Ecrit le 23 septembre 2020
Au village de Chère, en St-Aubin-des-Châteaux, il est une petite maison. Un vieux couple de Châteaubriant en a fait l’acquisition, devinant, sous la gangue d’arbustes et de ronces, que ce lieu a une histoire, une âme.
Il a fallu retracer un chemin d’accès. La porte d’entrée était invisible derrière un taillis. Par la toiture ajourée la pluie détrempait le sol en terre battue. Un arbre avait poussé dans l’écurie. Une ruine. Mais la maison voulait vivreHenri et Monique Tricoire le sentaient bien.
Alors, mètre-carré par mètre carré, ils se sont approchés de ce qu’ils devinaient être la porte d’entrée, à côté d’une petite fenêtre munie de solides barreaux. Il n’y avait pas de loquet, juste une chaîne. La porte a grincé, comme une façon de dire bonjour. c’est une porte à l’ancienne, sans dormant, avec une forte pointe métallique qui s’enfonce, en haut dans un trou percé dans le linteau, et en bas dans le sol.
La pièce où l’on entre est vaste, 35 à 40 m2. Le sabotier qui vivait là y faisait sa cuisine, sa chambre, son atelier d’artisan. Il y a sans doute élevé une famille. La vaste cheminée a encore sa crémaillère, le manteau de la cheminée s’encastre dans des corbeaux de chêne solidement maintenus par la masse de pierres au-dessus d’eux. Les murs sont en pierre brute, sans ciment, alternance de « pierres de champ » (du grès ?) et de lames de schiste. Ici et là une grosse pierre . Pour la décoration ?
Devant la cheminée, fixée aux poutres, une simple pièce de bois percée d’un trou. c’est là que l’on enfonçait l’axe du tourniquet qui apprenait aux enfants à marcher, devant le feu.
Au dessus de nos têtes le grenier a été transformé en mezzanine. Sous nos pieds la terre battue a été carrelée.
Une porte a été ouverte dans l’épaisseur du mur (60 cm !) pour aller dans l’écurie où l’arbre a été coupé. Les murs ont été remontés pierre par pierre. Du côté de la porte, un trou carré de 60 cm de profondeur, intrigue. Servait-il à cacher une arme ?
Allons faire un tour au jardin. Ici pas de clôture avec les voisins, chacun reste chez lui mais n’hésite pas à donner un coup de main ! Par exemple, dans les mois du confinement, c’est la voisine qui a passé deux fois la tondeuse.
Le jardin est un paradis. d’un voyage au Maroc, Henri et Monique ont rapporté des boutures de figuier. d’un voyage en Tunisie, ils ont rapporté deux noix. Et tout cela pousse non loin du puits où le treuil affiche sa vieillesse. A la saison, la prairie est rose de cyclamens nains. Un massif d’hortensias et une cabane-toilettes-sèches complètent l’équipement. La Chère coule en contrebas et vient baigner les pieds de la maison au cours de l’hiver.
Dans cette vieille maison Henri et Monique ont trouvé des trésors. Des meules de pierre pour écraser le grain. Une paire de sabots hirondelles auxquels ne manquait que la bande de cuir couvrant le pied. Et puis un étrange égouttoir en bois, pour la vaisselle ou les légumes. Et puis la jambe de bois du sabotier !
Cette jambe , c’est tout une histoire. Notre homme s’en était allé, un jour, à Nantes la grand ville. Descendu trop vite du tramway il a eu la jambe sectionnée au dessus du genou. c’est alors qu’il a fabriqué une prothèse en deux parties. Une première partie enserrant la cuisse, retenue peut-être par une courroie passant sur l’épaule. Et un tibia amovible. Quand il était en place, l’homme pouvait marcher.
Quand il était retiré, l’homme pouvait s’asseoir et rester assis.
Dans cette maison, ne cherchez ni l’électricité, ni l’eau potable. Mais vous y trouverez l’amitié, la famille, les voisins qui aiment y passer une journée, et la soirée au clair de lune, partager des grillades, faire dorer de larges tartines de pain qui ont le goût du feu, faire sauter des châtaignes sur la poële à trous, raconter des histoires ou simplement être bien dans la douceur d’un soir d’été ou dans la chaleur de la cheminée quand siffle dehors un petit vent froid.
c’est simplement une petite maison en bord de Chère
Les vieux murs aux pierres inégales
S’élèvent selon la main
Le lieu et le hasard
Rugueux et tendres
Ils épousent les ans
s’allient aux feuillages
Nos rêves s’y agrippent
Et les traversent
Parfois (Andrée Chedid)
Ecrit le 24 février 2021
Evasions
Voyager et écrire mêler le plaisir de la découverte et de l’expression : c’est ce qu’offrent deux gros recueils d’évasions, de récits écrits à quatre mains par Monique et Henri Tricoire. « Voyager, randonner par n’importe quel moyen, cela fait découvrir énormément de choses, et d’abord les embûches » puis les plaisirs. Voyager, ça se prépare et puis ça se vit. « je vais essayer de relater nos évasions avec assez de précisions afin de donner l’envie de bouger aux plus jeunes et aux moins jeunes, ce n’est pas l’âge qui entre en jeu, mais l’envie » dit Henri.
Pour partir, il faut avoir la forme, un itinéraire minutieusement préparé et un vélo chacun. Premier départ : 18 août 1982, « impatients, euphoriques, tels des enfants à la récréation ». Direction : les côtes de la Manche et le Mont-St-Michel. Premières aventures : les gîtes retenus mais inaccessibles, le tonnerre et la pluie, les soeurs du couvent et le cimetière américain de Saint James. « Nous avons parcouru 500 km sans voir Artaban ».
Qui est Artaban ? « c’est un peu la Bête de Béré ou du gévaudan tant son apparition est parfois fugace. décrire Artaban, c’est difficile, car il se présente sous différents aspects. Parfois son aspect physique ou vestimentaire prête à rire. Son allure étrange fait qu’ARTABAN n’est pas un être commun. Il fait partie de nos randonnées. Il est comme une fée avenante ou comme le bossu borgne, malfaisant suivant les cas. On peut le voir plusieurs fois dans la même semaine et n’avoir rien de commun avec le précédent. Lorsque vous le rencontrerez, saluez-le pour nous ! »
Le récit fait 766 pages, écrites comme un livre de contes en France, mais aussi au Maroc, en Tunisie, en Sicile, au Monte-negro, avec des observations très fines, des petits riens pittoresques, de ceux que l’on vit quand on rencontre des gens, quand on est attentif à leur histoire. On le lit comme un récit épique ! c’est aussi une découverte de ces « étranges voya-geurs », du regard chaleureux qu’ils portent sur les autres. Le tout avec des photos originales.
On peut le trouver chez les auteurs : M.Mme Tricoire
à Châteaubriant.