Ecrit le 21 mars 2007
Vers la création de filiales de l’ANPE
« L’ANPE est en danger », disent les huit syndicats de l’agence nationale pour l’emploi qui appellent les personnels à la grève le 29 mars prochain.
En cause : un projet de décret ouvrant la voie à la privatisation, doit être publié d’ici fin mars.
On sait que l’ANPE, qui avait le monopole du placement des chômeurs, est maintenant en concurrence avec des sociétés privées.
Le décret incriminé va plus loin : il donne à l’ANPE la possibilité de créer des filiales commerciales ! L’ANPE ne sera donc plus un service, mais une entreprise commerciale avec des clients.
Deux sortes de clients :
– . Les chômeurs, bien entendu
– . Et les entreprises.
L’ANPE pourra ainsi vendre ses services soit aux entreprises pour recruter, soit aux conseils généraux et autres collectivités locales pour gérer leurs demandeurs d’emploi.
Et voilà comment les chômeurs vont devenir des clients et peut-être même des marchandises que l’ANPE placera dans les entreprises. .... avec recherche de recettes, évidemment.
Le chômeur aura face à lui des salariés soumis à des obligations de résultat !
Des filiales
Mais pourquoi des filiales ? Pour permettre à l’ANPE de recruter du personnel hors statut, sans sécurité de l’emploi. Comme à France télécom et à La Poste, progressivement éclatées en filiales pour être mieux privatisées.
Par ailleurs, les ANPE seront régionalisées, avec des pouvoirs accrus donnés aux directeurs régionaux et aux collectivités locales, qui font leur entrée dans le conseil d’administration et dans les comités régionaux.
Pour les syndicats, cet éclatement risque d’aboutir à la fin de l’égalité de traitement des chômeurs sur tout le territoire puisque les politiques de l’ANPE seront décidées à l’échelon régional, sous l’influence des pouvoirs locaux. « Les chômeurs seront soumis à un véritable enfermement sur les besoins du patronat local », analyse la CGT ANPE. Sans oublier la pression des élus de tout poil qui auront envie de faire baisser les statistiques !
Parallèlement au décret, les syndicats contestent la mise en place de « plates-formes interrégionales » regroupant sur sept pôles en France les services ressources humaines, juridique, immobilier et équipement. Cette concentration visant à faire des économies d’échelle doit être lancée prochainement. Elle obligera des agents de l’ANPe à muter à 300 ou 400 kilomètres ou à changer de métier .
précarité, mobilité ....
Les agents ANPE connaîtront
la même vie que les chômeurs !
Source : article de Fanny Doumayrou (dans l’Humanité)
Ecrit le 21 mars 2007
Lettre ouverte à Christiane Taubira concernant les chômeurs radiés
Chère Madame,
Je suis conseillère à l’emploi à l’ANPE et j’ai « mal à mon service public ».
Au-delà du scandale de la manipulation des chiffres du chômage, je veux témoigner des maltraitances faites aux chômeurs sous couvert de traitement du chômage.
Les plus choquantes pour moi qui ai appris un métier d’aide et de conseil sont les « punitions » que l’ANPE inflige aux demandeurs d’emploi sous le moindre prétexte, sans prise en compte de la réalité de leur situation, sans aucun égard pour leur dignité. Les radiations administratives sont un déni de citoyenneté.
579 558 chômeurs ont été rayés en 2006 de la liste des demandeurs d’emploi suite à des radiations administratives : il s’agit du chiffre brut, concernant la France entière (dont les DOM) et les chômeurs « disponibles immédiatement pour un emploi » (catégories 1, 2 et 3). Il saute aux yeux que sans le demi-million de radiations administratives, il n’y aurait pas eu de « baisse du chômage » en 2006 !
Combien ?
La majeure partie des radiations, de l’aveu même des dirigeants de l’ANPE, est consécutive à une absence à convocation. Depuis la mise en place du suivi mensuel (ordonnances Villepin d’août 2005), le nombre de convocations a été multiplié par 6. La radiation administrative est une sanction prévue par le code du travail, qui dit explicitement qu’elle peut intervenir en cas de « refus sans motif légitime » de se rendre à une convocation. Parmi ces 579 558 radiés, combien n’ont pas été mis en situation de justifier la légitimité de leurs motifs ? Combien n’ont jamais reçu de convocation ? Combien sont découragés par ces convocations multiples, souvent inutiles, vécues par beaucoup comme du harcèlement moral ? Combien ont des soucis de mobilité ou de garde d’enfants qui ne sont pas pris en compte ? Combien ne sont pas informés de leurs droits, combien n’ont ni les moyens ni le courage de les faire valoir ? présomption d’innocence, bénéfice du doute, ces principes de justice élémentaire n’ont pas cours à l’ANPE !
La procédure de radiation est le plus souvent déclenchée automatiquement par le système informatique. Les demandeurs d’emploi sont gérés comme des « stocks » ou des « lots » (termes utilisés fréquemment en interne, tant à l’ANPE qu’Ã l’ASSEDIC). Les pressions exercées sur les agents de l’ANPE pour atteindre des objectifs de production de « bons » chiffres imposent la stricte application des règles en matière de radiations.
En revanche d’autres règles, plus respectueuses des usagers (comme l’envoi par lettre recommandée des avis de radiation) sont tout simplement ignorées par l’ANPE.
Pour les personnes indemnisées par l’ASSEDIC au titre de l’assurance-chômage ou du régime de solidarité, la radiation se traduit par la suppression brutale de tout revenu. Le crime est-il donc si grave, pour justifier une sanction aussi exorbitante, aussi lourde de conséquences ?
Il m’est insupportable que l’ANPE, dont la principale mission est d’aider les personnes privées d’emploi, génère aveuglément encore plus de précarité, encore plus d’humiliation, encore plus d’exclusion. Le chômeur radié n’existe plus, il n’est plus rien, il ne « compte » plus.
S’il doit y avoir un contrôle des chômeurs, il ne peut pas se faire dans ces conditions indignes des valeurs républicaines.
Catherine Cadier
Souriez, vous êtes radiés
On lira à ce sujet le livre de Fabienne BRUTUS : « Chômage : des secrets bien gardés » (Ed. J.Cl. Gawsewitch).
Conseillère à l’emploi, elle révèle la vérité sur l’ANPE, les chiffres introuvables, le nettoyage par le vide, les partenaires « voyous » ...