Ecrit le 23 mai 2007
Santé mentale ?
Source : http://www.journal-la-mee.fr/bp/quest.pdf
Dans l’académie de Paris, un étrange questionnaire a été remis aux parents, « étude sur la santé des enfants » : 16 pages, 44 questions qui ne parlent pas du tout de problèmes de vue, d’audition, de poids, de handicap éventuel .... Il ne s’agit en effet (mais sans le dire) que de la santé mentale de l’enfant.
[ndlr : qu’est-ce que la santé mentale ? Sait-on si l’on est, ou non, en bonne santé mentale ? ]
Le questionnaire (1) s’intéresse d’abord à l’enfant (14 questions sur 44) en demandant son âge, son sexe, ses frères et soeurs. Normal.
Puis les questions se font plus précises :
– a-t-il été gardé par une tierce personne (crèche, nourrice), si oui à quel âge ?
– a-t-il vécu des événements tels que : adoption, décès de la mère ou du père, ou de frères et soeurs, séparation ou divorce des parents, naissance ou adoption d’un frère ou d’une soeur, remariage ou cohabitation de la mère (ou du père) avec un nouveau conjoint (e)
– a-t-il été victime d’une agression physique (ou sexuelle) par une personne de plus de 15 ans,
– a-t-il été victime d’une agression physique par des jeunes de moins de 15 ans ?
– a-t-il connu la perte d’emploi ou des problèmes d’argent des parents
Etes-vous sur son dos ?
Mais le questionnaire s’intéresse surtout aux parents (exemples) :
– a) Faites-vous des activités ensemble
– b) Parlez-vous ensemble de ses activités,
– c) L’embrassez-vous ? . . .
– d) Le punissez-vous en le privant de ce qu’il aime ? . .
– e) Lui faites-vous des compliments ? . .
– f) L’envoyez-vous au lit plus tôt que d’habitude pour le punir ? . . .
– g) Avez-vous l’impression de le traiter comme un bébé ? . . .
– h) Est-ce que vous lui dites que les autres
enfants sont mieux que lui ? . .
– i) Fouillez-vous dans ses affaires personnelles ? . .
– j) Lui défendez-vous de jouer avec d’autres enfants ? . .
– k) Y a-t-il des moments où vous êtes toujours sur son dos ? . . .
– l) Le consolez-vous quand il est triste ou quand il a de la peine ? . .
– n) Avez-vous du plaisir à être ensemble ? . .
– o) Vous arrive-t-il de crier après lui ?
– p) L’aidez-vous lorsqu’il a du mal à accomplir une tâche (ex. faire ses devoirs) ? . .
– q) Vous arrive-t-il de le menacer, de le frapper (ou donner une fessée) ? . .
– r) L’envoyez-vous dans sa chambre comme punition ? . . .
– s) Vous arrive-t-il de lui dire « Va-t-en, je ne veux plus te voir » quand il fait une bêtise ?.
déprime ?
Après s’être intéressé aux relations parents-enfants, le questionnaire porte sur les parents eux-mêmes, et sur les frères et soeurs. Exemples :
Au cours des quatre dernières semaines, vous êtes vous senti triste, nerveux, déprimé ? Cela vous a-t-il gêné dans votre vie sociale, vos relations avec la famille, les amis ? Un petit peu ? Moyennement ? Enormément ?
– Au cours de votre vie, vous est-il arrivé de vivre une période d’au moins deux semaines pendant laquelle vous vous sentiez constamment triste, déprimé(e), sans espoir ?
– Manquez-vous constamment d’énergie ou vous sentez-vous beaucoup plus fatigué(e) que d’habitude ? -
Avez-vous perdu ou pris du poids sans le vouloir (5 kilos ou plus) ?
– Avez-vous des difficultés à vous endormir, ou à rester endormi(e), ou encore avez-vous des réveils beaucoup trop matinaux, presque toutes les nuits ? -
Fugues et bougeotte
Les parents, frères et soeurs de l’élève ont-ils déjà eu ...
– des pensées déplaisantes ou obsédantes comme ne pas avoir bien fermé la porte, alors qu’elle était bien fermée, ou que certaines choses étaient sales alors que ce n’était pas le cas ?
– ont-ils ressenti de la détresse ou de la peur lorsqu’ils devaient aller à l’école, dormir en dehors de la maison ou être éloigné des parents ?
– ont-ils commis des vols, séché des cours, fugué ou désobéi aux règles ?
– à l’école primaire, avaient-ils la bougeotte, quittaient-ils leur place régulièrement sans permission, ne pouvaient-ils finir les devoirs ou avaient-ils du mal à se concentrer ?
Crime, suicide, alcool
Le questionnaire demande si le père, la mère, les frères et soeurs ont déjà été « emprisonnés, arrêtés ou condamnés pour un crime » , s’ils ont « déjà tenté de mettre fin à leurs jours ? ». Avec cette question précise : « Si oui, la personne en est-elle décédée ? ».
Il y a aussi une dizaine de questions sur la consommation d’alcool des parents. Exemples :
– Au cours de l’année écoulée, combien de fois avez-vous constaté que vous n’étiez plus capable de vous arrêter de boire une fois que vous aviez commencé ?
– Au cours de l’année écoulée, combien de fois avez-vous eu un sentiment de culpabilité ou des remords après avoir bu ?
– Avez-vous été blessé ou quelqu’un d’autre a-t-il été blessé parce que vous aviez bu ?
Certaines autres questions portent sur les relations affectives parents/enfants, sur des angoisses possibles, la maladie, la dépression, la violence
– mais aussi sur le milieu social, les revenus...,
– le lieu de naissance (France, Europe, Afrique du Nord, Afrique Noire, Amérique, Océanie).
Sans oublier de demander si la personne bénéficie du RMI, d’une allocation logement, d’une allocation pour invalidité... si elle bénéficie de la sécurité sociale ou de la couverture maladie universelle !
Certes, de nombreux enfants peuvent ressentir une souffrance psychique à cause de l’instabilité familiale ou de la précarité de leurs conditions de vie et devraient être aidés, mais faut-il les stigmatiser par ce genre de questionnaire ? Questionnaire non-anonyme, précisons-le, puisqu’il comporte un numéro d’identification.
Pour faire quoi, ce questionnaire ? Pour instituer une haute surveillance de certains enfants ? Pour imposer une norme de comportement ? Faut-il rappeler que nombre de savants et d’illustres penseurs furent de mauvais élèves, désobéissants, révoltés, refusant d’entrer dans le moule que l’on voulait leur imposer ? Einstein en fut un parfait exemple
Carnet de comportement
L’enquête rappelle étrangement le projet de loi sur les origines génétiques des troubles du comportement chez le jeune enfant ! Le ministre de l’intérieur, un certain Sarkozy Nicolas, n’a-t-il pas récemment proposé la mise en place d’un carnet de comportement de l’enfant ? Et pourquoi pas de la famille ? Le président Nicolas Sarkozy reviendra-t-il à la charge ?
Faudra-t-il aller dénicher à la crèche les voleurs de cube ou les babilleurs mythomanes ? Faudra-t-il faire un fichier national des enfants turbulents ? Faudra-t-il les enfermer ou les droguer préventivement ?
Comme dit Albert Jacquard, irons-nous vers « une société où chacun sera défini, catalogué, mis aux normes. où le concept même de personne autonome capable d’exercer sa liberté aura disparu. »
(1) Consulter le texte de l’enquête, ici :
http://www.journal-la-mee.fr/bp/quest.pdf
Note du 22 mai : cette enquête a été suspendue - voir Ouest-France du 22 mai 2007