Ecrit le 29 juin 2005 :
La fièvre de l’Or à Rosia Montana
Des paysans roumains en difficulté face à l’appétit féroce d’une compagnie mi nière canadienne ?
Le cauchemar du développement industriel d’une mine d’or gangrène la vie déjà incertaine d’un village roumain pris dans le chaos de la guerre économique.
Amélie Jolivel, ingénieure agronome de Ercé en La Mée, a passé 7 mois, là -bas, à Rosia Montana,
Elle raconte pour La Mée
Un sous-sol convoité
L’objet du conflit est une terre riche en or et en argent. Sur cette terre, dont le sous-sol éveille tant la convoitise des industriels, vivent quelque 4000 âmes pour le village de Rosia Montana et 8000 pour le village de Bucium.
Ces villages de montagne de Transylvanie vivent d’une agriculture principalement vivrière et leurs habitants tentent de gagner un peu d’argent du travail salarié dans des petites entreprises d’État d’extraction minière tombées en désuétude.
Dans cette zone des Monts Apuseni, l’agriculture n’a jamais été collectivisée, seul le sous-sol riche en or, cuivre et argent a été exploité par l’État. Avant 1948 et la nationalisation des ressources naturelles, les ruraux vivaient à la fois de l’exploitation minière familiale et de l’agriculture.
Ces villages miniers et agricoles gardent de leur passé un patrimoine archéologique immense (on peut y voir des galeries mi-nières datant de l’Empire romain), et un patrimoine architectural charmant.
Les sociétés humaines qui se sont succédé ou mélangées dans ces endroits où beaucoup venaient tenter leur chance, laissent une empreinte riche, un héritage de beaucoup de cultures.
(Le patois local porte les traces d’Allemand, de Français et de Hongrois ; cinq communautés religieuses se côtoient).
Un projet industriel pour « sauver » la région
Aujourd’hui, la vie économique est difficile à Bucium. Depuis 1989, le secteur minier roumain est en profond déclin. De ce fait, Rosia Montana et Bucium, ayant été des zones essentiellement destinées à l’extraction minière, peinent à retrouver un équilibre social dans la déroute de l’économie planifiée.
Dans un contexte où la Roumanie, sous le poids des recommandations des experts internationaux, a choisi la voie de la privatisation des ressources naturelles, des investisseurs étrangers se sont portés candidats à l’exploitation minière de Rosia Montana puis de Bucium.
« Rosia Montana Gold Corporation »
c’est le nom de la société minière. Elle est financée à 80%, (et donc dirigée !!!), par la compagnie canadienne « Gabriel Resources Ltd » qui cherche à s’implanter à Rosia Montana.
Le projet est très ambitieux car il s’agit d’édifier la plus grande mine d’or à ciel ouvert d’Europe !
Cyanure
Les techniques opérationnelles du projet sont l’extraction en carrière à ciel ouvert, le traitement du minerai au cyanure et le stockage des boues résiduelles à l’extraction dans un immense lac de 800 ha.
Pour l’implantation de tels monstres industriels, il faut déplacer plus de 2000 habitants, construire toutes les infrastructures nécessaires. Il est inutile de parler du patrimoine archéologique, historique et paysager qui bien entendu serait détruit.
Les experts de cette compagnie enveloppent ce projet façon « cauchemar de Darwin » du doux mot de « développement durable ».
En effet, proposent-ils, les habitants vont être relogés selon les standards occidentaux, le traitement des déchets répondra aux normes internationales (qui, on le sait, n’existent pas) et un musée sera érigé pour « décrire » et « mettre en valeur » le feu patrimoine historique. Tout cela, bien entendu, serait censé créer de l’emploi et sauver les habitants de leur situation misérable...
En soi, un projet beau, lissé et propre tout à fait adapté au vocabulaire de la « consultance », des « experts » et des techniciens, couché dans des dossiers bien reliés séduisant certains représentants de l’Union Européenne.
David contre Goliath
Cependant, sur place, une association, « Alburnus Maior », ne l’entend pas de cette oreille. Desserrez vos cravates Messieurs les experts économiques, ils ne veulent pas de ce projet !
Depuis 1998, ces habitants, paysans et propriétaires terriens de Rosia Montana, se battent pour montrer les risques environnementaux réels, pour que l’on reconnaisse leur droit à rester chez eux et enfin pour que l’on préserve le patrimoine archéologique et historique.
Ils veulent pouvoir décider de l’avenir de leur communauté.
Curieusement, ils ont eu du mal à parvenir à se faire entendre.
« Non », disent-ils, la région n’est pas inéluctablement pauvre mais ne bénéficie tout simplement pas de l’appui politique nécessaire pour que l’on reconnaisse que c’est aussi une région agricole, une région avec également un attrait touristique.
Leur combat est complexe,
la tâche est ardue.
Par exemple, même les autorités roumaines refusent de reconnaître la région agricole.
De fait, selon les statistiques nationales, on n’est pas agriculteur en Roumanie en dessous de 25 vaches laitières. En résumé, il n’y a pas d’appui officiel car il n’y a pas de « professionnel » de l’agriculture reconnu.
Ces petites régions agricoles sont réellement méprisées.
Une chance de gagner
La lutte entre l’association Alburnus Maior et la compagnie minière fait rage.
Dans cette campagne, les citoyens de Rosia Montana doivent faire face à la corruption des autorités locales par la compagnie ainsi qu’Ã la désinformation.
La compagnie minière prétend créer de l’activité économique et cherche à conquérir les jeunes et les élus par le miroir aux alouettes du pouvoir de consommation.
Alburnus Maior tente d’organiser du mieux qu’elle peut sa pression médiatique mais se bat également pour que soit reconnu le droit de décider d’un équilibre social alternatif.
La troisième voie entre l’économie socialiste minière et
l’engloutissement de tout un village par le projet délirant d’une société canadienne semble se profiler : pourquoi ne pas renforcer le poids agricole de la commune ?
Pourquoi ne pas essayer des projets agro-touristiques ?
Ces micro-projets font doucement rire la compagnie mais ils forment la nouvelle base créative d’Alburnus Maior qui mérite d’être encouragée.
Les opinions publiques nationales et internationales ne s’y trompent pas et Alburnus Maior gagne beaucoup de sympathie.
Même le gouvernement roumain a pris position en Mai 2004 contre le projet.
L’espoir est grand pour Rosia Montana.
prédator
Et rappelez-vous :
le 30 Janvier 2000, une digue retenant les eaux de traitement d’une mine d’or s’est rompue en Roumanie, à Baia Mare, juste au nord de Rosia Montana.
Les eaux chargées de métaux lourds de plus de cent tonnes de cyanure ont pollué 800 km de rivière, jusqu’au Danube.
Au petit matin de la catastrophe :
– les Dracula dirigeant l’entreprise s’étaient envolés avec la caisse, vers un paradis fiscal.
– Derrière cette digue, le lac d’eau empoisonnée était 10 fois plus petit que celui prévu pour Rosia Montana.
Gold Corporation dans son projet de développement durable : Une Blague ? Non, notre réalité !
Pour en apprendre plus et faire circuler l’information :
Amélie JOLIVEL
ameliecmoa@hotmail.com