Ecrit le 22 juin 2011
l’aPPEL DE L’UNION DES USAGERS DE LA ROUTE
L’ensemble des usagers de la route
s’est mobilisé le 18 juin 2011 pour
dénoncer la politique de sécurité
routière du gouvernement, répressive,
inadaptée et injuste.
Nous, usagers français de la route,
citoyens responsables et concernés,
professionnels et particuliers, représentant
l’ensemble des catégories de véhicules :
automobiles, deux et trois-roues motorisés
de toutes cylindrées, loisirs motorisés,
transports de marchandises et de
personnes,
ainsi
que
toutes
les
organisations ou individus souhaitant
s’associer à nous,
On devrait avoir une seconde chance
Il a - non il avait - 35 ans, cadre informa-
tique, appelé à se déplacer pour dépan-
ner les systèmes des agences décentra-
lisées. Pas de problème avec l’alcool. Et
puis un soir, après un « pot » dans l’entre-
prise, une alcoolémie de 0,54 g. Contrôle
de gendarmerie. Trois mois de suspen-
sion de permis, et 450 euros d’amende.
L’engrenage est en marche. Habitant
une petite commune, il ne pouvait se
rendre au travail qu’avec co-voiturage.
Mais il ne pouvait plus se déplacer pour
les dépannages. Perte du boulot. dé-
pression. médicaments. Au bout des trois
mois, on ne lui a pas rendu son permis :
un homme dépressif, cela peut être dan-
gereux sur la route. Le temps a passé,
de visite en visite, avec le coût que cela
représente (55€) pour quelqu’un qui est
au chômage. (La visite médicale et la
prise de sang, n’étant pas liées à une
maladie, mais à un contrôle, ne sont pas
remboursées par la sécurité sociale). La
santé se dégrade. La prise de médica-
ments augmente les Gamma GT. Suspi-
cion d’alcoolisme : pas de permis de
conduire. Avec le vieillissement il est né-
cessaire d’engager une prothèse de
hanche. "Mais monsieur, avec vos
hanches, c’est risqué de conduire. Per-
mis non accordé". L’histoire a duré 9 ans.
L’homme a fini par acheter une voitu-
rette, grâce au micro-crédit. Peu à peu il
s’est reconstruit, la dépression s’est éloi-
gnée. Plus d’antidépresseurs. Et, enfin,
le papier rose du permis de conduire,
sans joie. "J’ai eu le sentiment de le re-
trouver, par un coup de poker . La com-
mission que j’ai rencontrée était peut-être
plus souple (compréhensive) que les pré-
cédentes. Mais tout ça, c’est pas
normal : pour un contrôle d’alcoolémie,
un seul, j’ai gâché 9 ans de ma vie. On
devrait avoir une nouvelle chance, plus
tôt !"
déclarons que, si la sécurité routière reste
bien sûrun enjeu public majeur, elle ne doit
pas servir d’excuse à un harcèlement moral
et financier des conducteurs. La mortalité
sur les routes de France a connu
d’excellents progrès depuis trente ans, et
ce pour tous les types de véhicules. Ces
progrès ralentissent depuis plusieurs
années et se situent aujourd’hui dans la
moyenne européenne, montrant les limites
de la réalité et des politiques actuelles.
D’autres facteurs de mortalité causent
chaque année bien plus de pertes que les
routes, sans pour autant bénéficier de la
même exposition médiatique ou politique,
ni de moyens comparables pour les
endiguer. Il est donc temps de recentrer les
priorités, et de venir à une approche
constructive et intelligente à long terme de
la sécurité routière :
*- En améliorant significativement la
formation et la sensibilisation de tous les
usagers de la route, initiale et continue,
notamment pour inclure une meilleure
connaissance des autres catégories de
véhicules, et ce dès le plus jeune âge avec
un continuum éducatif cohérent.
*- En responsabilisant les conducteurs,
qui doivent rester maîtres de leur véhicule
et de leurs actions, comprendre leur place
sur la route et leurs interactions avec les
autres usagers, et rester à tout moment
attentifs à leur environnement de
déplacement.
*- En redonnant à la sécurité routière
sa place au ministère des transports
plutôt qu’Ã l’Intérieur, c’est un dossier
complexe et transversal qui ne saurait être
traité efficacement sous le seul angle
répressif.
*- En améliorant les infrastructures et
en donnant aux autorités locales les
moyens d’entretenir leurs portions du
réseau routier qui se dégrade fortement au
détriment de la sécurité. Les infrastructures
doivent également prendre en compte
l’ensemble des catégories d’usagers,
notamment les plus vulnérables, et être
décidées en concertation.
*- En reconnaissant et encadrant
certaines
pratiques
spécifiques,
massivement adoptées pour leur efficacité
et leur gain de sécurité (comme la
circulation raisonnable des deux-roues
motorisés en interfiles). Il y a de la place
pour optimiser l’espace public en toute
sécurité.
*- En confiant la verbalisation à des
êtres humains, dotés de la liberté et du
discernement nécessaires à une application cohérente et sincère de l’esprit des
lois, et non à des machines ne tenant
aucun compte des conditions de circulation
et de la réalité du terrain. Les citoyens
doivent avoir la possibilité de se défendre
et de prouver leur bonne foi, ce qui est de
moins en moins le cas, outre que les
procès-verbaux issus des radars sont
validés au centre de Rennes par des
salariés d’entreprise privée, et non par des
agents des forces de l’ordre assermentés.
La verbalisation doit aussi correspondre
aux causes réelles d’accidents, et cesser
de se focaliser sur des facteurs
périphériques ou administratifs. L’objectif
fixé aux forces de l’ordre doit être une
baisse des accidents et de leurs
conséquences, et non des quotas de PV
sans cesse révisés à la hausse.
*- En présentant au public des chiffres
sincères et complets, sans stigmatisation,
tenant compte de l’évolution des parcs
circulants
et
des
responsabilités
impliquées, et prenant du recul avec les
variations saisonnières à court terme sans
signification.
*-
En portant l’attention sur les
comportements plutôt que sur les véhicules, dont aucune assistance électronique, aucun équipement supplémentaire, aucun contrôle technique, aucun
bridage, ne compensera une utilisation
inadaptée. Un véhicule neuf et roulant au
pas peut mettre les autres usagers en
danger s’il est mal utilisé, le problème n’est
pas matériel.
*- En consultant et en écoutant TOUTES
les associations et fédérations d’usagers représentatives, non exclusivement
les associations de victimes, en incluant les
citoyens concernés dans les décisions, qui
doivent correspondre aux réalités de
terrain, respecter les libertés fondamentales et s’inspirer des progrès réalisés
dans d’autres pays ayant prouvé leur
efficacité. Les gouvernements doivent
remettre en question leur politique
uniquement basée sur la répression, qui a
démontré son manque d’efficacité et va à
l’encontre de la Constitution comme des
progrès de nos voisins européens.
Les
conducteurs ont droit au respect et à
une bonne formation et information, et
ils ne doivent plus être massivement
sanctionnés pour les agissements
minoritaires d’individus inciviques.
Nous sommes ouverts au dialogue
constructif avec les autorités, avec des
propositions concrètes et éprouvées pour
faire réellement avancer la sécurité
routière, et mettre les ressources
publiques au service des citoyens plutôt
que l’inverse.
Pour montrer leur unité et leur
détermination, l’ensemble des associations
signataires a appelé à manifester le 18 juin 2011,
désaccord contre la politique répressive et
infantilisante du gouvernement.