Ecrit le 16 janvier 2011
Chronologie
La Tunisie était une démocratie de façade où Ben Ali avait gagné les trois dernières élections présidentielles avec des scores édifiants : 99,45 % en 1999 ; 94,49 % en 2004 et 89,68 % en 2009 !
C’était, en réalité, une dictature impitoyable, classée par « Reporters sans frontières » parmi les cinq Etats les plus répressifs du monde. A l’exception d’un simulacre d’opposition qui dépassait rarement 5 % des voix, tous les partis d’opposition étaient interdits. Les opposants, les partisans des droits de l’Homme, leurs familles, les artistes, les avocats, les blogueurs, les journalistes, les Tunisiens ordinaires à qui échappaient une parole contre Ben Ali, subissaient, eux et leurs familles, une intimidation et une violence permanentes. Des milliers d’entre eux ont été arrêtés, enlevés, condamnés après un simulacre de procès à des années de prison. Des centaines d’entre eux ont été torturés, assassinés.
17 décembre 2010 : un jeune vendeur ambulant, diplômé, Mohamed Bouazizi, proteste contre la saisie de sa marchandise par la police et s’immole par le feu
19-20 : début du mouvement social contre le chômage et la vie chère à Sidi Bouzid (centre-ouest). Violents affrontements entre forces de l’ordre et jeunes manifestants. début d’une vague d’arrestations.
22 décembre. Houcine Neji, un autre jeune chômeur se suicide à Sidi Bouzid en s’électrocutant sur des câbles électriques.
24 décembre, la police tire sur des manifestants à Menzel Bouzayane (60 km de Sidi Bouzid) : deux morts. 28 décembre, rassemblement de solidarité des avocats, deux d’entre eux sont arrêtés puis relâchés. Le président Ben Ali dénonce une « instrumentalisation politique ».
3-7 janvier 2011 : Violences à Saïda et manifestations à Thala (centre-ouest) marquées par des saccages et l’incendie de bâtiments officiels.
8-10 : Emeutes sanglantes à Kasserine (centre-ouest), à Thala ainsi qu’Ã Regueb (près de Sidi Bouzid) : 21 morts selon les autorités, plus de 50 selon une source syndicale. Affrontements à Kairouan.
10 : Le président Ben Ali dénonce des « actes terroristes » perpétrés par une minorité de « voyous cagoulés » et promet la création de 300.000 emplois supplémentaires d’ici 2012.
11 janvier : Premiers affrontements à Tunis et sa banlieue, poursuite des violences à Kasserine. Fermeture des écoles et des universités.
12 janvier : Le Premier ministre annonce le limogeage du ministre de l’Intérieur, la libération des personnes arrêtées, sauf celles « impliquées dans des actes de vandalisme », et une enquête sur la corruption.
Plusieurs morts dans des manifestations à travers le pays. L’armée se déploie dans Tunis. Arrestation du chef du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT, interdit). Couvre-feu nocturne à Tunis et sa banlieue où des affrontements font huit morts. Les manifestants ciblent les symboles du pouvoir et de l’argent.
En France Michèle Alliot-Marie, à l’assemblée Nationale, propose une aide à la police tunisienne : « le savoir-faire français pour »régler les situations sécuritaires« »
13 janvier : Retrait de l’armée à Tunis, qui reste quadrillée par les forces spéciales. Un manifestant est tué par balles. La France se dit inquiète de « l’utilisation disproportionnée de la violence ». Destructions et pillages dans la station touristique de Hammamet (60 km au sud de Tunis).
Le président Ben Ali dit avoir ordonné aux forces de sécurité de ne plus faire usage d’armes à feu contre les manifestants et annonce une baisse du prix du sucre, du lait et du pain. Il promet la liberté de la presse, la fin des mesures de fermeture des sites internet. Scènes de joie dans les rues de Tunis malgré le couvre-feu. Mais treize morts à Tunis (selon des sources médicales), deux à Kairouan pendant l’intervention télévisée.
14 janvier : Des milliers de manifestants, aux cris de « Ben Ali dehors », se rassemblent à Tunis et en province, notamment à Sidi Bouzid. Violents heurts dans la capitale entre des groupes de manifestants et des policiers anti-émeutes. Des blindés de l’armée se déploient devant les ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères ainsi que devant la télévision et radio nationale. Ben Ali limoge son gouvernement et appelle à des législatives anticipées dans six mois. L’état d’urgence est décrété dans tout le pays. L’armée contrôle l’aéroport, l’espace aérien est fermé
mais Ben Ali et sa famille quittent la Tunisie et se réfugient en Arabie Saoudite.
La France gênée
Tandis que Barack Obama salue le courage du peuple tunisien, la France prend « acte de la transition constitutionnelle » en Tunisie : c’est sec, c’est froid. Gêné ?
Demain ?
Le départ de Ben Ali ne signifie pas la victoire de la révolution en Tunisie. C’est seulement une victoire temporaire. Pour que la guerre soit gagnée, il faut supprimer le système à la tête duquel était Ben Ali. Ben Ali est parti, mais la dictature est toujours là ! Quand la moitié de la population est sans travail, sans avenir, sans espoir, il ne faut pas s’étonner de voir des déchainements de colère, de violence que l’on dit « gratuite ». Il faudrait maintenant que « le peuple » s’organise. Belle vue de l’esprit ! Il y a en Tunisie, comme en France, des gens qui travaillent dur, et des gens qui voudraient bien travailler et, au sommet de l’Etat, des hommes politiques qui n’ont jamais travaillé, mais qui savent parler et embobiner tout le monde, et des puissances d’argent qui savent tout confisquer, même les libertés, à leur profit.
La victoire du peuple tunisien. Oui, ça fait plaisir. Une onde de choc se propage sur d’autres pays : la Jordanie, le Yemen, l’algérie. Rêvons, sans y croire, qu’elle déstabilise durablement les dictatures. Mais la désespérance est plus forte que tout ! Les hommes et les femmes sont-ils condamnés à l’asservissement, pour toujours ?
J’étais en Tunisie, à Nabeul, du 23 au 30 octobre 2010 à Nabeul. J’ai beaucoup discuté avec les Tunisiens et j’ai bien compris qu’ils étaient opprimés par le gouvernement. Le serveur du bar avait un master en informatique et impossible de trouver un travail en Tunisie. J’ai posé la question « mais pourquoi vous ne manifestez pas ? » et ils m’ont dit « si jamais tu manifestes, la police vient te chercher en pleine nuit pour interrogatoire, voire pour la prison ! ». Le dernier soir de notre séjour, le gardien du portail qui donne sur la mer vient chercher un café vers 19h au bar de la piscine et se fait violemment apostropher. Ne connaissant pas la langue, je pose la question au serveur qui me dit que le gardien n’a pas le droit de venir se servir un café à la machine réservée aux touristes. Un peu plus tard, j’ai pris un café et je l’ai apporté au gardien, à 50 mètres du bar. Il était tellement content qu’il m’a pris dans ses bras pour me dire merci. Cette personne travaillait de nuit de 19h à 7 h du matin. Vers 20h30, quand je suis revenu au bar, le gardien avait changé, j’ai donc demandé où il était . réponse : viré ! On m’a dit que le directeur de l’hôtel n’avait pas apprécié qu’il prenne un café au bar des clients ! Pauvre gars, 5 enfants, plus de boulot à l’hôtel et là -bas pas de droit au chômage, aucune couverture sociale ! J’étais tellement écœuré que je suis allé à l’accueil de l’hôtel et j’ai demandé à voir le directeur, mais celui-ci a refusé de me parler directement ! Quand je suis rentré en France, j’ai envoyé un mail à la direction du groupe et au directeur de l’hôtel, la seule réponse du groupe c’est qu’ils étaient désolés ! Je me suis dit que je ne remettrai pas le pied dans un pays pareil, mais enfin je vois que ca bouge et j’ai des frissons quand j’entends les informations actuellement. Vivement une vraie démocratie ! Chaplais Jean-Pierre |
Bien manger du pain
Le dynamisme économique du pays fait dire à ses partenaires occidentaux que la Tunisie est le havre de stabilité par excellence dans le monde arabe. En effet, jamais, au cours des vingt dernières années, le taux de croissance du pays n’a été inférieur à 5%. Les services publics ont fonctionné, les rues propres, l’école de bon niveau Ben Ali a effectivement réussi à doter la Tunisie d’une classe moyenne dans le sens plein du terme grâce, entre autres, à une politique de prêts favorisant son émergence matérielle, son confort. Mais ces « succès » ne servent à rien car il n’y a rien à offrir à la jeunesse, qui représente plus de 40 % de la population.
L’ex-président français Jacques Chirac a même invité les Tunisiens à se satisfaire de bien manger le pain au lieu de pérorer sur les droits de l’homme !
Ecrit le 16 janvier 2011
Tunisie : Jacques Auxiette
Les évènements qui se produisent actuellement en Tunisie sont des « signes forts des attentes sociales et démocratiques de toute la population » commente Jacques AUXIETTE, président de la Région des Pays de la Loire, en apportant tout son soutien aux Tunisiens qui vivent dans notre Région et souhaitant témoigner toute sa solidarité aux familles qui sont endeuillées par ces violences policières.
Plus de démocratie, plus de partage des richesses, plus d’avenir pour les jeunes, les revendications qui s’expriment sont légitimes. Elles traversent également l’algérie et pourraient demain s’étendre aux nombreux pays qui croient que la force policière et militaire peut contenir, pour toujours, les espoirs de liberté et d’une vie meilleure de leurs populations
(communiqué du 11 janvier 2011)
Patrick Mareschal
Dans un courrier adressé le 13 janvier à Mehdi Sfar Gandura, maire de Mahdia, et Ichem Ben Ahmed, Gouverneur de Mahdia, avec lesquels la Loire-Atlantique entretient depuis de nombreuses années des relations de coopération, Patrick Mareschal indique que« les aspirations à la liberté, au progrès et à la justice () qu’exprime aujourd’hui le peuple tunisien, et en particulier sa jeunesse, sont légitimes ». Il appelle à ce que « ces aspirations soient entendues et prises en compte, dans un processus pacifique et démocratique » et considère que « face à la désespérance qui conduit certains à mettre en jeu leur propre vie, une réponse juste, proportionnée et durable, ne peut pas être trouvée dans la coercition et la répression ».
La suite ?
Comme dans tout groupe humain où la colère l’emporte, la Tunisie est en proie aux pillages mais, spontanément, des « cellules populaires » se sont créées pour gérer la situation. Vers une issue démocratique ?
La semaine qui a fait tomber Ben Ali : http://blog.mondediplo.net/2011-01-19-La-semaine-qui-a-fait-tomber-Ben-Ali
Journal à chaud : http://alternatives-economiques.fr/blogs/giraf/2011/01/17/journal-a-chaud-de-tunis/
Pourquoi, en France, n’avons-nous rien vu venir ? http://www.lepost.fr/article/2011/01/22/2379579_tunisie-pourquoi-nous-nous-sommes-trompes.html
Ecouter vox populi : je te raconterai l’histoire de ce roi, mort de n’avoir pu te rencontrer http://www.tueursnet.com/2011/01/vox-populi/
Note du 12 février :
Le départ piteux de Ben Ali
Le dictateur tunisien a été poussé à l’exil par l’armée mais aussi par sa femme, la machiavélique Leïla. Grâce à des témoignages inédits, Sara Daniel fait le récit des derniers moments du président sur le sol de son pays. A lire dans le Nouvel Observateur du 10.02.2011.
Extraits :
Il refuse de monter dans l’avion. Sur le tarmac de l’aéroport de Tunis, il résiste, se tord les mains, serre sa petite mallette noire, son seul bagage, essaie de rebrousser chemin vers la Mercedes noire qui vient de le déposer. Il supplie : « Laissez-moi, je ne veux pas y aller, je veux mourir ici dans mon pays. » [...]
Ce vendredi 14 janvier à 17 heures, alors que la révolte gronde dans les rues de la capitale, Ben Ali ne veut pas partir. Il gémit, hagard. « Bordel de Dieu ! Tu vas monter ! » C’est Ali Seriati, l’homme de l’ombre, le redouté chef de la police politique, compagnon de Ben Ali depuis trente ans, qui le bouscule et l’oblige à gravir les marches en jurant.
Aucun des militaires qui font cercle autour du petit groupe composé du président, de sa femme Leïla, de leur fils Mohamed, de sa fille Halima, du fiancé de celle-ci, du majordome Moustafa qui a tenu à les accompagner et de deux employées de maison philippines, n’a osé toucher le président. Avec la langue fleurie qu’elle affectionne, Leïla rudoie ce mari hébété dont les jérémiades l’exaspèrent maintenant qu’il a perdu son pouvoir : « Monte, imbécile, toute ma vie, il aura fallu que je supporte tes conneries ! » ...
Le Nouvel Observateur raconte cette semaine comment le couple diabolique formé par la femme du président tunisien et le directeur de la sécurité, Ali Seriati, ont poussé Ben Ali vers la sortie. Jamais le président tunisien n’aurait accepté de décoller si Seriati ne lui avait pas juré que son départ n’était que temporaire. [...] sériati et Leïla ont-ils cru sérieusement que le président ou sa femme pourraient revenir à la tête du pays ou savaient-ils déjà que leur sort était scellé ?
Sara Daniel
A lire dans le Nouvel Observateur du jeudi 10 février 2011
Les dix mots de la révolution tunisienne : Je vous ai compris ; dégage ; Blogueur ... http://tempsreel.nouvelobs.com//actualite/les-revolutions-arabes/20110324.OBS0183/les-10-mots-de-la-revolution-tunisienne-2-degage.html