Ecrit le 6 octobre 2010
Vers l’économie de proximité
Remarquable conférence de Michel Roudet, le 30 septembre, au Conseil de développement, sur le thème : « Initiatives locales et dynamiques de territoire ». Dommage qu’il y ait eu si peu d’élus présents !
Conférence ? Non, plutôt réflexions à partir d’expériences concrètes. Michel Roudet en effet, de par son métier, intervient dans de nombreux dossiers de développement local basé sur les petites entreprises et les activités de proximité.
c’est géant
On oppose le local (proximité) et le global (mondialisation). « Or les deux sont complémentaires. Plus la globalisation se développera et plus nous aurons besoin d’un échelon local » dit-il. Il faut stopper le type de croissance que nous avons connu jusqu’Ã maintenant, basé sur le quantitatif, le « toujours plus », « il faut passer au qualitatif, aller vers le mieux de tout ».
Les acteurs ? Les Pouvoirs publics s’intéressent aux grandes entreprises. « c’est vrai, il faut les soutenir. Mais soutenir les autres aussi ». Le libéralisme ne prend en compte que les grosses entreprises, prône la concurrence en disant que cela favorisera les consommateurs : plus de produits et des prix en baisse. « En réalité on constate le contraire : les grosses entreprises deviennent de plus en plus grosses en absorbant leurs concurrentes. La concentration conduit aux choix restreints et à l’augmentation des prix ! Car on a favorisé la concurrence, sans la réguler ».
Nos concitoyens résistent donc à la standardisation, ils doutent des bienfaits du gigantisme (en matière d’habitat par exemple), ils éprouvent le besoin d’affirmer leurs identités : les besoins de proximité se renforcent ! De plus, le rapport au travail a changé : le travail n’est plus un but, c’est un moyen permettant de mettre en avant le bien-vivre et les loisirs.
Le gigantisme de la production a mené à la crise de la vache folle. Le consommateur s’attache désormais au rapport qualité/prix.
Le gigantisme en matière économique a conduit aux délocalisations massives et aux pertes d’emplois.
Le gigantisme en matière financière a provoqué la grave crise que nous connaissons actuellement. Les mentalités évoluent !
Le gigantisme en matière commerciale est en perte de vitesse, surtout quand on connaît les pratiques de la « grande distribution ». « On revient donc aux achats responsables, à l’alimentation bio, au commerce équitable ».
Quelle proximité ?
Pour Michel Roudet, il faut prendre en compte deux proximités : la proximité géographique et la proximité relationnelle.
Un hypermarché, par exemple, peut avoir une proximité géographique, mais pas de proximité relationnelle.
Un site de vente par internet, n’a pas de proximité géographique, mais peut avoir une proximité relationnelle.
Les commerçants et artisans locaux, les associations, les circuits courts de vente des produits agricoles, peuvent avoir à la fois une proximité géographique, et une proximité relationnelle.
Mais les choses évoluent : les hypermarchés créent des systèmes de franchises vers des petits magasins, pour trouver la proximité relationnelle qui leur manque. En échange, les petits magasins peuvent faire des achats groupés pour trouver les prix intéressants des hypermarchés.
Les sites de e-commerce ont des représentants locaux, des points de livraison qui les rapprochent des clients. Et les commerçants-artisans locaux réalisent des sites internet leur permettant de se faire connaître assez loin.
Il n’y a donc pas de frontière infranchissable entre proximité et mondialisation.
développement territorial
Pour Michel Roudet, il existe des territoires de production (on produit sur place, on vend ailleurs), et des territoires de captation (où l’on peut capter des richesses sans les produire, par exemple en vivant des revenus des retraités, des touristes, des habitants ) . « Quand on est dans un territoire peu industrialisé, il faut penser à la captation » dit-il. « l’activité culturelle ou sportive permet aussi le développement d’un territoire »
Pour lui, il faut combiner trois sortes de proximité :
– La proximité domestique (logement, nourriture)
– La proximité d’agrément (loisirs, culture)
– La proximité d’attention ( équipements médicaux, sociaux)
Et il donne un exemple : « si demain, quand le train arrivera à Issé ou Abbaretz, la boulangerie ferme trop tôt, les voyageurs achèteront leur pain à Nantes, au lieu de favoriser le commerce local »
Etincelle
« Pour développer un territoire, il faut souvent une étincelle ». Mais si l’idée émise se heurte à trop de pesanteurs, rien ne se fera. « Il faut aussi du carburant et de l’air » c’est-à -dire une combinaison d’acteurs locaux : les élus, les acteurs économiques, les associations et même les individus. [Ndlr : et c’est là que l’absence des élus aux réflexions du Conseil de développement sera dramatique à terme. Car les élus, dans notre région, croient qu’ils sont les seuls à avoir des idées et étouffent l’expression des non-élus]
Michel Roudet a fait référence à des exemples de réussite : Bécherel (200 habitants et la Cité du Livre), L’Isle sur la Sorgue (14 000 habitants et 25 antiquaires ou ateliers d’artistes), Nyons (7000 habitants et son commerce d’olives noires avec label international).
En conclusion, Michel Roudet a cité l’important rapport fait par Pierre Martin, au Conseil Economique et Social (publié le 6 octobre 2010) :
http://www.conseil-economique-et-social.fr/rapport/Avis_P_MARTIN.pdf
L’économie de proximité sera une chance pour l’avenir à condition qu’elle ne soit pas le symbole du repli et de la frilosité mais porte en elle confiance et espoir.
« Les acteurs de l’économie de proximité ont essentiellement besoin, aujourd’hui, d’outils de diagnostic territorial. Seule une analyse fine peut déterminer des ressources spécifiques et les moyens de les valoriser, dans le cadre d’un projet particulier. Le modèle de développement territorial valable partout est une vue de l’esprit, l’économie de proximité a besoin de sur-mesure » dit le rapport.
« Dans cette perspective, on peut se demander si la notion de territoire de projet n’est pas le meilleur atout : elle repose en effet sur l’idée qu’il n’y a que des projets spécifiques, reposant sur des ressources spécifiques, réclamant une ingénierie spécifique ».
« La difficulté principale rencontrée par les acteurs locaux, et sur laquelle ils ont besoin d’accompagnement, est d’identifier les partenaires de futures relations de proximité (). Entrepreneurs, monde associatif, élus charismatiques de terrain. Ces trois forces vives œuvrent à la dynamique des territoires. Il faut donc nouer contact pour tirer parti de leur potentiel de coordination ».
Au moment où va (peut-être ?) s’engager la réflexion au sujet d’un SCOT (schéma de cohérence territoriale) pour le Pays de Châteaubriant, ces questions sont essentielles.
A propos de « mondialisation » : http://www.fakirpresse.info/articles/356/maurice-allais-contre-le-mondialisme-vive-le-protectionnisme.html