Ecrit en août 2006
Un atelier de frappe monétaire à Châteaubriant vers 270-275
M. Gildas Salaün, « responsable médaillier » du Musée Dobrée à Nantes, vient de présenter une étude sur 20 pièces de monnaie venues, les unes du musée du Châteaubriant, les autres de la collection du Dr Gruet. D’ici quelques mois, cette étude sera publiée dans les Annales de la Société Bretonne de Numismatique et d’Histoire 2004 (86 quai de la Fosse, 44100 Nantes). Grâce à M. Jacques Santrot, directeur du Musée Dobrée, M. Salaün a bien voulu donner des explications complémentaires aux lecteurs de La Mée.
Frapper monnaie
Au temps des Romains, pour faciliter les échanges commerciaux, l’Empereur frappait monnaie dans des ateliers officiels qui se trouvaient principalement à Rome, Milan et Ravenne. Il en contrôlait étroitement le poids et le titre (c’est-Ã -dire le pourcentage de métal précieux).
Mais les communications étaient difficiles avec les différents territoires de l’Empire romain, c’est pourquoi, en de nombreux lieux, existaient des ateliers, non officiels, qui frappaient des imitations de pièces officielles. Ces imitations ont toutes une caractéristique : la légende est incompréhensible ! En effet le graveur, qui la plupart du temps ne savait ni lire ni écrire, avait bien des difficultés à recopier des lettres qu’il ne comprenait pas.
Avers
M. Salaün a étudié les pièces venant de Châteaubriant. Elles sont petites : 14 à 15 mm de diamètre. Et lourdes en moyenne 1,4 ou 1,5 g. Elles présentent le même avers (côté face) : une tête barbue, couronnée, regardant vers la droite. Les revers (coté pile) sont différents ce qui prouve que l’atelier monétaire a eu une certaine durée.
série au losange
Les pièces de l’une des séries présentent au revers un double losange pointé. Chaque angle du losange central est marqué d’un croissant. Chaque angle du losange extérieur est souligné d’un trait perpendiculaire. Autour : une légende dégénérée, sous la forme d’une succession de A et de S. Le musée Dobrée en conserve 13 spécimens.
série à la Fortune
Une autre série de pièces (7 spécimens au musée Dobrée), est frappée avec le même coin d’avers que les précédentes. Au revers, ces pièces présentent une divinité féminine, la Fortune sans aucun doute, vêtue d’une longue robe, posant une main sur un gouvernail et tenant une couronne dans l’autre main. Elle est accostée de deux X et entourée d’une légende illisible.
Selon M. Salaün, les pièces anciennes (série au losange) sont plus lourdes que les plus récentes (série à la Fortune) : l’évolution des monnaies, et l’inflation qui a toujours existé, ont entraîné, au fil du temps, la fabrication de pièces de moins bonne qualité. L’existence de deux séries de pièces, de même avers, avec des revers différents, montre que l’atelier monétaire de la région de Châteaubriant n’était pas un atelier « ouvert à la demande », mais un atelier d’une certaine durée, sous la direction d’une autorité régulatrice « capable d’ordonner un changement de type monétaire et une baisse du poids des pièces émises. On ne change pas de coins sans raison » dit-il.
Un vicus sous Tétricus
De cette étude, M. Salaün conclut l’existence d’un atelier monétaire dans la région de Châteaubriant, vers 270-275, au temps de l’empereur Tétricus. La ville de Châteaubriant n’existait pas à cette époque. Mais Béré existait. Ce village sans doute bi-millénaire et d’origine celtique « concentre tous les facteurs favorables à l’installation d’un atelier monétaire. Situé le long de la Chère, il est proche des mines de fer de Rougé. C’est d’ailleurs certainement pour ces raisons que le vicus de Béré fut par la suite le siège d’un centre d’émission monétaire (dernier quart du VIe siècle) ».
Dans les années 580, du temps (en France) des mérovingiens, on a pu trouver un millier de lieux d’émission en France, indiqués au revers des pièces. Un « Tiers de sou », frappé à Béré, comporte au revers la mention BAIORATE (qui désigne Béré).
(voir ci-dessus : Tiers de sou, frappé à Béré, vers 580)
Toutes ces pièces (agrandies sur les dessins ci-dessus) sont les témoins de la volonté de « survie » des agglomérations secondaires rurales.
Notes :
– « un coin » est une matrice en creux qui sert à frapper une pièce de monnaie. En agrandissant les dessins on peut savoir si les coins sont identiques ou non
– Vicus : nom latin pour « village »
Du même auteur : l’atelier de frappe monétaire de Guérande
Voir aussi : le trésor de Pannecé
Ecrit le 22 septembre 2010
Tremissis
Le Conseil Général vient d’acquérir, pour 3200 € TTC, une monnaie mérovingienne d’un grand intérêt. Il s’agit d’un tremissis, qui vaut le tiers d’un sou d’or, attribué à l’atelier de frappe monétaire de Béré.
Selon Gildas Salaün, médaillier au Musée Dobrée à Nantes, cette monnaie constitue la première mention épigraphique du nom de Béré. Importante pour l’histoire de Châteaubriant, elle atteste que la fondation du petit bourg de Béré remonte, au moins, à l’époque mérovingienne et plus précisément, ici, aux années 590-610 prouvant que Béré a au moins 1400 ans d’histoire !
Avers. : + BAIORATE, Buste stylisé à droite. — Revers. : + ALAFIVS M, Croix grecque pâtée surmontant un globe
Datation : 590-610
Le fonds mérovingien du médaillier du musée Dobrée, comprend près de 80 monnaies ce qui le place parmi les premiers de France. La fermeture de l’atelier de Béré, comme tous ceux situés à l’est de Rennes (Bais, Beaucé, Fleurigné, Marcillé-Robert et Vendel) est certainement due à l’insécurité continuellement entretenue par les saccages successifs des Bretons dans le comté rennais.
(première parution : 3 novembre 2004)