Ecrit le 14 novembre 2018
Inégalités femmes-hommes : ça commence dès l’enfance.
A l’occasion d’une consultation nationale, l’UNICEF a interrogé plus de 25 000 enfants de 6 à 18 ans sur leurs conditions de vie et leur perception des inégalités entre les filles et les garçons.
« On respecte mes droits », « Il y a un endroit chez moi pour faire mes devoirs dans le calme », « Je pense que l’amitié entre filles et garçons est possible » Ces quelques propositions font partie du questionnaire qui a été soumis de janvier à mai 2018 à plus de 25 000 enfants en France. Pour chacune de ces affirmations, des jeunes âgés de 6 à 18 ans ont indiqué si elles correspondaient à leur vécu. Leurs réponses ont permis à l’UNICEF de dresser un portrait fidèle de l’enfance en France. Dans le questionnaire, une importance particulière a été accordée aux inégalités entre les filles et les garçons. Les résultats de la consultation démontrent que les discriminations que subissent les femmes dans notre société débutent dès l’enfance.
Par exemple, les filles sont plus touchées que les garçons par de nombreuses privations. Elles sont par exemple moins favorisées dans l’accès au savoir, à la santé, aux relations sociales et aux loisirs (deux tiers des jeunes pratiquant une activité de loisir subventionnée sont des garçons). Les discriminations qu’elles subissent adultes émergent alors qu’elles sont très jeunes.
Les stéréotypes ont la vie dure : dans la classe de CM1 d’une école élémentaire de Saint-Étienne, un garçon a par exemple confié que les filles ne pouvaient pas jouer au foot car « elles n’ont pas de muscles ». Ses camarades féminines ont très rapidement démenti : « Si on n’avait pas de muscles, on n’aurait que des os et de la peau ! Comme les garçons, on peut tirer dans la balle très fort et très loin. Le foot, c’est fait pour les filles comme pour les garçons. ».
Une jeune fille explique : « Rien que dans le sport, les femmes ne sont pas payées de la même façon que les hommes. On parle d’égalité, mais à quel moment voit-on des femmes pratiquer un sport d’équipe comme le foot ou le rugby ? A la télévision, on ne les voit faire que du patinage artistique, de la danse, du ski ou de la natation. A chaque fois, ce sont des disciplines individuelles et on entend souvent des remarques à leur sujet. ».
Des progrès ont cependant eu lieu. Même si un jeune homme estime qu’il y aura « toujours une ambiguïté » lorsqu’une fille et un garçon entretiennent une relation amicale, une de ses condisciples se réjouit de voir que la société a évolué. « Quand on était en maternelle, une fille était critiquée lorsqu’elle faisait un dessin et coloriait des vêtements en noir, plutôt qu’en rose, par exemple. Aujourd’hui, c’est totalement accepté ».
Des inégalités dans tous les espaces.
Que ce soit sur internet, dans les transports en commun ou dans l’espace public, l’enquête montre que les filles sont une fois et demie plus harcelées que les garçons. Une fille sur 10 déclare avoir subi une forme d’insulte ou de harcèlement dans l’espace public. Elles subissent surtout davantage de discriminations liées aux vêtements qu’elles portent (comme disent 19 % des 15/18 ans).
Une fille reçoit plus qu’un garçon des injonctions sur sa tenue vestimentaire. Les reproches qu’on lui fait, lui intiment qu’elle est trop féminine, trop provocante, ou au contraire qu’elle ne se conforme pas assez aux modèles féminins.
Pour se protéger, il semblerait que les filles restent davantage à la maison, ou dans les lieux où elles se sentent en sécurité, et laissent l’espace public aux garçons. Dans les quartiers prioritaires, les garçons sont très présents à l’extérieur, alors que les filles sont confinées à l’espace domestique.
A l’école, le constat est similaire : dans la cour de récréation, ce sont les jeux des garçons qui occupent le plus de place. Ils sont au centre alors que les filles occupent les marges. c’est un problème dont elles sont conscientes dès l’école primaire alors que les garçons ne commencent à s’interroger là -dessus qu’au collège. Ceux-ci sont plus nombreux à considérer qu’il faut une séparation entre les genres. Les garçons issus de milieux populaires sont d’ailleurs encore plus enclins que les autres à estimer que les relations entre les filles et les garçons sont problématiques.
L’école, un espace favorable aux filles.
Le sentiment d’inégalité est répandu chez 45% des filles. La prise de conscience se produit généralement pendant la pré-adolescence et s’aiguise à l’adolescence lorsque les filles font l’expérience du harcèlement. Elles intègrent alors l’idée que pour se protéger, elles doivent limiter leur liberté de se déplacer.
L’école constitue un lieu-refuge : elles en identifient la fonction protectrice et profitent plus avant des ressources disponibles. En outre, elles sont plus nombreuses à considérer qu’elles peuvent demander de l’aide pour faire leurs devoirs.
Face à ces constats, l’UNICEF France recommande :
1. Que l’on garantisse aux filles un accès aux loisirs ;
2. Que l’on renforce l’information sur la sexualité, la santé sexuelle et reproductive et les addictions ;
3. Que l’on accompagne les jeunes dans leur usage des outils connectés ;
4. Que l’on conçoive et construise des espaces publics partagés où l’on favorise la mixité.
La violence
Est-ce mieux ailleurs ? Toujours selon l’Unicef, les agressions et le harcèlement perturbent l’éducation de la moitié des élèves âgés de 13 à 15 ans dans le monde, soit près de 150 millions d’adolescents, qui rapportent avoir été exposés à la violence entre pairs à l’école et aux abords de l’école (rapport de septembre 2018).
Dans tous les pays, qu’ils soient riches ou pauvres, cette violence a des effets sur l’apprentissage et le bien-être des élèves. « A long terme, elle peut les conduire à la dépression, à l’anxiété et même au suicide. La violence est une leçon inoubliable qu’aucun enfant n’a besoin d’apprendre. ». Le rapport indique en outre que la violence armée (couteaux et armes à feu) continue de coûter la vie à des écoliers. Par ailleurs, dans un monde de plus en plus dominé par le numérique, les auteurs de harcèlement ont la possibilité de diffuser des contenus violents, blessants et humiliants d’un simple clic .
Pour mettre fin à la violence à l’école, l’UNICEF et ses partenaires demandent que des actions urgentes soient mises en place pour :
– Élaborer et appliquer des politiques et des lois visant à protéger les élèves de la violence à l’école ;
– Renforcer les mesures de prévention et d’intervention à l’école ;
– Encourager vivement les communautés et tout un chacun à soutenir les élèves qui dénoncent la violence et s’attachent à changer la culture de la violence dans les salles de classe et au sein de leur communauté ;
– réaliser des investissements plus efficaces et ciblés dans des solutions éprouvées qui aident les élèves et les établissements à assurer leur sécurité.
Source : voir le unicef.fr