Ecrit le 18 avril 2018
La Mée n’est pas allée arpenter les terres humides de Notre-Dame des Landes, ni les pavés de Nantes, mais s’attache à publier des extraits de communiqués des militants concernés par « Notre-Dame des Luttes ».
Les opérations d’évacuation de la ZAD (Zone à défendre) de Notre-Dame des Landes ont commencé lundi 9 avril et se sont poursuivies toute la semaine. Une belle disproportion des forces en présence : environ 2500 gendarmes casqués, bottés, munis d’armes et de boucliers. Ils avaient reçu, paraît-il, toute une formation préalable pour empêcher des bavures. En face : 250 « zadistes », aussi bien des jusqu’au-boutistes que des jeunes paysans qui avaient rêvé de construire, là , une agriculture différente.
Mouvement COPAIN44 (Collectif des organisations professionnelles agricoles indignées par le projet d’aéroport), : « Nous souhaitons, comme beaucoup d’organisations impliquées dans ce dossier, que la route 281 puisse être rendue à la circulation normale au plus vite. Depuis le 17 janvier, nous avons largement oeuvré pour que des contacts constructifs et apaisés puissent se nouer entre les différents acteurs de ce dossier. Nous avons obtenu des espaces de discussion avec l’Etat et les collectivités qui nous laissaient optimistes quant à un retour à la légalité sur ce territoire. hélas, aux dernières nouvelles de l’opération en cours, des projets agricoles sont aujourd’hui la cible de destruction. (cf. 100 noms) Cela nous laisse entrevoir un risque de fort durcissement des positions alors que la situation aurait pu se régler de manière plus apaisée ».
Le céDPa (comité des élus doutant de la pertinence de l’aéroport) : « a affirmé clairement à plusieurs reprises sa position : réouverture de la route départementale dans des conditions normales de sécurité, soutien aux expériences agricoles, sociales et culturelles en cours sur la ZAD. Si les élus que nous sommes comprennent une opération de police visant à assurer la circulation sur la route départementale, ils demandent à l’État de ne pas obérer définitivement les chances d’une sortie pacifique de ce conflit. La destruction inutile d’un lieu comme celui des » cent noms « ce lundi après-midi, où existait un vrai projet agricole, risque d’être lourde de conséquences ».
l’aCIPA a toujours défendu que la RD281 devait rester libre après l’abandon du projet d’aéroport, pour la circulation de la population et l’accès aux parcelles agricoles. Mais cette route ne sert-elle pas aujourd’hui de prétexte à une intervention plus générale ? l’aCIPA avait appelé à protéger les lieux de vie, qui doivent pouvoir concrétiser leurs projets agricoles, culturels, sociaux et ruraux. Le mouvement est en train de travailler sur ces projets et était en réflexion pour apporter des solutions plus individuelles sous forme de convention d’occupation précaire dans ces projets collectifs.
La ferme des 100 noms
Le site des 100 noms habité depuis plus de 5 ans, développait un projet agricole porté par un jeune agriculteur ingénieur agronome. Il est déjà déclaré porteur de projet à la chambre d’agriculture. Ce projet est réparti en deux volets autour de l’élevage ovin : un premier en brebis laitière avec transformation fromagère. Un bâtiment de 430 m2 a déjà été construit (et aujourd’hui détruit). Un 2e projet associatif de production de brebis viande destiné à la formation pour la conduite de troupeaux, l’écopaturage, le sylvopastoralisme et la valorisation des pâturages humides. Le projet s’appuie sur des terres occupées depuis 5 ans et a la potentialité de se développer avec des fermes mitoyennes à reprendre pour atteindre 45 ha. L’ensemble de ce projet est pensé dans l’objectif de la mutualisation des moyens de production. Ce lieu était aussi un lieu de vie regroupant plusieurs habitants déclarés par 3 fois auprès de la préfecture comme résidents à cet endroit.
La ferme en devenir des 100 noms portait un vrai projet agricole, un projet solide et pérenne. Son expulsion et sa destruction constituent une ligne rouge que le gouvernement a franchie. d’autres lieux de vie porteurs de projets sont aussi menacés. Ce passage en force, à l’opposé des paroles d’apaisement du gouvernement et de la préfète, notamment de maintenir une agriculture alternative, est inacceptable et choquant ".
Le Comité Anti-Aéroport à La Chapelle sur Erdre : « Le 9 avril, les forces de l’ordre ont expulsé des personnes sur la zad et détruit des habitats. Dans la mesure où vous aviez déclaré respecter les projets agricoles et procéder à des évacuations ciblées, nous avions imaginé que seules les personnes et les lieux faisant délibérément obstruction à un retour à une situation apaisée et légalisée seraient visés (réinstallation de barrages sur la D281, violences). Or ce 9 avril des personnes et des lieux engagés dans des projets agricoles connus de vos services ont été attaqués. c’est le cas de la ferme des 100 noms par exemple ».
L’UDB constate qu’un certain nombre des occupants ont joué le jeu en déposant un projet agricole et qu’ils sont délogés comme les autres. L’UDB note également qu’une demande de régularisation collective a été déposée à la préfecture et que celle-ci n’a pas été prise en considération. Pourquoi ? Une régularisation collective reste une régularisation et la logique des communs n’est pas en contradiction avec l’idée d’État de droit.()
A ce titre, l’UDB dénonce l’opération en cours qui prétend vouloir séparer le bon grain de l’ivraie, mais dont l’objectif réel est de réduire à néant l’émergence d’un monde différent.
L’emploi de la force menace des habitants de plusieurs lieux de vie, qui n’ont pas demandé, ou qui ont refusé de demander, individuellement, la régularisation de leur situation. Il apparaît ainsi que la ferme des « 100-Noms », lieu de travail et de vie considéré comme emblématique, a été détruite alors même que ses occupants auraient marqué leur volonté de régulariser leur situation, mais sans vouloir se plier au formalisme requis d’une démarche individuelle. Les expulsions sont faites par voie d’ « ordonnances sur requête », procédure judiciaire certes prévue par la loi mais non contradictoire, à charge pour les intéressés de faire opposition. Le choix de cette voie procédurale apparaît comme significatif de la volonté du gouvernement, dans le contexte de la Zad de NDDL.
La Ligue des Droits de l’Homme condamne vigoureusement la décision d’interdiction faite à la presse de suivre les événements sur place. Il y a là une mise en cause dangereuse de la liberté de l’information. La LDH appelle à ce que la société traite démocratiquement ses conflits sociaux et collectifs par un véritable dialogue. Dans le cas présent, la concertation : nécessairement œuvre de patience : entre les différentes composantes des habitants, les associations, les syndicats agricoles, la préfecture et le gouvernement, doit reprendre, pour trouver des solutions aux différentes situations dans une logique d’apaisement et dans le respect des droits de tous et toutes.
L’opération de grande ampleur lancée lundi 9 avril a visé d’autres sites porteurs de projets agricoles : la Chèvrerie ou encore les Vraies rouges. Les autorités persistent : elles évacueront « toute personne n’ayant pas régularisé sa situation en déclarant de nouveaux projets agricoles individuels ». La quasi totalité des 250 zadistes estimés sur place ne l’ont pas fait, préférant une gestion collective du territoire et la possibilité de mener des projets non agricoles. Deux visions qui s’opposent
La Coordination des opposants, dont fait notamment partie l’aCIPA, a appelé à un rassemblement pacifique le 15 avril pour que s’ouvrent désormais demain des perspectives de protection sereine des richesses déjà là !
Mais à dire vrai on comprend mal l’attitude du gouvernement. Il a abandonné l’aéroport de Notre-Dame des Landes, geste de bon-sens au vu du coût et de l’inutilité du projet. Mais on a le sentiment qu’il veut punir les militants qui, pendant des années, ont porté ce refus. Deux boulangeries, une fromagerie, une auberge autogérée, un studio d’enregistrement, une cantine, des étables, des potagers collectifs, des activités agricoles déclarées, des habitations privées diverses et une expérimentation citoyenne unique dans toute l’Europe. 40 bâtiments ont été rasés. Les démolitions sont, pour l’instant, stoppées. Mais le processus de négociation a lui aussi été dévasté par l’opération.
Ecrit le 25 avril 2018
ZAD, espoirs et désillusions
Zone d’Agriculture Durable
De ZAD (Zone à défendre) à ZAD (Zone d’Agriculture Durable), le passage pourra-t-il se faire ? Dans une lettre ouverte au président Macron, des députés-e-s européens déclarent :
"Le changement de nos modes de production et de consommation, est, à n’en pas douter, un levier majeur pour faire face aux crises climatiques et environnementales. c’est pourquoi nous voulons vous faire part de notre attachement aux expériences agricoles novatrices, ambitieuses et soutenables. L’exemple de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes dépasse largement les frontières françaises et est repris comme modèle dans nombre de nos pays.
Dans la lignée de la transition écologique que vous défendez, nous souhaitons que puisse exister à Notre-Dame-des-Landes une Zone d’Agriculture Durable basée sur l’entraide et la solidarité. Le caractère collectif de la démarche est essentiel. L’ultimatum d’une semaine que vous avez donné aux différents acteurs pour déposer des projets agricoles n’a aucun sens. Par définition, des projets soutenables demandent du temps et de la réflexion. Et ce, d’autant plus dans un climat de répression violente du mouvement.
c’est pourquoi nous vous demandons de revenir sur cet ultimatum et d’accepter que les projets puissent être déposés collectivement".
Quelques espoirs se manifestent encore, malgré l’échec des négociations entre la préfecture et la délégation des ZADistes. L’opposition se cristallise autour du dépôt, ou non, de formulaires individuels par les personnes souhaitant mener un projet agricole. Devant le blocage du gouvernement, une quarantaine de formulaires individuels ont été remplis, dont une trentaine décrivent des projets purement agricoles. Rien n’empêchera que, par la suite, la gouvernance soit collective
Des anti-aéroport « historiques » ont exprimé leurs désillusions et leurs mises en garde.
François Verchère, par exemple, reconnaît : « Depuis l’annonce de l’abandon de ce mauvais projet, je voyais venir les nuages : notre incapacité à libérer vraiment la route des Chicanes malgré les efforts de beaucoup, paysans, zadistes, militants, allait donner une bonne raison au gouvernement d’intervenir. »- « Il est temps pour moi de mettre fin à ce combat » dit celle qui a été de tous les combats depuis le début. Que les donneurs de conseil de tous poils prennent la relève, ils ont l’air d’avoir des idées, surtout depuis leur ordinateur ou leur smartphone « . » Personne ne peut me suspecter d’être pro-gouvernement ni anti-zadiste. Mais je ne veux pas non plus que fassent la loi, sans la loi, les radicaux de la route des Chicanes avec lesquels je défie quiconque de passer une après-midi.".
Julien Durand, autre opposant historique, déclare à Ouest-France : Ce qui se passe dans la Zad n’est pas respectueux des paysans et de la population. Certains opposants sont pris en otage par la Zad. Ça devient du n’importe quoi. L’État a fait un pas énorme en stoppant l’aéroport. Au tour des zadistes de faire un geste, s’il reste de la sagesse dans la Zad"‰ !
déjà en 2013, je parlais de bons et de mauvais zadistes. Cinq ans plus tard, des occupants ont des projets et d’autres font régner la radicalité face aux gendarmes. Affichée comme de la « »‰solidarité« ‰ », la Zad est surtout dans l’omerta. Les constructifs, qui ont des projets honnêtes, sont sous l’éteignoir des radicaux. Cette dictature idéologique révolutionnaire empêche les modérés de s’exprimer. Ils doivent sortir de cette loi de la peur et du silence.
« la vraie solidarité, dit-il fortement, doit s’exprimer par des déclarations de projets en préfecture, pour éviter des blessés et des morts. Je lance cet appel à la bonne intelligence de la Zad ».
Le Taslu
Cette part d’ombre de la ZAD ne doit pas faire oublier la part de lumière ! Par exemple cette bibliothèque au bord des talus.
« qu’un coin de campagne ait développé un tel entrelacement de liens et d’activités, sans avoir cure de mettre entre eux les barrières des classifications, quel scandale ! Que tous ici soient un peu paysans, un peu artisans, un peu poètes, un peu barricadiers, sans destin univoque, quel fouillis ! L’ordre républicain dont ils se réclament est aussi celui qui consiste à ranger la maison pour mieux la contrôler, quitte à n’y entretenir que la tristesse et l’ennui ».
« Il se trouve qu’Ã la bibliothèque du Taslu, il nous sied de cultiver un certain désordre. Il y a de la poésie dans la politique et les bandes dessinées philosophent. Et comble de l’horreur, nous n’avons aucun projet agricole, encore moins » individuel « . Que signifierait d’ailleurs une bibliothèque individuelle ? Nous ne convoitons aucune parcelle, ne pouvons nous enorgueillir d’aucun diplôme agricole, et n’avons aucune production à vendre. Les nourritures spirituelles ne se quantifient pas, semble-t-il, à l’étalon des exigences étatiques ».
Le Taslu, la Rolandière 44130 Notre-Dame-des-Landes, ouverture : de 15h à 19h les mercredi, vendredi et dimanche.
A découvrir ici : https://letaslu.noblogs.org/
Ecrit le 13 février 2019
Tourner la page
A l’occasion de la commission permanente du Conseil régional des Pays de Loire du vendredi 8 février, la majorité régionale a rejeté une demande de subvention pour un film documentaire consacré à l’occupation des terres où devait être implanté l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Et ce malgré l’avis positif rendu par le comité technique cinéma.
Christophe Clergeau explique que « cette situation ubuesque révèle le malaise de la majorité régionale vis-Ã -vis de Notre-Dame-des-Landes » et précise : « si nous avions pu nous-mêmes, lorsque nous étions en responsabilité dans la précédente mandature, refuser une subvention à un film documentaire consacré à cette question, c’est parce que celle-ci était au cœur de l’actualité et divisait fortement l’opinion publique ligérienne ».
« Chacun peut avoir son avis sur le passé mais désormais il faut tourner la page. Le transfert a été malheureusement abandonné par l’État Il y a plus d’un an. Nous devons donc pouvoir surmonter cet épisode qui appartient désormais à notre histoire collective. Les artistes comme les citoyens doivent pouvoir s’emparer en toute liberté du sujet ».