Ecrit le 29 octobre 2014
Chez les Inuit
Rogatien Papion est né à Moisdon en 1921. Attiré par la prêtrise, il s’oriente rapidement vers la formation de missionnaire. Il souhaitait aller au Laos : mais ce fut ’’le grand Nord’’, chez les Inuit (qu’on appelait : les esquimaux à cette époque). Il y est resté 50 ans, n’allant chercher le courrier qu’une fois par an, à 500 km. Immersion totale dans la population locale dont il apprit la langue (avec ses suffixes, ses affixes et ses déclinaisons) et la façon de vivre, sur une ’’paroisse ’’ de 25 000 habitants répartis sur un territoire grand comme quatre fois la France où le thermomètre descend couramment à -40°. « La seule chaleur se trouve dans le cœur des hommes ». C’est tout un apprentissage : apprendre à chasser le caribou et le phoque, à pêcher la truite de mer et le saumon, à dresser des chiens de traîneaux, à tailler des blocs de neige pour faire un igloo, à cuisiner à la graisse de phoque car il est impossible d’apporter du charbon et du fuel.
Evangéliser, c’est son rôle, certes et cela peut parfois sauver des vies comme cette fois où Rogatien Papion se lance à la recherche d’une famille, toute une semaine : ’’iglu abandonné, chiens crevés, pas de trace de caribou’’, la famille fuit la famine. « Nous la retrouvons vers onze heures du soir, ils n’ont pris qu’une truite de lac de dix centimètres, pour 11 bouches à nourrir »
La famine, le froid. « Quand on retrouve des personnes mortes de froid, les cadavres sont souvent trouvés en train de se désabiller. J’ai fait l’expérience d’un étouffement dû aux efforts que l’on ne peut plus faire pour respirer. On étouffe parce qu’on n’a plus la force de soulever la poitrine. La buée expirée gèle, la trachée, la bouche sont encombrées de glace ».
C’est à partir des notes laissées par Rogatien Papion que sa nièce Martine Morineau (de Villepôt) a écrit un livre. On y découvre de nombreuses notes sur la vie des Inuit et notamment leur solidarité, leur sens du partage. Un jour, fatigué, Rogatien s’endort. Quand il s’éveille, il s’aperçoit que son compagnon a laissé de la nourriture pour lui en lui disant « tu vois, si nous avions eu beaucoup de viande, j’aurais mangé à ma faim sans me soucier de toi. Comme tu as beaucoup marché, j’ai préféré te laisser te reposer, mais manger, en cachette, quand il n’y a pas assez de nourriture, non ! Selon la coutume des Inuit, cela ne se fait pas : on mange ensemble ou on ne mange pas »
L’ouvrage est disponible chez Martine Morineau, la Vallée, 44110 Villepôt. Courriel : morineau_martine@orange.fr. tél. : 02 40 28 63 35.