Ecrit le 28 novembre 2012
Le 6 novembre 2012, l’association Rencontres avait invité l’association nantaise Tissé-métisse dont les objectifs sont à peu près les mêmes : lutter contre la discrimination. Cette association est née en 2003 et a pris la suite d’une autre association créée 10 ans plus tôt et qui se contentait d’organiser des fêtes. « Nous avons pensé qu’il fallait mener des actions toute l’année, fortifier aussi bien les acteurs que l’esprit de solidarité, et d’espoir ». Ne se limitant plus à Nantes, l’association s’intéresse à tout le département. « Dans le monde rural, ce que nous avons le plus ressenti, c’est la question des gens du voyage ».
Photo : Bernard Pluchon (au centre) entre
deux responsables de Tissé-métisse
Bernard Pluchon, sociologue, est donc venu parler de cette catégorie de gens « qui n’existe qu’en France », une population très méconnue, stéréotypée et affublée de représentations négatives. « La France a créé pour eux un statut particulier, unique au monde, ne leur accordant ni les mêmes droits ni les mêmes devoirs que les autres. On les appelle des nomades (même s’ils sont sédentaires une bonne partie de l’année), on les croit » pas d’ici « alors que la majorité d’entre eux sont Français ». On dit qu’ils se déplacent beaucoup mais on ne dit pas la même chose des autres Français qui, en retraite souvent, sillonnent la France une partie de l’année, en camping-car.
Nomades, forains, voyageurs, tziganes, manouches ces termes sont employés indifféremment alors qu’ils recouvrent des réalités différentes voire des statuts différents. Depuis 1970 on dit plutôt « Gens du voyage » sans savoir ce que cela recouvre. Une façon de faire le tri entre « les bons pauvres » et les mauvais pauvres, ceux qui viennent d’ailleurs ou simplement du village voisin.
En 1912 a été créé un dispositif de contrainte, une sorte de passeport de l’intérieur que les gens du voyage devaient faire viser à chaque déplacement. De tout temps les gouvernements se sont inquiétés des vagabonds et des populations nomades. Les Brigades du Tigre, créées en 1907, étaient plus spécialement chargées de cette surveillance. Lors de la seconde guerre mondiale, les nomades (pourtant Français) ont largement fait les frais de cette suspicion systématique, surtout quand ils portaient des noms à consonnance germanique : ils ont été internés jusqu’Ã la fin de la guerre, bien après la libération du territoire.
Bernard Pluchon rappelle que ces nomades sont arrivés en France aux XIVe-XVe siècles, à l’époque où la nation française n’était pas constituée. Ils ont été mercenaires et collecteurs d’impôts au service de la noblesse, mais, lorsque Louis XIV a voulu imposer le pouvoir royal, ces nomades ont été envoyés aux galères, pour empêcher les nobles de collecter l’impôt pour eux-mêmes.
Inassimilables ?
Une idée trop fréquente : « ces gens-là sont inassimilables ! ». Eh bien c’est faux ! Car, au fil des siècles, de nombreux nomades se sont parfaitement assimilés. Parmi eux on compte des avocats, des médecins, des prêtres catholiques.
Ce qui choque chez les Gens du Voyage, ce sont les belles voitures. En fait il s’agit de choix différents : majoritairement les familles en France ont choisi d’avoir de belles maisons (quitte à ne manger que des pâtes). Mais, eux, les Voyageurs, ils investissent dans des voitures capables de tracter leur caravane. Pour autant, ils souhaitent se poser plusieurs mois par an, en particulier le temps de la scolarité des enfants.
Pourquoi se déplacent-ils ? Pour deux raisons : 1) la famille, chez eux, est une notion sacrée. Par exemple quand un membre est malade, la famille se rapproche pour donner un coup de main. Pour cela ils ont besoin d’aires d’accueil, puisque les campings leur sont interdits. L’idéal pour eux, ce sont les terrains familiaux, comme à Jans : une construction centrale qui abrite les sanitaires, une cuisine commune et une salle commune, et des emplacements aménagés autour pour y installer les caravanes d’habitation. Mais 80 % des communes interdisent l’habitat mobile, outrepassant ce que dit la loi à ce sujet.
Mais c’est la crise actuellement, le travail a disparu partout, la précarisation gagne du terrain. Ceux qui le peuvent sont restés artisans ou marchands forains, ou tout type de travail indépendant.
Famille, travail, voyage : les « voyageurs » ont du mal à vivre dans la société actuelle où la famille n’est plus grand chose, où le travail manque cruellement.
La religion est une des réponses à l’exclusion dont ils sont l’objet, un moyen de se retrouver dans une communauté. Mais on parle à tort de LA communauté des gens du voyage, car il n’y a pas de culture commune ! Et si leur comportement nous étonne parfois, il faut se demander quelle est la part des habitudes ancestrales et quelle est la part des stratégies d’adaptation à un monde hostile.
Bref, il y a encore du travail à faire pour apprendre, d’un côté comme de l’autre, à vivre ensemble. C’est bien que des associations comme Rencontres et la Lions’club se saisissent de ces questions de discrimination !
Rencontres : 02 40 81 16 50
Un livret d’accueil
« s’informer pour mieux comprendre » : l’association Tissé métisse a édité une plaquette d’information, à la disposition des structures qui en font la demande auprès de Cyrille 02 51 84 25 80
Une exposition
Cette exposition, se veut être support d’information pour le grand public et les acteurs. Construite avec l’appui de jeunes Gens du Voyage, de spécialistes, d’animateurs de centres socioculturels en milieu rural, elle est un premier pas vers le public afin de l’informer sur les réalités de vie des Gens du Voyage. Elle est accompagnée de livrets et d’un document d’information synthétique en cours de réalisation. On peut la voir ici
Le SRI
Le SRI (Services Régionaux Itinérants) est au 26, place Pierre sémard, 44400 REZE Tel : 02 40 75 42 53 Fax : 02 40 75 42 53 - Courriel
Il propose des actions d’Insertion sociale et professionnelle (notamment accompagnement micro-entrepreneurs) : des actions de Formation et scolarisation (accompagnement scolaire pour les enfants, atelier mobilisation savoirs de base, pour les adultes).
Il peut servir aussi de service courrier et élection de domicile.
Sites internet :
Carnet de circulation
Le 5 octobre 2012, le Conseil constitutionnel a supprimé le « carnet de circulation », que les nomades français devaient renouveler tous les trois mois (et ce depuis 1912).
Ce « carnet de circulation » s’imposait à tout Français de plus de 16 ans, ayant une résidence mobile depuis plus de six mois et ne pouvant justifier de ressources régulières. Le carnet devait être renouvelé tous les trois mois dans un commissariat de police ou une gendarmerie, et concernait au moins 100 000 personnes, selon Louis Gouyon de Matignon, président de l’association de défense de la culture gitane. Les Sages l’ont jugé contraire à la Constitution, estimant notamment qu’il portait une « atteinte disproportionnée à l’exercice de la liberté de circuler ».
Les associations attendent davantage, notamment la réalisation d’aires d’accueil. « On compte seulement 20 000 places aujourd’hui en France, même pas la moitié de ce que l’Etat estimait nécessaire au moment du vote de la loi Besson, en 2000. »