Justine et Carmen, la blonde et la brune, yeux bleus, yeux bruns, la Polonaise et la Roumaine : deux jeunes filles venues au Lycée Guy Môquet pour parfaire leur français et passer un baccalauréat littéraire.
Elles ont 19 et 20 ans et parlent un français parfait (presque !) avec une pointe d’accent étranger qui donne du piquant à leurs propos. Un regard vif et rieur, une aisance naturelle : des jeunes filles sympathiques comme on aime en rencontrer.
Justine Kantorowicz et Carmen Marinescu sont nées toutes les deux, quel hasard !, un 23 avril. Elles ne se connaissaient pas avant de se rencontrer sur les bancs du lycée, dans une classe déjà constituée depuis la classe de Première et qui a su les accueillir. Les deux jeunes filles se destinent à une carrière internationale utilisant les langues vivantes, c’est pourquoi elles ont choisi de venir passer leur baccalauréat en France. Et pourquoi pas à Châteaubriant ? Le professeur de Français de Justine est une amie de M. Montlaurent, Proviseur du lycée Guy Môquet. Quant à Carmen, elle a noué des liens d’amitié avec des castelbriantais à qui elle a servi d’interprète lors d’un de leurs voyages à Brabova. Pour l’une et l’autre ce fut, à Châteaubriant, l’internat en semaine et l’accueil dans des familles au week-end. Un peu de cafard d’avoir quitté leur famille ? « Pas trop, parce que, heureusement, nous sommes vite devenues amies, nous avions les mêmes problèmes, nous avons pu nous soutenir. Et puis les Français qui nous ont accueillies ont été adorables et nous avons pu téléphoner longuement à nos familles ».
Loooong ...
Un « étranger », c’est toujours un moyen de comparer des cultures, de se voir dans un regard venu d’ailleurs. « Nous avons pu découvrir la vie quotidienne des élèves français, cela nous a beaucoup surprises au départ » - « Les longues journées d’école : on me l’avait dit, mais ici j’ai pu l’éprouver physiquement, c’est dur au début. Et puis l’organisme s’adapte » dit Carmen, mais tout de même, en comparaison des systèmes polonais, roumain, allemand, où les élèves n’ont cours que 4 à 5 heures le matin, cela paraît bien long. « Ici les jeunes doivent travailler en classe. Nous, nous préférions travailler à notre rythme, l’après-midi, le soir. Ici on dirait que les adultes ne font pas confiance aux jeunes : ils préfèrent les avoir toujours à portée de vue » dit Justine.
Les deux jeunes filles ont manifesté leur surprise face à la façon dont se déroulent les cours : « les professeurs sont distants, les relations avec les élèves ne dépassent pas le cadre professionnel. Chez nous il y a la fête des profs, et on leur offre une fleur, comme le jour de la fête des femmes. A Noë l, ou à la St Nicolas, toute la classe signe sur une carte destinée au professeur principal. Ici tout est différent. »
Justine et Carmen sont étonnées à la fois par la discipline et l’indiscipline des jeunes Français « La discipline ? Il faut les voir prendre leurs cours, en mettant les titres en couleur, en soulignant les têtes de chapitre. N’est-ce pas du temps perdu en classe ? » - « A côté de cela, les jeunes ne sont pas regardants sur leur comportement. Ils arrivent en retard sans s’excuser, souvent ils entrent dans une classe sans dire bonjour, et ne se lèvent pas quand arrive le directeur »
Minuté
« Ici, ce qui nous a le plus surprises, c’est que tout est minuté. Du matin 8 h jusqu’au soir 18 h, il n’y a pas de temps pour la fantaisie, tous nos instants sont occupés, tout est organisé, trop sans doute, pas de temps perdu. Pour faire une dissertation, en français ou en histoire, ou en philo, il faut faire un plan . Et quand arrive le week-end, il faut l’organiser aussi, sinon on est irresponsable. Cet excès d’organisation nous a laissées bouche bée au début » . Et puis maintenant Justine et Carmen font ..... comme les autres : « que fais-tu demain soir ? Attends, je prends mon agenda ».
« Tous les cours, tous les devoirs, sont organisés un peu de la même façon : annoncer le plan, la problématique, l’idée principale, la thèse, etc, cela manque de spontanéité » « chez nous, on développe la personnalité des élèves. Ici nous avons le sentiment que l’élève doit se conformer à un modèle imposé »
La vie d’interne
La nourriture (celle de l’internat) leur a laissé un bon souvenir : « La plupart du temps, c’est très bon et nous avons le choix entre plusieurs viandes, salades, fromages » — « Pas question de pouvoir maigrir en France, on mange trop et trop bien » insiste Justine tandis que Carmen est sensible à l’aspect social du repas : « ici c’est bien, tout le monde mange ensemble ».
« Ce qui m’a gênée, c’est de ne pas pouvoir retourner à l’internat dans la journée. Chez moi je pouvais me changer en milieu de journée, ou me laver. Ici il faut quitter le bâtiment à 7h30 et ne pas y revenir avant le soir » dit Justine. Carmen a également manifesté sa surprise : « Pourquoi les adultes ne font-ils pas confiance aux jeunes ? Ici on doit toujours dire où on est, il est impossible de sortir librement dans la journée » : Mme Broustal, Proviseur Adjoint, a dû leur expliquer la complexité de la notion de responsabilité dans un établissement scolaire. En Pologne comme en Roumanie, le lycée ressemble davantage à nos universités, paraît-il.
Est-ce pour cela que les jeunes en France, très encadrés jusqu’Ã la fin des lycées, ont peur d’affronter l’inconnu ? « Chez nous, nous avons le sentiment d’être plus libres d’aller ou non à l’école, ou au cinéma. Nous sommes moins protégés, on nous incite davantage à nous prendre en charge »
A part ces questions d’école, Justine et Carmen ont pu s’intégrer largement à la vie castelbriantaise : « Nous avons toujours été très bien reçues dans les familles, qui nous ont donné la possibilité de participer aux expositions, aux concerts, aux soirées théâtrales ou autres. Châteaubriant est une petite ville calme et vivante qui nous a bien plu »
Et voilà , l’année se termine, déjà pourrait-on dire. Elle fut enrichissante pour Justine et Carmen, et pour leurs camarades de classe qui ont pu échanger avec elles des idées et des initiatives. Souhaitons-leur de décrocher leur baccalauréat et de faire, comme d’autres : de garder des amitiés avec les personnes rencontrées à Châteaubriant.
Le lycée Guy Môquet accueille d’autres nationalités : Norvège, Maroc, etc. Pour l’an prochain, il se prépare à accueillir une autre Roumaine et tous ceux qui sauront que Châteaubriant est capable de leur offrir un enseignement et une vie de qualité.