Ecrit le 8 mai 2019
Fraternité
Roland Feuvrais a lu un poème issu du recueil « Paroles de déportés » d’Yves
ménager. Il n’est jamais inutile de se ressourcer au courage des combattants
qui s’emparèrent du langage poétique pour dire la vie et la mort, la révolte
et l’espoir.
J’ai oublié ton nom, ton visage, tes yeux,
Je sais pourtant que nous étions à deux
Pour tirer le rouleau qui écrasait les cendres,
Et que tu me parlais avec des mots très tendres
De ton pays lointain, d’avenir, de beauté !
J’ai oublié ta voix, ta langue et ton accent,
Compagne inconnue ; mais à travers le temps
Je sens me réchauffant ta main toujours présente
Quand il faisait si froid, quand, glissant sur la pente,
Nous poussions à deux un si lourd wagonnet.
J’ai oublié le jour, la semaine et l’année
Quand, à côté de moi, tu fus soudain nommée
Et que tu m’as quittée, allant vers ton destin !
Mais j’entendrai toujours en d’autres clairs matins,
Les coups de feu claquer et se répercuter.
J’ai oublié ta voix, ta prière, et ton nom
Mais je sais que ta vie, ta vie dont tu fis don
A ta chère patrie et à l’humanité,
N’a pas été perdue et n’est pas effacée,
Qu’elle vit et revit dans la fraternité.
Texte de Lily Unden
déportée à Ravensbruck
C’était le 28 avril 2019, cérémonie en souvenir de la déportation, en souvenir notamment des 29 militants de l’amicale laïque, dont les noms figurent sur la plaque commémorative, place Ch. de Gaulle à Châteaubriant.
Après l’invasion du Luxembourg par les troupes nazies en mai 1940, Lily Unden s’engage dans la résistance en Luxembourg mais elle est arrêtée le 3 novembre 1942 par la Gestapo et déportée au camp de concentration de Ravensbrück,
« On sait le rôle crucial de la poésie dans la résistance morale des déportés. Chacun de ces vers est arraché à la gangue des jours interminables, à la faim permanente, à l’odeur nauséabonde de la mort. Chacun de ces vers est un pari démesuré sur la vie, une affirmation insensée de courage ».
J. Semprun, déporté à Buchenwald.