Ecrit le 22 mai 2019
Lors de la présentation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté en septembre dernier, le président de la République avait annoncé la mise en place d’une incitation financière en direction des communes rurales les plus fragiles afin qu’elles puissent faciliter l’accès des écoliers les plus en difficulté à la cantine avec une tarification à 1€.
En France, ce sont les communes qui fixent le prix des repas à l’école primaire et un certain nombre de communes rurales ne proposent pas de tarification sociale. Les familles les plus en difficulté renoncent alors à y inscrire leurs enfants. Avec la « cantine à 1 euro », l’objectif est de garantir aux familles en difficulté des repas équilibrés pour leurs enfants en milieu scolaire.
l’aide financière de l’État, de 2 € par repas pour le tarif social le plus bas (1 €), sera versée sur déclaration du nombre de repas servis, à deux conditions : une tarification sociale dans les cantines proposant un minimum de trois tranches de tarifs et la tranche la plus basse de cette tarification n’excédant pas 1 € par repas.
Les communes éligibles sont celles qui sont éligibles à la fraction cible de la dotation de solidarité rurale (DSR) et qui ont conservé la compétence scolaire, ainsi que les Com’Com’ ayant cette compétence, lorsque les 2/3 de leur population habitent dans une commune éligible à la DSR (dotation de solidarité rurale).
47 communes sont concernées en Loire-Atlantique par le fonds de soutien de l’Etat et notamment : Abbaretz ; Blain ; Derval ; Jans ; Nort sur-Erdre ; Puceul ; Saint-Vincent-des-Landes ; Treffieux ; Vay et le Syndicat Intercommunal à Vocation Multiple du Secteur de Ligné.
Une enquête de l’Union nationale des associations familiales (Unaf) réalisée à l’occasion des élections municipales de 2014, a montré qu’en France les deux tiers des communes interrogées disposent d’une cantine scolaire, seules un tiers prennent en compte la situation familiale et/ou le revenu pour facturer ce service. Plus la commune est importante, plus la dimension familiale est prise en compte.
Ainsi, entre 10 000 et 100 000 habitants, 81% des communes interrogées prennent en compte la composition de la famille et/ou le revenu. [Châteaubriant s’y refuse !]. Au dessus de 100 000 habitants, toutes les communes les prennent en compte. En revanche, entre 100 et 400 habitants, entre 400 et 1000, et entre 1000 et 10 000 ce sont respectivement 10%, 21% et 37% des communes qui font cet effort.
Le bio à la cantine
La loi « agriculture et alimentation », prévoit, d’ici à 2022, 50 % de produits de qualité et de 20 % de bio dans les cantines. Une étude a été menée sur l’impact du bio sur les enfants et les parents. Les résultats montrent une différence significative. Les parents dont les enfants ont eu du bio à la cantine ont des achats de produits bio nettement plus fréquents que la population témoin : 36,8 % de plus d’acheteurs réguliers et 12,2 % de plus d’acheteurs occasionnels. L’introduction du bio à la cantine est donc un moyen pour augmenter de façon significative les fréquences d’achat de produits biologiques.
Les scores des croyances en termes de goût s’améliorent (+25,1 %) suivis par ceux concernant les bénéfices environnementaux (+20,8 %) et ceux sur la santé.
A un niveau plus global les résultats de ce travail montrent que l’école peut être une source d’éducation à la fois des enfants mais également des parents. Les programmes pédagogiques ne sont donc pas innocents et pourraient être un moyen pour modifier/diffuser certaines pratiques telles que la réduction des emballages, le tri sélectif, les économies d’énergie ou encore la lutte contre l’obésité par exemple.
Socialisation
Les parents transmettent à leurs enfants un modèle alimentaire s’inscrivant plus largement dans un modèle éducatif socialement marqué. Les repas à l’école peuvent être un complément de l’éducation parentale. A la cantine, les élèves apprennent à manger en collectivité, réunis à une même table avec d’autres enfants et partagent parfois un plat collectif. Ils intériorisent des façons de faire (composer, dresser et porter un plateau) et d’être (ne pas se servir davantage que son voisin, remercier les dames de service) propres à la restauration scolaire. Les repas entre pairs sont l’occasion de mettre à l’épreuve les relations horizontales au sein de l’entre-enfants.
La façon dont les enfants vivent et expérimentent le repas à la cantine n’est pas seulement dépendante des pairs avec qui ils partagent leur repas. Elle varie aussi selon la nature des relations qu’ils entretiennent avec les adultes qu’ils y côtoient. qu’ils s’identifient à eux ou qu’ils les rejettent, les enfants interagissent avec les encadrants du temps du midi et avec les personnels de restaurant. Ils savent se saisir des nuances qui caractérisent les pratiques professionnelles des adultes qui les entourent en adaptant leurs comportements en fonction de ceux auprès de qui ils se trouvent et à qui ils s’adressent. Ils se tournent plus facilement vers certains lorsqu’ils cherchent de l’affection ou vers d’autres lorsqu’il y a un conflit à régler. Ces relations verticales régulent nécessairement les comportements des enfants dans un contexte différent de celui de la famille.
A la cantine l’enfant a davantage la possibilité de s’exprimer en tant qu’individu doté d’une personnalité et de goûts qui lui sont propres et liés à son histoire familiale et à son appartenance sociale. De fait, le statut d’élève s’efface quelque peu également face à la figure de « l’enfant de ». En réunissant dans un espace et un temps circonscrits des élèves de tous les niveaux de classe, les repas cristallisent et génèrent des interactions entre pairs qui ne se produisent pas dans d’autres circonstances.
Selon une étude de Geraldine Comoretto, « le niveau de classe, l’âge et le sexe des élèves constituent des critères déterminants dans la définition des relations sociales entre enfants. L’observation de certaines pratiques enfantines lors des repas a mis au jour des inégalités sociales entre les élèves, nous poussant à interroger le rôle de l’école dans le maintien et la reproduction des différences sociales ».
Cantines solidaires
Et si on expérimentait les cantines solidaires ? Chaque année la commune de Châteaubriant fait « la fête des voisins » dans certains quartiers. Bonne idée mais faible affluence.
Projet né en 2015 à Lyon, les Petites Cantines proposent aux habitants d’un quartier de se retrouver autour d’un repas à bas coût. La nourriture n’est ici qu’un prétexte pour réunir autour de grandes tables collectives des publics hétéroclites L’objectif : contrer le sentiment d’isolement social éprouvé par certaines personnes.
A Kiev s’est expérimenté un Urban Space (Espace Urbain). Au cœur du projet figure un restaurant à bas coûts, dont 80% des bénéfices doivent ensuite être réinvestis dans des projets sociaux similaires. Autour de ce lieu, on trouve également des espaces événementiels où des artistes locaux ont la possibilité d’exposer leurs œuvres ou jouer de la musique. Une radio diffusant des informations sur les initiatives et musiciens locaux devrait également s’y implanter.
Depuis mars 2018, Le Refettorio est un restaurant solidaire situé dans la crypte de l’église de la Madeleine, au cœur de Paris. Il offre le soir un service de restauration accueillant et chaleureux, pour les personnes en situation d’exclusion et de précarité, en transformant des ingrédients provenant de surplus alimentaire : qui seraient sinon gaspillés : en de délicieux plats.
Il y a quelque chose à inventer autour de la gastronomie et du système social français ...