Ecrit le 9 mars 2011
Tunisie : Les femmes à la rue
Voici un article d’une féministe tunisienne, Neila Jrad, paru dans le n°216 du 29 janvier 2011 d’Attarik aljadid, la Voie nouvelle. Intéressant à connaître à l’occasion du 8 mars, journée internationale des femmes.
Depuis le 14 janvier 2011 (qui a vu la chute de Ben Ali, président-dictateur de Tunisie, chassé par la force de la volonté populaire), nous vivons dans une atmosphère d’ébullition et de confusion qui facilite tous les excès mais aussi fait émerger de multiples espoirs. Depuis cette date, la république démocratique tunisienne dont nous avons rêvé depuis tant d’années, pour laquelle hommes et femmes se sont engagés dans le combat politique et démocratique et pour laquelle sont morts plusieurs dizaines de jeunes tunisiens, semble à portée de main.
Mais de nombreux obstacles et dangers sont aujourd’hui présents sur les stratégies pour y parvenir et sur les contours à donner à cette république.
Femmes actives et peu présentes
Durant tout le processus qui a conduit au 14 janvier, les femmes ont été très actives dans les syndicats, les manifestations, les associations et les partis politiques. Pourtant, il y a peu de femmes ministres dans le gouvernement de transition actuel en dehors du traditionnel ministère de la femme et, chose nouvelle, du ministère de la culture. Elles sont aussi très peu présentes dans les débats télévisés.
Dans les discours prononcés depuis le 14 janvier, les débats organisés par les chaines de télévision, les conférences de presse, la question de l’égalité citoyenne des femmes n’a jamais été posée. On aimerait croire, étant donné la place que les femmes de tous âges et particulièrement les jeunes ont occupée dans le mouvement, que la question de leur citoyenneté et de l’égalité apparait comme une évidence. Quelques indicateurs semblent pourtant montrer le contraire. Par exemple, quand il s’est agi d’organiser les comités de quartier, les femmes n’ont pas été sollicitées ou très peu alors qu’elles ont montré leur détermination et leur courage dans les autres mouvements en particulier dans la rue.
Violences sexistes
Elles en ont d’ailleurs payé les frais sous la forme des violences policières spécifiques subies dans les manifestations (tirage de cheveux, insultes à caractère sexistes, attouchements grossiers, on a même parlé de viols ), dans les postes de police et même dans les maisons dans lesquelles se sont introduits, dans certaines régions du pays, les forces de la répression. Ces violences sont spécifiques parce qu’elles se sont exercées sur les femmes parce qu’elles sont des femmes. Et pourtant nul n’en a parlé. Elles se sont trouvées noyées au sein des violences générales subies par tout le peuple tunisien durant plus de trois semaines. Pourtant, dans cette révolution qui fut celle de la révolte contre l’atteinte à la dignité humaine, ces violences policières faites aux femmes méritaient largement d’être signalées.
Femmes marginalisées
Malgré leurs luttes, leur présence sur la scène politique, leur courage et leur combativité, les femmes se trouvent encore une fois marginalisées sur la scène politique. En nombre et en prise en compte de leurs aspirations à une égalité réelle. Cette marginalisation se trouve confirmée par les réponses que nous recevons lorsque nous remarquons la faible présence des femmes au gouvernement : on verra après, nous dit-on. Et lorsque nous voulons nous retrouver pour réfléchir sur le sens à donner à cette république démocratique en projet et sur le rôle que les femmes peuvent y jouer pour qu’elle leur garantisse l’accès une citoyenneté pleine et entière, nous nous entendons dire, et parfois même par des militantes politiques voire féministes, que ce n’est pas le moment.
Cela est d’autant plus surprenant et même alarmant que l’on sait que Bourguiba, au lendemain de l’Indépendance, a considéré comme une priorité absolue d’établir des ruptures avec le passé en ce qui concerne le statut des femmes dans la société : le CSP promulgué en 1956 est le premier code promulgué par la jeune république tunisienne parce que le statut des femmes dans une société est un indicateur pertinent du degré de modernité de cette société. c’est d’ailleurs ce statut des femmes tunisiennes entre autre que les états européens n’ont arrêté de mettre en évidence pour s’aveugler sur les excès dictatoriaux de Bourguiba, Ben Ali et de leur régime. Or aujourd’hui, il faut le dire clairement : il n’y aura jamais de démocratie réelle en Tunisie sans égalité totale des droits des hommes et des femmes.
Danger pour les femmes
Neila Jrad s’inquiète. Pour elle, le parti de Rached Ghannouchi, Ennadha, n’est pas seulement un parti politique « étant donné qu’il puise ses référents politiques dans la religion musulmane ». Il est vrai que c’est un islamisme modéré mais « l’existence de Ennahdha peut mener à l’existence d’autres partis islamistes plus modérés ou plus radicaux mais qui risquent fort d’avoir les mêmes référents ». « Un danger menace donc les droits des femmes et leur statut dans la société du fait même de la présence sur la scène politique de partis à référents religieux qui ont toutefois la caractéristique de ne pas considérer que les femmes ont les mêmes droits que les hommes, leur droit à la liberté étant régi par la religion musulmane. Plus grave encore, ces partis peuvent trouver une assise populaire qui puise sa source dans la misogynie ambiante et dans les conceptions rétrogrades de la place des femmes dans la société. Ils peuvent donc constituer un frein au développement des droits des femmes dans le sens de l’égalité totale » dit-elle encore en affirmant : « Il est fondamental pour la démocratie politique mais aussi sociale que l’état démocratique à venir ne soit le monopole ni d’un parti ni d’une religion, que la république soit à la fois démocratique et laïque, basée sur la justice sociale et l’égalité entre tous et toutes, pour tous et toutes »
Neila Jrad (extraits)
http://attariq.org/spip.php?article1101&id_document=5322&lang=fr#documents_portfolio
Ecrit le 9 mars 2011
Libye : femmes dans la révolution
En Libye, de nombreuses femmes participent à la mobilisation, sans pour autant s’écarter du rôle qui leur est assigné dans une société conservatrice. « Je viens apporter ma contribution », explique Najah Kablan, inspectrice d’anglais dans l’enseignement, voilée comme la grande majorité des Libyennes. « Nous recueillons les slogans inventés par les gens pour les inscrire sur des affiches et les mettre dans la rue ». « Mes parents m’encouragent à m’impliquer dans le mouvement », indique Zoha al-Mansouri, étudiante en anglais et fille unique. « Je ne crois pas que la relation entre hommes et femmes change après la chute du régime », ajoute-t-elle.
« Sur les 13 membres de la coalition de la révolution, il y a trois femmes, dont deux non voilées », remarque Madame Hanaa el-Gallal, une des porte-parole du soulèvement, dont le voile laisse apparaître une partie des cheveux. « Avec les hommes, nous avons pleuré ensemble, partagé les succès ensemble », se remémore-t-elle.
« Mais à l’extérieur, étant donné que nous sommes musulmans, les hommes tiennent à protéger les femmes, tout comme les enfants, pour qu’ils ne soient pas bousculés », poursuit Hanaa el-Gallal, juriste spécialisée dans le droit international et les droits de l’Homme. L’exubérance des manifestantes n’a pourtant rien à envier à celle de leurs camarades masculins.
(Source : AFP- 28.02.2011) et http://www.lalibre.be/actu/international/article/645722/libye-les-libyennes-s-engagent-dans-le-soulevement-sans-sortir-de-la-tradition.html
Ailleurs ...
– Plus de 2000 femmes meurent chaque jour au Burkina Faso des complications liées à la grossesse et à l’accouchement parce qu’elles n’ont pas eu accès aux soins nécessaires.
– En Côte d’Ivoire, une enquête d’Amnesty International révèle que les forces fidèles au président ivoirien sortant Laurent Gbagbo et à son rival Alassane Ouattara, reconnu comme le vainqueur de l’élection par la communauté internationale, se livrent à des violences sexuelles et autres atteintes aux droits humains.