOKRAS !« , »YZOKRAS toi même !« , »allez, cessez de faire les YZOKRAS ! « etc etc »....
Amis lecteurs, nous faisons appel à votre puissance d’invention ! Amorcez la rupture en France, créez des mots nouveaux, utilisez- les avant que ne soit jugé éventuellement leur caractère insultant. Allez ! Qui va commencer ?
L’intention insultante
L’insulte est une chose. L’intention d’insulter est une autre, même quand elle n’existe pas ! Paris, vendredi 6 mars, 8h30, aura lieu le procès en appel de Maria Vuillet contre le sous-préfet d’Ile de France, M.Lacave, l’accusant de lui avoir dit « Vous êtes un facho. Sarko facho ! ». Maria, elle, dit qu’elle lui a seulement répondu « La République que vous représentez n’est pas celle qu’aurait souhaité Guy Môquet », Maria Vuillet a été relaxée en première instance, en septembre 2008. Le Parquet et le Sous-préfet ont fait appel.
Maria est défendue par Me Thierry lévy, qui a prouvé à la barre, en produisant la main-courante d’un officier de police judiciaire, présent sur les lieux, que le sous-préfet Lacave avait demandé à son chauffeur de produire un faux témoignage.
délit d’outrage
Dans un manifeste publié en décembre 2008, le CODEDO* déclare :
« Ces dernières années, le délit d’outrage est devenu en France un délit »en vogue" .
De 17 700 faits enregistrés en 1996, on est passé à 31 731 en 2007. Cette inflation (+ 42 %), dans le contexte actuel du tout répressif, pose de cruciales questions de société.
Le délit d’outrage, qui consiste à porter atteinte à la dignité d’un représentant de l’autorité publique, ou à ses fonctions, est le délit de tous les arbitraires, passible de 7 500 euros d’amende et de six mois de prison. Alors que l’injure à un citoyen « ordinaire » ne « coûte » que 45 euros.
Le délit d’outrage est utilisé par les « forces de l’ordre » pour couvrir des violences policières de plus en plus insupportables, des abus d’autorité scandaleux, des gardes à vue arbitraires (+ 54 % en cinq ans) qui font de chaque citoyen, quelles que soient ses origines sociales, un coupable potentiel.
Marie-Noêlle Guès
" Le 23 octobre 2007, je rencontre dans une rue de Calais deux réfugiés politiques érythréens qui viennent d’être libérés de la Police aux Frontières de Coquelles. Ils m’expliquent leur interpellation et montrent leur avis de reconduite à la frontière. Je commence à leur traduire cet avis en anglais. Nous marchons tout en discutant quand d’autres réfugiés nous demandent de l’aide pour utiliser leur carte téléphonique.
Arrive soudain un car de CRS qui pile un peu plus bas. J’arme mon appareil photo rapidement tandis que deux CRS s’éjectent et poursuivent les réfugiés sans papiers. l’arrestation est rapide, pas de violence autre que la poursuite. Tout le monde est ramené près de la cabine téléphonique où les deux Erythréens attendent. On me demande de sortir de la zone de contrôle. Ce que je fais. « Soudain l’un des réfugiés tente de s’enfuir. » Je brandis mon appareil photo pour filmer la course poursuite. Mauvaise idée ! le CRS qui est face à moi saisit ma caméra et se met à me tordre le bras jusqu’à ce que je touche le sol, agenouillée de douleur. Je lui fais remarquer que je n’ai rien filmé alors qu’un deuxième CRS m’applique une torsion à l’autre bras. Menottée, on me place dans le car de CRS ". Lors du départ du car, Marie Noë lle Guès note que le policier a penché la tête en lisant le nom du café PMU qui se trouvait en face, portes fermées. Garde à vue de 24 heures, Marie Noelle accusée d’outrage et rébellion
Au procès, les CRS produisebt le témoignage de la propriétaire du café PMU (mais celle-ci n’est pas présente).
Le 23 avril 2008, au TGI de Boulogne-sur-Mer, le procureur requiert 3 mois de prison, le Tribunal prononce la relaxe. Les deux CRS et le Parquet font appel.
l’affaire est passée devant la Cour d’Appel de Douai le 5 mars 2009. On attend le jugement. Mais tout ça est bien inquiétant
Ecrit le 1er avril 2009
La femme du gendarme
Outrage, ô désespoir
Le 21 mars 2009, c’était jour de fête. Michèle Alliot-Marie remettait les prix IntériEurêka, récompensant les innovations des personnels du ministère de l’Intérieur.
On s’étonne de ne pas voir récompensé le type qui a inventé le délit d’outrage : d’un coup de bâton magique, il permet de transformer le moindre quidam en contrevenant. Et, comme le pistolet à tirer dans les coins, de ne jamais louper sa cible.
Ainsi, le 16 mars 2009, à Pontoise comparaissait Sabrina parce que, le 8 décembre 2005, elle avait croisé la route d’un quidam. « Laisse tomber ces connards ! » avait-elle dit à ses parents. Manque de pot, l’adversaire automobiliste était la femme d’un gendarme. Car même en civil, même en repos, un gendarme reste un gendarme. Sabrina a été condamnée à 200 euros d’amende. Elle va faire appel.
Oh, père Brassens, reviens nous raconter le marché de Brive-la-Gaillarde
Au marché de Brive-la-Gaillarde A propos de bottes d'oignons, Quelques douzaines de gaillardes Se crêpaient un jour le chignon. () Frénétique l'une d'elles attache Le vieux maréchal des logis Et lui fait crier: "Mort aux vaches Mort aux lois, vive l'anarchie!"
Outrage à notre belle gendarmerie
Ecrit le 14 mars 2018
Une bonne blague
(Source : l’Huma,ité du 26 février 2018). Comment un jeune Français peut-il se retrouver en centre de rétention administrative (CRA), normalement réservé aux étrangers sous le coup d’une procédure d’éloignement du territoire"‰ ? c’est ce qui est arrivé, jeudi 22 février, à Timothée, 23 ans.
A Rambouillet (Yvelines), en début d’après-midi, au volant de sa voiture, ce jeune père de famille fait l’objet d’un contrôle de police. Il n’a pas son permis de conduire et a laissé ses papiers d’identité français chez lui. bénéficiant d’une double nationalité franco-camerounaise, il fournit aux policiers sa carte d’identité camerounaise. « »‰J’ai sur mon téléphone une photo de mon passeport français, explique Timothée. J’ai proposé de la leur montrer. Ils m’ont dit qu’ils n’en avaient pas besoin.« ‰ » Il est alors conduit en garde en vue. Au commissariat de Rambouillet, l’ambiance n’est pas particulièrement tendue, mais Timothée a l’impression d’être l’objet d’un jeu vicieux. « »‰On m’a dit qu’on allait prévenir ma famille, explique par exemple le jeune homme, mais lorsque, quelques heures après, j’ai demandé au policier s’il l’avait fait, il m’a répondu« ‰ : »Non et je m’en fous.« »‰" .
Pris au piège
Sa famille, sans nouvelle, passe le jeudi matin au commissariat où il est enfermé pour signaler sa disparition. Sa compagne fournit ses papiers d’identité. Mais, volontairement ou non, aucun policier ne fait le rapprochement entre le Timothée camerounais encore dans sa cellule et le Timothée français recherché par les siens. Quelques minutes plus tard, une escorte vient le chercher« ‰ : »« ‰On m’a fait signer un papier en me disant qu’il s’agissait du formulaire de fin de garde à vue, raconte encore le jeune homme. C’était en fait un document me signifiant l’ouverture d’une procédure d’éloignement. »‰« Timothée est conduit au tribunal puis directement au CRA de Plaisir (Yvelines). Le jeune homme se sent pris au piège. Il ne veut plus rien signer et doit parler à sa famille. »« ‰On m’y autorise finalement, mais le réseau est brouillé, décrit-il. Ma compagne n’entendait rien. »‰« A bout, Timothée s’énerve et casse son téléphone. »« ‰Il était excédé, raconte une personne travaillant au CRA qui souhaite conserver l’anonymat. Je suis parvenu à joindre sa famille, qui a finalement fourni ses documents d’identité. »‰" Le jeune père est libéré en fin d’après-midi.
Des placements sans fondement
Outre l’aberration que constitue le placement en rétention d’un citoyen français, cette histoire indique que les placements en CRA peuvent être effectués sans véritable fondement. Selon la Cimade, 53,5 % des retenus, en 2017, ont été libérés pour vice de procédure.
La mésaventure de Timothée révèle, par ailleurs, la volonté gouvernementale d’instaurer, par un recours outrancier à la rétention, une double peine pour les étrangers auteurs d’infraction. Depuis sa libération, les policiers sont venus à deux reprises chez Timothée en son absence. Chercheraient-ils à lui présenter des excuses pour ce nouveau dérapage dans la chasse aveugle aux étrangers lancée par le gouvernement"‰ ?