Ecrit le 19 mars 2014
Maternité, Parentalité et Handicap
L’établissement public médico-social EHRETIA organise, mardi 8 avril de 9h à 12h30 à Châteaubriant, une conférence-débat sur le thème de la maternité, de la parentalité et du handicap. En effet, concevoir un enfant est un parcours jalonné d’obstacles pour une femme en situation de handicap, tant il peut être difficile de trouver une équipe de soins pouvant répondre aux besoins spécifiques de la future mère et du couple.
Deux professionnelles, à l’initiative de la création d’un service d’accompagnement périnatal et parental pour les personnes en situation de handicap, viendront présenter leurs expériences. Leurs propos seront illustrés également par un film documentaire retraçant le parcours de parents en situation de handicap.
Conférence gratuite, ouverte à tous. S’inscrire au 02 40 81 59 80
Ecrit le 16 avril 2014.
Moi, différente, je donnerai la vie ...
« Ma pauvre fille, tu ne feras jamais d’études longues » : la jeune Béatrice, atteinte du syndrome de Marfan, est condamnée dès le départ. Presque aveugle, elle est atteinte d’une maladie génétique rare qui touche le tissu conjonctif du corps, celui qui forme nos tendons, ligaments, articulations et muscles, y compris le cœur, les vaisseaux sanguins et les yeux. « n’ayant jamais été placée dans une institution spécialisée, j’ai connu la mise à l’écart et la maltraitance pendant mon enfance. L’intervention chirurgicale m’a rendu une partie de ma vision, ce qui m’a permis d’envisager des études supérieures. J’ai alors décidé d’être sage-femme. Malheureusement, j’ai fait une dissection aortique pendant mes études, que j’ai poursuivies malgré l’opposition de mon cardiologue et de la directrice de mon école. Une fois mon diplôme obtenu, un grand ponte de l’aP-HP a tout fait pour que je n’y sois pas embauchée, à cause de ma ’’tare’’ ». Malgré sa très grave maladie Béatrice réussit ce premier combat contre la société qui la met à l’écart.
Son deuxième combat, c’est la maternité. Les médecins étaient complètement opposés à son désir d’enfant. Sa cardiologue de l’époque lui expliquait qu’en tant que sage-femme, elle devait comprendre que cette grossesse n’était pas possible car il y avait « une chance sur deux » qu’elle transmette la maladie. « En plus, si votre enfant est malade, il coûtera très cher à la sécu, m’a-t-elle dit ! » Aujourd’hui, Mathilde, sa fille, est en pleine santé. Elle n’a pas hérité du syndrome de Marfan, et suit des études d’orthophonie.
Par la suite, Béatrice fait un infarctus cérébral et un infarctus médullaire ! Elle ne se déplace maintenant qu’en fauteuil roulant avec une énergie et une joie de vivre qui en remontreraient à plus d’une personne valide. Elle dit « je suis privilégiée car en situation de handicap » et au lieu d’en vouloir à la terre entière, elle réussit à aider les autres !
En 2003, à l’initiative de la journaliste Delphine Siegrist, elle même atteinte d’un handicap moteur, la mission Handicap de l’aP-HP organise le colloque « Vie de femme et handicap moteur : sexualité et maternité », le jour de la Journée de la femme, dans lequel elle apporte son témoignage. C’est le début d’une série d’initiatives, dont la publication par la mission du livre de Delphine ’’Oser être mère’’
Béatrice multiplie les formations sur le handicap : sexualité, parentalité, handicap moteur et sensoriel, etc, Elle apprend même la langue des signes. Puis, avec l’appui du Dr Cohen et en étroite collaboration avec la puéricultrice Edith Thoueille, elle ouvre un Service d’aide parentalité aux personnes handicapées, le seul qui existe en France (tant pis pour les femmes de province !).
C’est cette femme exceptionnelle qui est venue animer une réflexion à Châteaubriant sur le thème « Handicap et parentalité » à l’invitation de Danielle Garaud (directrice de l’Ehretia) et de Claire Vallée (directrice adjointe), en appui au service d’accompagnement à la parentalité qui existe à Châteaubriant depuis deux ans maintenant. « Nous recevons des parents ou futurs parents, de tous types de handicap, depuis le désir de grossesse jusqu’aux 7 ans de l’enfant. Nous voyons avec eux les droits et devoirs des parents, les aspects pratiques (soins à l’enfant, alimentation, sommeil), l’environnement de l’enfant (sécurité affective, autorité, école, etc) ». L’intervention de l’équipe peut se faire à domicile si nécessaire. Actuellement neuf femmes sont accompagnées, sur la base du volontariat. « Notre rôle est d’accompagner, de dédramatiser la situation, de valoriser les aptitudes des parents »
Le désir d’enfant c’est un fait
« Le désir d’enfant, ce n’est pas un droit, c’est un fait » dit Mme Idiard-Chamois. Pour beaucoup de gens, les personnes handicapées n’ont pas de sexualité. Elles sont des êtres asexués car maintenues dans un état d’infantilisation qui ne leur permet pas, croit-on, d’atteindre l’âge de la maturité sexuelle. « Les professionnels de santé sont souvent surpris de découvrir que les personnes en situation de handicap ont une sexualité, même si elles sont tétraplégiques ! » - De plus le temps à consacrer aux personnes handicapées est deux à trois fois plus long que pour une personne valide. « Et pour les hôpitaux, qui ont une tarification à l’activité, cela n’est pas rentable ». Les obstacles sont nombreux aussi : manque d’accessibilité des lieux publics, des cabinets de consultation, manque de formation des soignants en ce qui concerne le handicap.
« Le plus grave c’est l’eugénisme : interdire aux personnes handicapées le droit de donner la vie » dit Mme Idiard-Chamois. L’eugénisme désigne l’ensemble des pratiques visant à transformer le patrimoine génétique de l’espèce humaine dans le but de le faire tendre vers un idéal déterminé. Cette pensée a été largement réutilisée pendant la Seconde Guerre mondiale et Béatrice Idiard-Chamois rappelle que « la première personne exterminée a été un bébé malformé, voilà , ça laisse des traces ! ». La sexualité des personnes handicapées reste un tabou majeur de notre société. Imaginer que des personnes handicapées puissent concevoir est encore trop souvent ... inconcevable. « On doit rester neutre par rapport au désir de grossesse, ne pas imposer ses propres conceptions, c’est aux parents de juger et de dire comment ils se sentent avec leur pathologie. Les personnes handicapées ont droit à l’amour, au couple, à l’enfant ».
« Moins de 10 % des femmes en situation de handicap sont suivies par un gynécologue. Il nous faut faire disparaître cette ’’maltraitance’’ sournoise, cette discrimination qui touche aussi les femmes en institution ». Les femmes handicapées n’osent guère parler de sexualité à un médecin mais elles s’expriment sur des sites internet comme handilove et handi-rencontres , « c’est comme cela que les femmes découvrent l’Institut Mutualiste Montsouris, le seul en France à offrir une consultation grossesse aux personnes en situation de handicap moteur, auditif et visuel ».
Adapter
Le service Mère-Enfant de cet hôpital dispose de locaux adaptés aux personnes en situation de handicap moteur, ainsi que de matériel adapté : une table de gynécologie électrique adaptée pour les transferts depuis le fauteuil, une chambre en hospitalisation adaptée au handicap moteur, un limitateur de boisson pour les personnes en situation de handicap visuel. Les patients handicapés visuels bénéficient de calques thermoformés mis au point par le service d’accompagnement à la parentalité des personnes handicapées (SAPPH) de l’Institut de Puériculture de Paris pour que les mamans aveugles puissent ’’voir’’ leur enfant sur les échographies d’obstétrique. Mme Idiard-Chamois s’est formée en haptonomie, cette technique de caresses et de contacts adressés au bébé, in utero, par les parents. « Ce qui est bien ici, c’est le regard que vous avez sur nous. Nous ne sommes pas différents des autres » disent des parents dans ce service. Chez eux, les parents font preuve de beaucoup d’initiative , adaptant la hauteur de la table à langer, une ’’porte’’ latérale dans un lit de bébé, et autres astuces. Le plus formidable, c’est que l’enfant lui-même s’adapte au handicap de la maman : Mme Idiard-Chamois évoque le cas de ce bébé qui se raidissait d’une façon particulière pour que sa maman, qui n’avait qu’un bras, puisse le prendre facilement.
Le service d’aide à la parentalité de Châteaubriant a détaillé ensuite (de façon anonyme), le cas d’une famille de personnes handicapées mentales qui se débrouillent très bien avec leur enfant de deux ans.
En conclusion, Mme Gilles-Garaud a relevé plusieurs lignes directrices :
- - le désir d’enfant n’est pas un droit mais un fait
- - c’est l’environnement et le regard des autres qui créent le handicap.
- - il est important de travailler en réseau, de faire ’’avec’’ et non pas ’’Ã la place de ’’
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Une maternité accueillante pour parents différents