Ecrit le 01 juin 2016
Invasion
La langue anglaise « envahit » le français : selfie, phishing, standing ovation, discount, cash, liner, leasing, live, replay, deal, rush, burn out (faux mot savant), free lance, access prime time, mailing, geek, casting, playback, reset, coach, boss, piercing, dumping, dating, sont dans toutes les bouches et sont même entrés dans le dictionnaire.
A cette liste -loin d’être complète- viennent s’ajouter des mots tels customiser, booster, coacher, que l’on conjugue comme s’ils étaient des verbes français ! « J’ai customisé une vieille armoire, il a boosté son fils, nous avons coaché notre voisin ».
Toutes ces formes relèvent d’une préférence pour la langue « dominante » et on paraît « ringard » quand on ne les utilise pas ! Seuls les Canadiens font de la « résistance ».
On n’arrête pas le « progrès », mais est- ce un progrès que d’emprunter à une langue étrangère des mots dont on possède l’équivalent ? On ne peut que regretter cette désaffection pour notre propre langue et sa soumission à une autre. Qui dira maintenant vestiaire plutôt que dressing, revendeur plutôt que dealer, cadreur ou opérateur plutôt que cameraman ? Dites-vous publipostage ? ou occultation ? répartir ? boutique franche ? Non, vous dites, nous disons : mailing, black out, dispatcher, duty free.
Enfin, le mot peuple (latin : populus), devenu people en anglais, nous est revenu en changeant d’acception : il désigne maintenant non pas le peuple mais les célébrités, les vedettes, dans la presse people, qu’on prononce « pipeul ». Et pourtant, les trois lettres p-e-o ne se sont jamais prononcées pi en français !
Elisabeth Blondel
Ecrit le 01 juin 2016
Dumping ? Dumping ? Parlons français, M. le député !
Daaa ...ting, ça fait cloche
Il est vrai que c’est la (mauvaise) mode ! Tenez, la Chambre d’agriculture de Loire-Atlantique propose un farm dating le 10 juin 2016 en Sud Loire (Saint-Philbert de Grand-Lieu) et un apéro dating en Nord Loire le 16 juin. Si vous demandez ce que c’est, on vous envoie un ’’flyer’’. Dating ? Dating ? Ça fait cloche ! Da-ting ! Da-ting ! Le mot Rencontre aurait-il moins de valeur ? En tout cas il s’agit d’une opération nationale faisant se rencontrer et échanger des cédants et des repreneurs autour d’un verre.
A part ça le foyer du Jeune Travailleur propose un ’’afterwork’’ le 8 juin après sa porte ouverte. Pourquoi pas un 下ç ä »¥å Ž ? un Ð¿Ð¾Ñ Ð »Ðµ работы ? Ce serait plus clair !
Ecrit le 8 juin 2016
Attention à la construction
Par une espèce de contagion avec la construction du verbe remédier, PALLIER est souvent suivi de la préposition à ; or, PALLIER vient du bas latin palliare qui signifie couvrir d’un pallium, c’est-à dire d’un manteau, d’où le sens de dissimuler, cacher ; au XXe siècle il prend le sens d’atténuer quelque chose faute de remède véritable - nous y voilà ! - de résoudre un problème de manière provisoire : le verbe PALLIER doit donc être construit directement : on cherche les moyens de pallier la crise.
Inversement, le verbe INITIER qui doit toujours être suivi de la préposition à (le professeur initie les élèves au yoga, à l’histoire, à la danse, aux mathématiques, à l’orthographe), s’en voit privé depuis qu’il est construit directement, « Ã l’anglaise », (to initiate= commencer). De plus en plus, on entend et on lit : il a initié un projet, une enquête.
Il faut distinguer la construction des verbes SE SOUVENIR et SE RAPPELER : on se souvient de quelque chose, mais on se rappelle quelque chose.
Enfin, le verbe SUPPORTER, dont les synonymes sont entre autres : endurer, subir, accepter, tolérer, a été contaminé par l’anglais TO SUPPORT et signifie encourager, soutenir un sportif ou une équipe sportive et, par extension, donner son appui à un parti politique ou à un candidat, ce qui peut donner lieu à une ambiguïté : « Tu » supportes « Untel ? Moi, non ! je ne le supporte pas ».
Exercice : quel est le point commun entre les mots ajonc, alouette, ambassade, balai, cheval, orteil, parc, quai, talus, drap, galet, gaspiller et masque ?
réponse dans cette rubrique la semaine prochaine !
Elisabeth Blondel
Ecrit le 15 juin 2016
Pour tout renseignement
Lorsque TOUT signifie « entièrement », « très », c’est un ADVERBE, il est donc invariable :
Ces enfants sont TOUT pleins d’esprit.
Ils sont tous TOUT petits.
Ce succès l’a rendue TOUT heureuse.
Cependant, l’usage veut que TOUT placé devant un adjectif féminin qui commence par une consonne ou un H « aspiré » reçoive le genre et le nombre du nom auquel il se rapporte :
Elles furent TOUTES surprises de le voir.
Elle en est TOUTE honteuse.
TOUT s’accorde aussi devant un adjectif féminin, même s’il commence par une voyelle ou un H muet, lorsqu’il désigne l’ensemble, la totalité :
La forêt est TOUTE en feu.
Mais, lorsqu’il indique l’intensité, il reste invariable : Elle était TOUT en larmes.
A RETENIR : l’information « Pour tout renseignement »... (sous- entendu : quel qu’il soit) s’écrit au singulier, comme « Sandwich à toute heure » et « Entrée interdite à tout véhicule étranger au service ».
A NOTER : TOUT suivi de l’adjectif ENTIER reste invariable.(On tolère TOUTE ENTIERE qui était correct au XVIIe siècle).
ATTENTION encore, mesdames : faites bien la distinction entre « Je suis TOUt à vous » et « Je suis TOUTe à vous » quand vous écrivez à un homme...
réponse à la devinette de la semaine dernière : alouette, ambassade, orteil, etc. sont des mots... GAULOIS (il n’en reste qu’une centaine en français !).
Complément de réponse à l’exercice précédent : UNE azalée, UN éclair, UN pétale, UN aphte, UN arpège.
Elisabeth Blondel
Ecrit le 22 juin 2016
Apostrophe et trait d’union
L’APOSTROPHE (du grec apostrophos, « signe recourbé ») est un signe typographique en forme de virgule placé en hauteur à droite d’un mot pour remplacer une voyelle élidée, et éviter un hiatus : l’hôtel, l’avion, l’aéroport, l’artère, l’aorte, l’hypoténuse ; l’aimes-tu ? Il l’aime, il t’aime ! (Et non : il la aime, le avion, le aéroport etc.).
En aucun cas, l’apostrophe ne peut remplacer un tiret : il est fautif d’écrire Y’ aura t’ il de la neige à Pâques ? Il faut écrire Y aura-t-il de la neige à Pâques ?
LE TRAIT D’UNION est, comme son nom l’indique, un lien typographique entre deux ou trois mots, voire davantage : toi-même, là -bas, coq-à -l’âne, demi-heure, quasi-contrat (mais : quasi nul, quasi jamais), la petite-femme-qui-aime-bien-les-bêtes, a-t-on, ira-t-elle (dans ces deux derniers cas le t est dit « analogique » et non étymologique : il a été introduit au XVIe siècle par analogie avec aimait-il, faut-il, pleut-il ?
Dans l’expression va-t’en, t’ = te, il ne faut donc en aucun cas l’écrire va-t-en, sauf dans l’expression c’est un va-t-en guerre ! Mais on écrira : va-t-il pleuvoir ou va-t-il sortir sans parapluie ? sans remplacer le deuxième tiret par une apostrophe.
Inversement, ne remplacez pas une apostrophe par un tiret : écrivez je t’aime et non je-t-aime car il serait grave de confondre la personne aimée (te) avec la petite consonne t qui n’a qu’un rôle euphonique !
N.B. Pas d’espace avant ni après le trait d’union, pas d’espace avant ni après l’apostrophe.
Dans le domaine de la typographie, le terme espace est féminin, le saviez-vous ?
Elisabeth Blondel
Ecrit le 29 juin 2016
Çà ça... et ç’a
– Un rat ? Il ne manquait plus que ça !
– Il a menti, je n’aime pas ça !
– Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Dans ces trois exemples, ça est un PRONOM DEMONSTRATIF : dans la langue familière il est une forme syncopée de cela, qui, lui, fait partie de la langue plus « soutenue » : cela n’était qu’un beau rêve !
Il est souvent précédé de comme :
- - comme ça remplace ainsi (Les belles dames font comme ça !) ou donc (Alors comme ça, vous partez en vacances ?).
- - comme ci, comme ça indique quelque chose sur laquelle on ne veut pas se prononcer clairement : « Comment vas-tu ? - Comme ci, comme ça ! » (ou : couci-couça).
Situé en tête de phrase, ça permet de marquer l’indignation : ça par exemple ! ça alors ! Ah ça (ou çà ) mais !
Il peut désigner aussi l’acte sexuel : « Il, ou elle, ne pense qu’Ã ça ! » ou d’autres préoccupations majeures : « Son travail ? Le foot ? Les vacances ? Il (ou elle ) ne pense qu’Ã ça ! ».
ç’a été ? Ici l’apostrophe remplace un a élidé (= ç(a) a été ?) et on ajoute une cédille au c qui se trouve placé devant le a.
Notons que ç’a été est au passé composé comme ç’a fait mal (= ç(a) a fait mal) alors que ça fait mal est au présent.
En psychanalyse, ça est un NOM COMMUN qui désigne l’ensemble des pulsions inconscientes de chacun d’entre nous : « Il paraît que votre surmoi complote avec votre ça à l’insu de votre moi ! », écrit Michel Tournier.
Quand le a est accentué, çà est un ADVERBE de lieu : on ne l’emploie plus que dans l’expression çà et là (courir çà et là ) ou en composition dans l’adverbe deçà toujours employé en opposition avec delà :
Et je m’en vais,
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà , delà ,
Pareil à la
Feuille morte
( Verlaine).
Signé : Elisabeth Blondel